Avec l'effacement de la dette de la majorité des 23 conserveries implantées sur l'ensemble du territoire national, dont 17 dans les wilayas de l'extrême Est du pays, la crise qui a secoué durant de longues années le secteur de la transformation agricole est en phase de règlement décisif. Pris en charge par la BADR sur instruction du chef du gouvernement, le dossier des créances majoritairement générées par la perte de change est actuellement en cours d'exploitation. Bon nombre de créanciers nationaux et étrangers, les fournisseurs des équipements de production et de l'emballage métallique notamment, ont été réglés. D'autres sont en cours de régularisation. Prise lors de la dernière tripartite, la décision d'effacement de la dette des transformateurs de produits agricoles n'a pas tardé à se répercuter positivement sur les principaux acteurs de ce secteur véritablement stratégique. Il est même question de couverture de 80% des besoins nationaux en concentré de tomate dès 2012. D'où la fébrilité qui a gagné les uns et les autres conserveurs de tomate industrielle. Tant à Skikda et Guelma qu'à Annaba et El-Tarf des unités de transformation à l'arrêt depuis des années ont rouvert leurs portes pour des opérations la réhabilitation de leur outil de production dans la perspective d'une remise en marche des équipements de production. «Même si cette année, nous avons raté la campagne, nous nous préparons sérieusement pour celle de 2012. L'effacement de la dette au profit des conserveurs et les subventions accordées devront relancer sérieusement la machine de production. Beaucoup de conserveurs s'attellent déjà à préparer cette relance. Je peux affirmer qu'à l'exception de trois d'entre elles, toutes les unités de transformation seront au rendez vous de 2012 pour tenter d'atteindre les 80% de satisfaction du marché national», explique un conserveur parmi les plus importants de la région. Dans les exceptions citées, les trois unités de transformation propriétés de la Coopérative agricole régionale de service et des cultures industrielles (Carsci). Deux, celles de Ben M'hidi (Tarf) et de la Tabacoop (Annaba) sont à l'état de ferraille. Bien qu'en bon état de fonctionnement, la 3e est à Bouteldja, mais à l'arrêt. Selon nos sources, le dossier de cette unité comporte de nombreuses zones d'ombre. Celle qui couvre la procédure d'établissement et de signature du contrat de location de cette unité à deux hommes d'affaire turcs pour 8 millions/DA/ an en est la plus importante. Un montant qualifié de dérisoire, d'autant que sur le contrat en questions figurerait au titre de mesures d'accompagnement, au bénéfice des 2 turcs, plusieurs centaines d'hectares de terre propriété de la Carsci. Ces hectares sont destinés à la culture de la tomate industrielle. Après avoir amassé leur fortune durant des années, les deux étrangers auraient unilatéralement résilié le contrat tout en laissant une ardoise fiscale et parafiscale évaluée à plusieurs centaines de millions de dinars. Cet autre dossier s'ajoute à celui de la coopérative Lalaymia ayant son siège à Annaba. Sans être dissoute, cette coopérative n'active plus. L'inventaire de ses biens fait ressortir, au titre de la Carsci, outre les 3 conserveries de tomate, des unités de transformation de coton, tabac, huilerie, d'engineering, d'immenses dépôts, maisons de maître, villas et locaux commerciaux dans les wilayas de Annaba et d'El-Tarf. Le dossier en question est depuis bientôt huit années sous instruction au tribunal correctionnel de Annaba. Une enquête en cours Un dossier volumineux car comportant des conclusions d'enquêtes, informations judiciaires, perquisitions dans les locaux de la direction, saisies de documents comptables et mises sous scellés. Pour l'heure, rien ne semble faire sortir de l'oubli cette affaire dite «de la coopérative agricole Lalaymia». C'est pourquoi, beaucoup se posent des questions sur la sortie médiatique ces derniers jours de celui qui s'est qualifié de président de ladite Carsci. D'autant que beaucoup d'autres membres du comité de gestion, il est en butte à des tracasseries judiciaires pour différents motifs. Il a tenu à préciser : «Contrairement à ce qui se dit et s'écrit, il y a un comité de gestion composé de 20 personnes que je préside et d'un directeur. Il n'y a pas un millier. Nous sommes les seuls responsables de la gestion de cette coopérative». Huit années après des mises en cause répétées largement relayées par la presse, on en est toujours au même point avec une instruction judiciaire qui stagne. Bien qu'elle n'en ait pas l'envergure, l'affaire coopérative Lalymia et sa sous-entité agricole Carsci comporte tous les ingrédients d'une affaire Khalifa. Des noms de personnalité en poste dans différentes institutions de l'Etat y sont cités. Conséquence des détournements et dilapidations du patrimoine mobilier et immobilier, la cession ou la location de locaux commerciaux et d'unités de transformation à des prix bradés, le préjudice financier se chiffre à plusieurs centaines de milliards. C'est pourquoi beaucoup de conserveurs et anciens cadres du secteur de l'agriculture, tant à Annaba qu'à El-Tarf, ont exprimé leur scepticisme quant à une éventuelle reprise des activités de production des 2 conserveries, celles de Annaba et Ben M'Hidi, propriétés de la Carsci. «Si les unités de Annaba et Ben M'Hidi sont à l'état de ferraille et ne peuvent en aucun être réhabilitées, celle de Bouteldja n'est pas mieux lotie. Le contentieux est véritablement profond et rien ne dit qu'il sera rapidement résolu pour permettre une reprise de la production», a ajouté notre interlocuteur. Rappelons que sur les 120 000 postes de travail du secteur de la filière tomate, plus de 30 000 en amont et en aval de l'activité de transformation, étaient à l'actif des 3 unités de la Carsci. Cependant, si la fébrilité caractérise actuellement tous les conserveurs impatients de renouer avec la transformation de la tomate industrielle et qu'ils se disent prêts à relever le défi de satisfaire 80% des besoins du marché national, il y a également une appréhension. Celle de voir le même marché inondé de concentré de tomate importé, comme il l'est actuellement. Particulièrement celui de Chine que l'on affirme être cancérigène. Rien ne confirme cette affirmation, d'autant que le conditionnement de ce concentré de tomate importé est réalisé dans l'anonymat. En effet, aucune marque sur les étalages ne comporte de mention «produit importé de Chine - conditionné en Algérie». Et pourtant, ce concentré de tomate chinois est bel et bien sur nos étalages tout autant que celui prétendument importé de Turquie.