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Le risque d'une abstention record
Publié dans La Nouvelle République le 28 - 04 - 2012

Après une semaine, une campagne terne sans réelle mobilisation et une indifférence de la majorité des citoyens, pour la première fois, le ministre de l'Intérieur, n'a pas, le 21 avril 2012, écarté un fort taux d'abstention. Le représentant de l'Etat des droits de l'homme, après avoir menacé les Algériens de sanctions au cas où ils s'abstiendraient, revient à la raison et abonde dans le même sens, arguant d'un complot du fait de la flambée des prix, de la pénurie de l'essence... Pour conclure, un porte-parole semi-officiel, le directeur du CRSS, dans un entretien au quotidien gouvernemental El Moudjahid en date du 22 avril 2012, affirme qu'un taux de participation inférieur à 45 % serait un échec pour les élections. Alors que, sous d'autres cieux, ce taux dépasse les 55/60%, 40/45% d'abstention étant supposé un échec. Si les élections sont propres, loin des quotas décidés administrativement du passé, ne s'oriente-t-on pas vers une abstention record ?
Démobilisation populaire du 17 mai 2007 et programmes utopiques du 10 mai 2012 Je rappelle brièvement les résultats des élections législatives du 17 mai 2007 selon les données du ministère de l'Intérieur. Les inscrits sont de 18.760.400, le nombre de votants de 6.662.383, donnant un taux de participation de 35,6 %, avec un nombre de bulletins nuls de 961.751 (3,8 %). Sur ce total, le parti du Front de libération nationale (FLN) a eu 1.315.686 voix par rapport aux votants (23 %), le Rassemblement national démocratique (RND) 591.310 (10,3 %) et le Mouvement de la société pour la paix (MSP) 552.104 (9,6 %). Cependant le ratio le plus significatif est le nombre de suffrages exprimés divisé par le nombre d'inscrits ce qui donne 7,01 % pour le parti du FLN, 3,15 % pour le RND et 2,94 % pour le MSP, soit un total de 13,10 %. Pour les élections du 10 mai 2012, le nombre de sièges à pourvoir à l'Assemblée populaire nationale a été porté à 462 contre 389 précédemment. Le corps électoral est de 21.664.345 électeurs et électrices, y compris la communauté algérienne installée à l'étranger. Au niveau national, le corps électoral est de 20.673.875, soit un taux de 95,43 %, alors que la communauté algérienne à l'étranger est de 990.470, soit un taux de 4,57 %. La répartition est de 11.772.792 hommes et 9.891.553 femmes. Quant aux participants, 44 partis politiques, dont 21 nouvellement agréés depuis l'entrée en vigueur de la nouvelle loi organique relative aux partis politiques en février dernier, sont engagés dans la course à la députation. Selon le ministère de l'Intérieur, le nombre des listes de candidats officiellement retenues après expiration des délais de recours judiciaires est de 2.038 pour un total de 24.916 candidats (avant le recours, il était de 25.800) contre 12.200 en 2007. Pour ce qui est de la répartition des listes, celles déposées sous l'égide des partis politiques sont au nombre de 1.852, dont 50 par alliance, alors que le nombre des listes d'indépendants est de 186. Le niveau universitaire, bien qu'en légère augmentation par rapport à 2007 (44%), est extrêmement faible, 52 % du taux des candidats ayant un niveau universitaire pour les législatives de 2012 et, sur ces 52 %, le niveau supérieur ne dépasse pas 10 %. Qu'en est-il des programmes ? L'ensemble des programmes reprennent mes idées développées depuis plus de 10 années et insistent sur l'après-hydrocarbures. En effet, en 2012, 98 % des exportations sont représentées par les hydrocarbures et 75 % des importations servent à couvrir les besoins des ménages (important paradoxalement même pour plusieurs centaines de millions de dollars de l'essence sans plomb et du gasoil) et des entreprises publiques et privées, dont le taux d'intégration ne dépasse pas 15 %. Car l'Algérie aura épuisé ses réserves de pétrole dans 16 ans et 25 ans pour le gaz conventionnel tenant compte des coûts, des énergies substituables face aux nouvelles mutations énergétiques mondiales, de la concurrence et surtout de la forte consommation intérieure, souvent oubliée dans les projections (ratio de 60/70 % des exportations horizon 2015/2020 pour le gaz), lorsque la population algérienne approchera les 50 millions. Or, la majorité des candidats versent dans l'hystérie, oubliant l'essentiel des problèmes à résoudre, voyant la main de l'extérieur partout comme facteur de déstabilisation alors que le mal est en nous. On donne des leçons de nationalisme version chauviniste alors que personne n'a le monopole du nationalisme.Le véritable nationalisme se mesure à la fois par la moralité et la capacité des Algériens à accroître ensemble la valeur ajoutée locale se fondant sur la valorisation de la connaissance. Hélas, le fondement de la gouvernance de 1963 à 2012 repose sur une ressource éphémère que sont les hydrocarbures et les réserves de change, richesse virtuelle, estimée au 31/12/2012 par le rapport du FMI du 23 avril 2012 à 205,2 milliards de dollars. La télévision algérienne a vibré de joie devant ce miracle alors que ce n'est que l'effet de la rente et non du travail. Ces programmes promettent d'augmenter le SNMG à 40.000 dinars, d'abaisser l'âge de la retraite, de faire baisser les prix, d'aller vers l'utopie de l'autosuffisance alimentaire, de créer des millions d'emplois, de mettre fin à la harga, de résoudre définitivement la crise du logement, de dépolluer les villes, notamment l'oued