Halida Boughriet, une artiste franco-algérienne, utilise des impressions numériques de photographies (150x100cm) représentant trois Algériennes vieilles veuves de guerre en hommage à la participation de la femme à la guerre de Libération. Un «retour» pour touiller la mémoire et conjurer l'injustice de l'oubli. Imran Channa, du Pakistan, expose 6 panneaux en graphite sur papier (70x90 cm et 140x90 cm) portant le questionnement sur «les perspectives de l'histoire manipulée et construite par le pouvoir». Inci Eniver, de Turquie, à travers une installation murale de posters autocollants de dimensions variables, aborde la condition de la femme écartelée entre deux cultures, occidentale et orientale. Ivan Grubanov, de la Serbie, propose une installation en forme de mur, constituée de posters autocollants signifiant le caractère monolithique de la mémoire collective officielle en pays à gouvernance autoritaire. Joana Hadjithomas et Khalil Joreige nous donnent à voir une dizaine de photographies en couleur sur aluminium symbolisant à travers des trophées, des engins de guerre calcinés, le caractère endémique de la guerre. Koo Jeong, de la Corée, présente une vidéo d'une minute 40 secondes, pour nous avouer que «tout est licite pour parvenir à son jeu conceptuel sur l'existence et la dimension que nous avons de celle-ci dans notre inconscient». Mohamed Camara, du Mali, introduit des photos de jeunesse de quelques-uns de ses amis dans des pochettes transparentes remplies d'eau. Par transparences, ces présences flottantes matérialisent de manière assez poétique la fragilité des souvenirs et de la mémoire. Mona Hatoum, une artiste anglo-palestinienne, qui caracole depuis plus d'une vingtaine d'année au hit événementiel artistique international, nous désarçonne en exposant «négligemment» par terre un tapis oriental qui paraît tout élimé, abandonné. Cependant, en focalisant sur ce «zinzin», on s'aperçoit que les parties rongées qui paraissaient aléatoires représentent, en fait, une mappemonde. Neil Beloufa, de France, présente dans une vidéo de 15 mn, des regardeurs devant une belle villa cossue d'un quartier chic d'Alger où ils ne peuvent pas accéder et dont ils fantasment, chacun à son tour, l'aspect intérieur. Oussama Tabti, d'Algérie, avec une installation constituée de post-its imprimés sur papier mousse et portant les dates d'emprunt et de restitution des livres de la médiathèque du Centre culturel français d'Alger, entreprend de témoigner d'une période (1994-1999) douloureuse où cette institution s'est mise en stand-by. L'œuvre très spectaculaire de Pascale Martine Tayou , du Cameroun, vous frappe dès que vous entrez. Elle est imposante par sa taille (près de 10 mètres de hauteur) et sa composition, un empilement de couscoussiers et de marmites, entassés l'un sur l'autre formant une colonne sans fin intrigante par son équilibre et sa signification. L'auteur qui n'a pas pu être présent a fait confectionner l'œuvre par le MaMa. Une manière peut-être de faire de l'art relationnel à distance. Pour lui, comme il le mentionne sur le poster d'accompagnement, son travail est toujours un spectacle. Et il ne travaille qu'in situ. La vidéo installation multimédia d'une dizaine de minutes de Sadik Kwaish Alfraji évoque un grand moment d'émotion vécu par l'auteur lorsqu'il retrouve la maison familiale, après une longue absence d'expatrié. Maison habitée par les habits, les objets et les souvenirs d'un père disparu. Une narration pleine de nostalgique remugue. Et c'est avec une toute petite peinture (30x20 cm) en acrylique sur un mur blanc immaculé (800x300 cm) que Tim Eitel, d'Allemagne, a créé un trompe-l'œil qui nous fait prendre son tableautin pour une photographie. Ce n'est qu'en l'auscultant de près qu'on se rend compte du subterfuge. Il fallait y penser. L'impression sur bâche de 400x300cm environ de Zineddine Bessaï (Algérie) a accaparé notre attention comme elle a défrayé la chronique tant au niveau des regardeurs, qu'à celui des gens de l'art. Une œuvre géniale, foisonnante de détails croustillants, inépuisable en mots anecdotiques empruntés au jargon françarabe des milieux populaires, qui revisitent les fondamentaux des guides touristiques. C'est la naissance d'un «guide Bessaï du harrag» qui déclasse ceux qu'on a l'habitude de lire. C'est un joyau lancinant de malice et de fraîcheur. Un reflet époustouflant d'humour et de gaieté qui traite pourtant d'un sujet ô combien dramatique : la harga de la dérision qui vous rend joyeuse. Retenons son titre : H-Out (notez le jeu de mots) et le nom de son auteur : Zineddine Bessaï. Une œuvre forte, drolatique, jubilatoire, un moment de bonheur. Une œuvre qui, nous l'espérons, ne finira pas par emprisonner son auteur ou l'écraser. Cela se passe au MaMa jusqu'au 3/2/2012. (Suite et fin)