Aussi curieux que cela puisse paraître «le terrorisme sur les lieux de travail» est l'expression employée par les Américains pour désigner le harcèlement moral ou psychologique en milieu professionnel (workplace terrorism) et renseigne on ne peut mieux sur la gravité de cette violence perverse. En Algérie le harcèlement moral au travail ne cesse de se propager, notamment dans le secteur public, encouragé sans doute par l'absence d'un cadre juridique précis en mesure de sanctionner sur le plan pénal des tortionnaires d'une nouvelle génération, ainsi que par la saturation du marché de l'emploi qui oblige les malheureuses victimes à se La présente contribution a pour ambition d'ouvrir le débat sur cette épineuse question aux facettes multiples, laquelle jusqu'à une récente date appartenait au domaine des tabous. Nous examinerons donc successivement la définition du harcèlement moral, ses conséquences ainsi que la protection juridique des travailleurs victimes de violences psychologiques. Le harcèlement moral : un ensemble d'actes vindicatifs, cruels, malicieux et humiliants Le harcèlement moral ou psychologique (terrorisme sur les lieux du travail –persécution) est une attitude perverse d'un supérieur hiérarchique qui vise l'élimination d'un subalterne ou dans certains cas d'un groupe d'employés. Cette conduite abusive par sa répétition et sa systématisation porte gravement atteinte à l'intégrité physique et morale du salarié ainsi qu'à sa dignité. En effet, pour arriver à ses fins, le harceleur a recours à des moyens vindicatifs, cruels, malicieux et humiliants lesquels portent atteinte à la liberté d'expression du harcelé, à sa vie privée, à son honneur ainsi qu'à la qualité de sa vie professionnelle. Atteinte à la liberté d'expression La victime du harcèlement moral est complètement ignorée, séparée du reste du personnel et désignée comme l'ennemi à abattre, auquel personne ne doit adresser la parole, même en dehors du service, sous peine de représailles disciplinaires sévères. Pis encore, elle n'est conviée à aucune réunion de travail ou réception, ne reçoit aucune information sur la vie de l'entreprise et n'est pas autorisée à recevoir des visites même celles de parents ou de la famille. Cette absence de toute forme de communication est souvent accompagnée de brimades et de remarques désobligeantes cha-que fois que l'occasion se présente. Pour acculer davantage le persécuté, le supérieur se mettra d'accord avec sa hiérarchie pour ne pas répondre aux doléances de la personne agressée. Atteinte aux droits à la vie privée, à l'honneur et à la dignité Le persécuté est fréquemment dénigré, et des rumeurs sur sa vie privée sont méthodiquement propagées par un réseau activant à la solde du harceleur. Ainsi, des rapports sont transmis en catimini à la tutelle, appuyés le plus souvent par des faux témoignages –accusant l'agressé d'être un élément perturbateur, qui cherche à déstabiliser l'entreprise et empêche les responsables de travailler !!! Le bureau du harcelé est fréquemment visité à son insu, son ordinateur (s'il a la chance d'en disposer), ses communications téléphoniques, voire même son courrier sont espionnés, et ses fréquentations en dehors du service sont étroitement surveillées. Ces procédés vicieux, barbares, impliquant parfois des représentants du personnel, (Il faut le dire, hélas !) visent à isoler le terrorisé, à le confiner dans une grande solitude, ce qui augmentera ses souffrances et facilitera son anéantissement par la suite. Atteinte à la qualité de la vie professionnelle Souvent privée de toute forme d'activité, la personne persécutée se voit parfois confier des tâches dégradantes et déplaisantes, ne correspondant pas à ses capacités professionnelles et encore moins à ses titres et diplômes. Elle est même placée sous l'autorité directe d'un responsable choisi au préalable parmi les cadres les moins expérimentés et ne possédant aucun titre, Des instructions strictes sont données au personnel de la logistique de ne pas entretenir le bureau qu'elle occupe, se situant généralement dans un endroit isolé ou difficile d'accès. Par ces manœuvres diaboliques, le harceleur cherche à empêcher la personne agressée - souvent un cadre gênant - d'avoir une influence quelconque au sein de l'entreprise et éviter que sa présence ne soit remarquée sur les lieux de travail, ce qui pourrait déboucher sur des conséquences imprévisibles. Signalons que dans certains procès examinés par les instances judiciaires, il a été constaté que le harceleur essaie souvent de tirer, bien sûr, parti de ses propres turpitudes en déclarant que la victime refuse d'exécuter les tâches (dégradantes) qui lui ont été confiées et ne peut de ce fait prétendre à aucune promotion ! Il est utile de signaler que devant l'importance de la résistance affichée par la victime, les moyens de harcèlement peuvent revêtir la forme d'accusations très délicates. (Suivra)