La lutte de libération de l'Algérie contre les Ottomans commença à la même période historique du débarquement de l'armée française à Sidi Fredj. Cette coïncidence trouve ses origines dans l'exacerbation de la population algérienne à payer des impôts de plus en plus élevés. Des révoltes éclatent un peu partout à travers le pays. Dans l'Oranie, le père d'Abd-el-kader est condamné à mort par Hassan Bey, le gouverneur d'Oran. Or, cette condamnation arriva au moment de la prise d'Alger par les Français en 1830. Mahieddine, le vieux marabout, se mit alors à prêcher la «guerre sainte». L'objectif était la reprise d'Oran. Des milliers de musulmans accoururent et se rangèrent sous ses ordres ; le gouverneur d'Oran, Hassan, en fuite, demanda asile à celui dont il avait mis la tête à prix. Lors d'un voyage, en 1820, à la Mecque et Médine, Abd-el-kader, avec des pèlerins et son père Mahieddine, navigua sur Le Castor, brick de commerce du capitaine français Jovas, il passa par Alexandrie. Pendant son séjour en Egypte, Abd-el-kader fut frappé des changements que Méhémet Ali venait de faire à son armée et des améliorations de l'administration de ses Etats ; ce modèle (qui avait permis une quasi-indépendance vis-à-vis des Ottomans comme des Anglais et des Français) les frappa, lui et son père. L'Emir Abd-el-kader fut l'un des plus grands hommes d'Etat dans l'histoire de l'Algérie contemporaine. Il est le fondateur de l'Etat algérien moderne et le leader de sa résistance contre le colonialisme français entre 1832 et 1847. Il fut également l'un des plus grands hommes du soufisme, de la poésie et de la théologie et, par-dessus tout, il fut un apôtre de la paix et de la fraternité entre les différentes races et religions. Ce qui lui valut de nombreuses amitiés et l'admiration des plus grands hommes politiques dans le monde. Abd-el-kader Mohieddine ibn Mustafa, connu sous le nom de l'Emir Abd-el-kader Al-Jazaïri, naquit le vendredi 23 rajab de l'an 1222 hégirien /correspondant à l'année 1807 de l'ère chrétienne au village d'El-Guet'na, situé sur Oued el-Hammam, à l'ouest de Mascara, et grandit auprès de ses parents qui lui prodiguèrent soins et protection. L'époque 1831–1847 C'est la période qui se distingue par rapport aux autres périodes dans la vie de l'Emir en raison des évènements importants et réalisations qui l'ont marqués et pour lesquels il avait mis en œuvre ses potentialités scientifiques et sa grande expérience politique et militaire. Malgré un contexte difficile, la résistance ne l'empêcha guère de jeter les bases et fondements de l'Etat moderne, en raison de la complémentarité qui existe entre les deux. Après la chute d'Oran en 1831, le désordre qui régna et la dégradation de la situation ont conduit les chouyouk et ulémas de la région d'Oran à rechercher une personnalité à laquelle pourrait être confiée la direction de leurs affaires. Leur choix se porta sur Cheikh Mohieddine, père de Abd-el-kader, en raison de ses qualités avérées de courage et de témérité. C'est lui en effet qui avait dirigé la première résistance contre les Français en 1831, et son fils Abd-el-kader a également fait preuve de courage et d'audace au cours des combats livrés sur les remparts de la ville d'Oran lors du premier accrochage avec les occupants. Cheikh Mohieddine déclina l'offre en raison de son âge avancé et devant l'insistance des chouyoukh et savants de la région, proposa son fils Abd-el-kader en disant : «Mon fils Abd-el-kader est un jeune homme pieux, intelligent, capable de régler les litiges et un cavalier émérite bien qu'ayant grandi dans le culte et la dévotion à son Seigneur ; Ne pensez surtout pas que je vous le propose pour me remplacer car étant une partie de moi-même, je ne peux souhaiter pour lui ce que je rejette pour moi-même. Mais j'ai choisi le moindre mal lorsque j'ai réalisé à quel point vous aviez raison , tout en étant convaincu qu'il sera plus indiqué que moi pour accomplir ce que vous m'aviez demandé ...je vous fais donc don de lui.....» Cette proposition fut accueillie favorablement à l'unanimité et le 27 novembre 1832, les chefs de tribu et les ulémas se réunirent dans la plaine de Ghriss, près de Mascara, pour exprimer leur premier plébiscite à Abd-el-kader sous l'arbre de Dardara au cours duquel il reçut le titre de Nacer-eddine (le protecteur de la religion), suivi d'un deuxième plébiscite général le 4 février 1833. Dans de telles conditions, l'Emir prit en charge la lourde responsabilité de la guerre