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Quelle gouvernance ?
Publié dans La Nouvelle République le 27 - 09 - 2011

Le monde est devenu une grande maison de verre, un acquis contre les régimes totalitaires dans la mesure où l'information n'est plus le quatrième pouvoir mais le pouvoir lui-même.
2.- Les incidences planétaires politiques, sociales et économiques du nouveau système d'information Les mutations que connaît l'économie mondiale ont leur équivalent dans le domaine de l'information et de la communication. Elles ont une répercussion fondamentale sur la bonne gouvernance, sur l'urgence du renouveau du mode d'enseignement (finis les cours dispensés par voie orale !), sur la presse avec le développement de nouveaux médias utilisant Internet qui seront dominants à l'avenir et d'une manière générale un impact sur tous les mécanismes de gestion tant centrale que locale des institutions et des entreprises : passage de l'organisation hiérarchique de type militaire à l'organisation en réseaux. En effet, on observe aujourd'hui une métamorphose complète du paysage médiatique mondial, due principalement à la combinaison dynamique de deux facteurs : l'essor exceptionnel du capitalisme financier et la « révolution numérique » qui a donné aux technologies de l'information et de la communication un essor non moins exceptionnel. L'intégration des télécommunications, de l'informatique et de l'audiovisuel a donné naissance à la société de l'information qui fait l'objet d'une attention particulière de la part des Etats et des organisations internationales. Cet intérêt s'est trouvé accru depuis une décennie en raison des retombées socioéconomiques et culturelles des nouvelles technologies de l'information de la communication (NTIC) : la « fracture numérique » transcende en effet les clivages géographiques et traverse de part en part toutes les sociétés humaines. C'est que les nouveaux moyens de télécommunication facilitent l'échange et la diffusion de la connaissance. Ces nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC) changent donc profondément la vie au quotidien des citoyens, le fonctionnement des entreprises, de l'Etat. Tout cela entraîne de nouvelles représentations mentales et sociales. Cela est plus patent au niveau multimédia (TV, vidéo à la demande, GPS, musique…) sur les téléphones portables. Sur le plan macroéconomique, les nouveaux processus mis en place grâce aux TIC ont des conséquences sur l'analyse de la valeur des produits et services, que l'on effectuera davantage sur le cycle de vie, lequel a tendance à se raccourcir et influe sur les gains de productivité et la croissance liée à l'introduction des TIC. Les TIC influencent également la recherche scientifique et technique et permettent indirectement de réaliser de nouvelles découvertes qui ont à nouveau un effet macroéconomique. Enfin les TIC ont un impact dans de nombreux autres domaines comme les loisirs, la culture, la santé, la gestion du temps, les comportements en société. L'avènement d'Internet et le développement formidable qu'il connaît depuis quelques années ont pratiquement mis en demeure l'entreprise – de quelque importance qu'elle soit – de s'adapter et d'en faire l'usage le plus judicieux et le plus productif. La compétitivité l'obligeant à obtenir ou à donner l'information en temps réel, l'entreprise va en effet investir la Toile et recourir à l'électronique pour faire face à la concurrence et développer ses activités. Les NTIC permettent de mettre en place depuis quelques années des modèles d'organisation du travail dont les principales caractéristiques sont la décentralisation et la flexibilité. Le phénomène de délocalisation de l'emploi tient largement de la recherche des gains de productivité et des possibilités offertes par les NTIC aux entreprises, particulièrement à celles qui sont d'une grande envergure : télésaisie, télétraitement et télémaintenance informatique sont maintenant une réalité de tous les jours. Un tel phénomène est même observable à l'intérieur des pays développés où le recours au télétravail semble susciter un phénomène de repeuplement de certains espaces ruraux. Dans ce contexte, il est utile également d'analyser l'intérêt des NTIC sur la bonne gouvernance. Du point de vue de l'ONU, les bienfaits des NTIC, particulièrement pour les pays du tiers monde, peuvent être considérables : gain de temps et d'argent, prévention de catastrophes humanitaires, extension de la bonne gouvernance, accroissement du pouvoir de mobilisation de la société civile. C'est ce qui ressort de cette déclaration faite par Koffi Annan,ex-secrétaire général des Nations unies, lors de la 56e Assemblée générale : «L'énorme potentiel de ces technologies défie notre imagination. Mais dès aujourd'hui nous pouvons en mesurer l'immense utilité. Lorsque les entrepreneurs de régions rurales peuvent passer commande ou vérifier le cours de leurs produits par téléphone cellulaire, le gain de temps et d'argent peut être énorme. Lorsque les satellites nous renseignent sur l'imminence d'une tempête ou d'une inondation et que l'information circule rapidement grâce à un réseau de communication électronique, ce sont autant de catastrophes humanitaires qui peuvent être évitées. Lorsque les citoyens peuvent obtenir directement sur Internet des informations indépendantes concernant les politiques de leur gouvernement, la bonne gouvernance a d'autant plus de chances de prendre racine. Et lorsque des milliers d'entre eux peuvent communiquer en un rien de temps, par-delà les frontières, grâce au courrier électronique, le pouvoir de mobilisation de la société civile en faveur de la paix, de la justice et de la démocratie devient illimité». Voilà donc pourquoi la compréhension des enjeux que représentent les NTIC et la maîtrise de leurs mécanismes et des instruments qu'ils utilisent restent essentielles. Elles permettraient de contribuer de manière décisive à réduire les disparités qui existent entre le Nord et le Sud et ouvrir à ce dernier des possibilités très grandes non seulement dans le domaine économique mais aussi en matière de modernisation des Etats qui le composent. 