De notre correspondant à Annaba Mohamed Rahmani La situation de la filière tomate industrielle à Annaba et dans la région n'est guère reluisante. Les professionnels de la filière lancent un SOS aux autorités du pays afin qu'elles prennent des mesures urgentes pour sauver ce secteur important dont les conséquences sur l'économie du pays sont désastreuses. En effet, la réunion regroupant les DSA de Annaba, de Skikda, de Guelma et d'El Tarf, les transformateurs et les producteurs, tenue jeudi dernier à la Direction des services agricoles (DSA) de la wilaya de Annaba, avait pour ordre du jour de faire le point sur la situation de ce secteur pour la campagne 2011. Au cours de cette rencontre, les transformateurs sont montés au créneau pour dénoncer la liquidation programmée de leurs conserveries. «C'est une catastrophe, sur les 15 conserveries existantes, 13 ont été saisies par les banques, sont fermées et sont en phase de liquidation ; une liquidation dont les procédures ont été accélérées par ces organismes financiers pour ne pas appliquer les instructions du président de la République et les décisions du ministère de l'Agriculture concernant le reprofilage des dettes et la prise en charge des intérêts générés par lesdites dettes. On veut brader nos biens et tuer la filière tomate pour faire profiter les importateurs au détriment de la production nationale, c'est un scandale !» s'insurge le président de l'Association des conserveurs de tomates (Actom).En effet, les banques qui ont été destinataires de la décision ministérielle soutiennent ne pas l'avoir reçue et donc, pour elles, celle-ci n'existe pas, elles se contentent par là même d'appliquer la réglementation en vigueur en vue du recouvrement des créances qu'elles détiennent sur les conserveries à l'arrêt. A l'origine de ces dettes, des crédits d'investissement et d'exploitation alloués avec un taux d'intérêt de 23%, ce qui est énorme, d'autant plus qu'entre-temps il y a eu perte de change du fait de la dévaluation du dinar par l'Etat algérien. Du coup, la dette s'est trouvée multipliée par 10 et ce, en dehors des intérêts générés. Un étouffement des conserveries qui tournaient pourtant à plein temps, stimulant et fouettant un secteur qui commençait à décoller à tel point que les conserveries avaient atteint dans les années 90 près de 90 000 tonnes de conserve de tomate. Un chiffre qui répondait largement à la demande du marché et on pensait déjà à exporter le produit. Mais très vite les choses ont pris une autre tournure, les banques avaient exigé le paiement des dettes, ne laissant aucune alternative aux conserveurs qui, de guerre lasse, s'y sont conformés en abandonnant à ces établissements financiers leurs unités de transformation. Dans un premier temps, la conséquence directe de l'arrêt des conserveries est une surproduction qui ne trouve plus preneur et qui avait dû être jetée sur les routes en signe de protestation. L'année suivante, la production de la tomate avait connu une baisse vertigineuse, les producteurs ayant abandonné cette culture, laissant de côté l'expérience et le savoir-faire de plusieurs années pour s'essayer à d'autres cultures. Bilan, 120 000 postes d'emploi directs et indirects perdus, la filière tomate industrielle sinistrée, 13 conserveries fermées et une activité importante du secteur primaire anéantie. C'est la porte ouverte à l'importation puisque certains opérateurs s'y sont engouffrés et importent à grands frais, à coups de millions de dollars, les fûts de triple concentré de tomate avec l'emballage métallique destiné à la mise en boîte. Selon nos informations, les prix déclarés à l'importation sont bien supérieurs à ceux réels et l'on parle d'une entente entre les opérateurs des deux côtés sur les sommes en plus. Au moment où les pouvoirs publics s'emploient à soutenir à grands frais la production nationale pour arriver en fin de parcours à l'autosuffisance alimentaire, la bureaucratie bancaire bloque tout et se dépêche de liquider des outils de production performants, aggravant le chômage dans la région et étouffant une économie agricole déjà très mal en point.