El Harrach, de faire venir des millions de touristes... Alors que toutes ces propositions vont à contre-courant de ce qui se passe même dans les pays développés confrontés à une crise durable. Comment feront ces candidats sans vision stratégique en ce monde en dépression où toute nation qui n'avance pas recule forcément ? Ne vivent-ils pas sur une autre planète en voulant vendre des illusions auxquelles personne ne croit ? Programmes déconnectés tant des réalités locales que mondiales La majorité des partis n'aborde pas la nature du système politique rentier, mû par l'unique dépense monétaire, source de blocage, certains voulant nous faire revenir à l'ère soviétique. La majorité des partis politiques n'aborde pas le rôle de l'armée et des services de sécurité dans le cadre d'un Etat de droit, l'ANP venant de faire savoir qu'elle ne voulait plus de la dénomination de «muette», voulant être traitée comme une institution de la République, ni d'ailleurs le rôle de la femme dans la société signe de la vitalité de toute société. La majorité des programmes , surtout les partis ayant eu la charge de la réalisation (FLN, RND et MSP) n'aborde pas le bilan (impacts économiques et sociaux réels) du préplan 2001-2003 qui a nécessité 7 milliards de dollars de dépenses publiques, du plan 2004-2009 de 200 milliards de dollars et celui de 2010-2013 qui nécessitera 286 milliards de dollars, dont 130 de restes à réaliser pour des projets non terminés de 2004-2009. Qu'en est-il des impacts sur le taux de croissance, du taux de chômage (emplois productifs et non emplois improductifs-rentes) du taux d'inflation réel, que l'on comprime par des subventions mal ciblées et mal gérées, supposant une analyse fine de la répartition du revenu national et du modèle de consommation par couches sociales. La majorité des programmes n'aborde pas le rendement de nos réserves de change estimées à 188 milliards de dollars dont 90 % sont déposés à l'étranger en bons de Trésor américain et environ 50 % en obligations européennes avec des taux de rendement faibles, voire nuls, tenant compte du taux d'inflation. et surtout de la sécurité de ces placements avec la crise de l'endettement des Etats. La majorité des programmes ne fait pas une quantification précise et datée de l'origine des recettes des projets que veulent réaliser les candidats et des impacts des dépenses, continuant dans l'ancienne politique de l'illusion de la rente par le versement de salaires sans contrepartie productive, toujours grâce à la rente des hydrocarbures. La majorité des programmes n'analyse pas les liens entre l'extension de la sphère informelle qui contrôle 40 % de la masse monétaire en circulation et 65 % des segments des produits de première nécessité et ses liens avec la corruption qui se socialise. On ne combat pas la sphère informelle et la corruption par des lois mais par la mise en place de nouveaux mécanismes de régulation, de fonctionnement de la société en se fondant sur un Etat de droit, plus de moralité dans la gestion de la Cité et une justice véritablement indépendante. Les candidats évitent d'aborder les différents scandales financiers qui ont secoué la société ces dernières années et concernent la majorité des départements ministériels. La majorité des programmes n'aborde pas les enjeux futurs de l'Algérie, à savoir la mise en place de véritables réformes structurelles afin de rendre l'économie plus compétitive et moins dépendante des hydrocarbures. Or les réformes à venir seront douloureuses car nécessitant des ajustements sociaux douloureux et donc un sacrifice partagé, supposant de concilier l'efficacité économique et une profonde justice sociale. Cela renvoie à la refonte de l'Etat du fait que le blocage actuel est d'ordre systémique. A lire la majorité des programmes, on a l'impression que l'Algérie est une île déserte, loin du monde. On n'aborde pas avec sérénité les impacts de la mondialisation sur l'économie algérienne, notamment les accords signés par l'Algérie le 1er septembre 2005 pour une zone de libre-échange avec l'Europe et les impacts de son adhésion à l'Organisation mondiale du commerce. Dans ce cadre, l'avenir économique de l'Algérie n'est-il pas au sein du Maghreb, pont entre l'Europe et l'Afrique, peu de programmes abordant ce sujet stratégique. En résumé, après 50 ans d'indépendance politique, tout ce beau monde veut sa part de rente et immédiatement, quitte à aller vers un suicide collectif. L'erreur politique est d'avoir augmenté les rémunérations des députés à 300.000 dinars par mois, pour une soumission, pour lever uniquement la main sans corrélation avec le travail accompli, expliquant le désintérêt de la population à qui l'on demande des sacrifices. Après 50 années d'indépendance, on continue d'instrumentaliser le sigle du FLN, propriété de tout le peuple algérien. Après 50 années d'indépendance, comme si l'Algérie était stérile, alors que les compétences algériennes émergent sous d'autres cieux plus propices, la majorité des programmes, pour ne pas dire la totalité, sont dépourvus de cohérence de réalisme et d'opérationnalité, versant dans des discours creux. L'Algérie a besoin d'un discours de vérité. La population algérienne, surtout la jeunesse parabolée, est beaucoup plus consciente des enjeux et des réalités mondiales que les candidats et les partis qui semblent déconnectés des réalités. Et c'est ce qui explique les craintes justifiées du ministre de l'Intérieur.

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