3.- Société de l'information ou société de la connaissance ? Comme mis en relief précédemment, la société de l'information désigne une société dans laquelle les technologies de l'information jouent un rôle fondamental. Par contre la notion de société de la connaissance (knowledge society), apparue vers la fin des années 1990, est utilisée en particulier dans les milieux universitaires, comme une alternative jugée préférable par certains à la notion de «société de l'information ». Aussi, le débat n'est pas clos, et actuellement sur le plan théorique il y a désaccord, bien que l'emploi du premier se soit imposé, et aucun des deux n'a pu être l'objet d'un consensus. Alors que l'optique beaucoup plus technique de la société d'information fait référence aux données, aux canaux de transmission et aux espaces de stockage de l'information, la notion de société de la connaissance évoque les êtres humains, les cultures et les formes d'organisation et de communication, l'information étant déterminée en fonction de la société et non l'inverse. Par exemple, Abdul Waheed Khan de l'Unesco : « La société de l'information est la pierre angulaire des sociétés du savoir. Alors que, pour moi, la notion de société de l'information est liée à l'idée d'innovation technologique, la notion de « sociétés du savoir » comporte une dimension de transformation sociale, culturelle, économique, politique et institutionnelle, ainsi qu'une perspective de développement plus diversifiée. À mon sens, la notion de « société du savoir » est préférable à celle de société de l'information car elle fait une place plus large à la complexité et au dynamisme des changements qui sont à l'œuvre. (…) Le savoir en question est utile non seulement pour la croissance économique, mais aussi parce qu'il contribue à l'autonomie et au développement de la société dans son ensemble ». Yves Courrier différencie les deux termes comme suit : la « société de l'information met l'accent sur le contenu du travail (processus de saisie, de traitement et de communication des informations nécessaires) tandis que la société de la connaissance » met l'accent sur le fait que les agents économiques doivent posséder des qualifications supérieures qu'ils mettront à contribution dans l'exercice de leurs métiers. Dans un important ouvrage coordonné par Alain Ambrosi, Valérie Peugeot et Daniel Pimienta dans « Enjeux de mots : regards multiculturels sur les sociétés de l'information » je cite : « les politiques visant au développement de la société de la connaissance devant être axées sur les personnes, d'après leurs besoins et dans le cadre des droits humains et de la justice sociale ». Et de conclure : « Le concept de société de l'information apparu avec la globalisation néolibérale, sous-entend que, désormais, ce seront les révolutions technologiques qui détermineront l'orientation du développement ; les conflits sociaux appartiendraient au passé. Pour cette raison, ce concept n'est pas le plus approprié, que ce soit pour qualifier les nouvelles tendances des sociétés et, encore moins, pour décrire un projet de société anti-hégémonique … toute définition du terme société ne peut pas décrire une réalité limitée à Internet ou aux TIC. Internet peut être un nouveau cadre d'interaction sociale, mais cette interaction est étroitement intégrée au monde physique, et les deux domaines se transforment mutuellement. L'information doit être un bien public, et non pas une marchandise ; la communication un processus de participation et d'interaction ; la connaissance une construction sociale partagée et non pas une propriété privée ; et les technologies un support pour tout ceci, sans qu'elles deviennent une fin en soi ». Le regretté Claude Levy-Strauss, un des plus grands anthropologues, définit d'ailleurs la société comme un ensemble d'individus et de groupes qui communiquent entre eux. Les groupes organisés - ceux qui poursuivent la réalisation de but définis - ne peuvent fonctionner efficacement que si les informations internes et externes circulent convenablement, notamment aux points de concentration des informations, là ou se prennent les
décisions. Le fondement de la société, la constitution de la civilisation repose sur une bonne communication de tout pouvoir. Une communication qui vise à informer, à faire connaître et à faire comprendre. Une communication qui vise à constituer d'une part une interrelation entre les différentes structures de l'Etat et d'autre part entre l'administration et les différentes couches de la société. Car une mauvaise communication des appareils d'Etat ne peut que conduire au manque de crédibilité de la communication des pouvoirs publics, ce qui accentue la fracture politique/citoyens et donc le divorce Etat/citoyens. C'est que toute communication fiable doit prendre en considération les exigences créées par le développement de l'environnement médiatique mais aussi sociopolitique, culturel et économique tant interne que mondial. En effet, la concurrence médiatique avec toutes ses caractéristiques : démultiplication des moyens de diffusion de l'information (presse, radio, télévision, internet, etc.), rapidité dans la diffusion et la circulation de l'information exige une veille permanente. Cette attention particulière des médias sur l'action publique répond à un besoin de l'opinion dans une démocratie pluraliste, celui de pouvoir juger les gouvernants parce que devant les choisir. Ainsi, les médias parlés / écrits crédibles concourent modestement à asseoir la démocratie. Une presse (ou des intellectuels) aux ordres s'adonnant aux louanges est contreproductive pour le pouvoir lui-même. (Suite et fin)


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