sainte, de défense de la population et de la terre d'islam alors qu'il était en pleine jeunesse. Cette période fut marquée par des victoires militaires et politiques qui contraignirent l'ennemi français à hésiter dans l'application de sa politique expansionniste devant la résistance acharnée qu'il rencontra à l'Ouest, au Centre et à l'Est. L'Emir Abd-el-kader avait réalisé dès le départ que la confrontation ne pouvait avoir lieu qu'avec la création d'une armée institutionnelle régulière prise en charge par l'Etat. A cet effet, il publia un communiqué en son nom à la population dans lequel il insistait sur la nécessité de mobiliser les troupes et organiser les effectifs dans tout le pays. Les tribus de la région ouest et du Centre répondirent à son appel et se rassemblèrent autour de lui, prêts à lui obéir. Il constitua une armée institutionnelle qui s'adapta rapidement aux conditions qui prévalaient et put ainsi remporter plusieurs victoires militaires dont la plus importante fut la bataille de Maktâa qui avait valu au général Trezel et au gouverneur général D'Orléans d'être relevés de leurs fonctions. Sur le plan politique, il arracha à l'ennemi la reconnaissance de son autorité et l'obligea à traiter avec lui en position de souveraineté. Cela ressort des deux traités celui de Desmichels conclu le 26 février 1834 et celui de la Tafna le 30 mai 1837. Toutefois, le changement intervenu dans le rapport de forces sur les plans interne et régional a eu des conséquences négatives sur le cours de la résistance de l'Emir. Il n'était pas seulement contraint de lutter contre les Français mais de se préoccuper également de ceux qui avaient une vision à court terme. Les drames se succédèrent notamment après que les Français eurent adopté la politique de la terre brûlée telle qu'elle ressort de l'expression du gouverneur général, le Maréchal Bugeaud : «Vous ne labourerez pas la terre et si vous la labourez, vous ne sèmerez pas et si vous semez, vous ne récolterez pas...» Cette politique eut un effet notable sur le recul des forces de l'Emir notamment après la perte de ses bases arrières au Maroc, après que Moulay Abderrahmane, sultan du Maroc, eut resserré l'étau autour de lui, prétextant son engagement à respecter les termes du traité de «Lalla Maghnia» et ordonné à ses troupes de pourchasser l'Emir et ses partisans y compris les tribus qui s'étaient réfugiées au Maroc pour fuir la répression de l'armée d'occupation. La période des difficultés et du travail humanitaire (1848-1883) Cette période débute avec la reddition de l'Emir et se prolonge jusqu'à son décès. Ainsi, sa reddition eut lieu le 23 décembre 1847 après acceptation de ses conditions par le commandant français Lamoricière. L'Emir fut transféré à Toulon alors qu'il avait exprimé le souhait de se rendre à Alexandrie ou Acca comme convenu avec les dirigeants français. Mais ses espoirs furent déçus et comme à leur habitude, les Français ne respectèrent pas leurs engagements. Il aurait plutôt souhaité donc mourir au champ d'honneur que de subir ce sort et exprima ses regrets par ces mots : «Si nous avions su que les choses se dérouleraient ainsi, nous aurions poursuivi le combat jusqu'à la mort.» Ensuite, l'Emir et sa famille furent conduits à une résidence au lazaret et de là à Fort Llamalgue, le 10 janvier 1848. Lorsque tous les membres de sa famille et de sa suite furent arrêtés, l'Emir fut transféré à la ville de Pau à la fin du mois d'avril de la même année pour y demeurer jusqu'à son transfert à Amboise le 16 octobre 1852, année de sa libération par Napoléon III. L'Emir s'établit à Istambul et durant son séjour, il visita le tombeau de Abu Ayyoub al Ansari et visita la mosquée Aya Sofia (Sainte Sophie). Mais il préféra s'établir dans la ville de Borça pour son histoire, ses beaux sites et ses monuments historiques. Cependant, il n'y resta pas très longtemps à cause des séismes qui secouaient la région de temps à autre. Il se rendit à Damas en 1855 sur autorisation du sultan ottoman et là, il se consacra à la lecture, au soufisme, à la théologie, aux hadiths, Propos et tradition du prophète Mohammed (QSSL), et à l'exégèse du Coran. L'une des positions humanitaires à mettre à l'actif de l'Emir fut son opposition à la discorde sectaire qui eut lieu entre chrétiens et musulmans de Syrie en 1860. L'Emir devint une personnalité internationale, suscitant le respect et la considération en tous lieux et il fut même invité à l'inauguration du Canal de Suez en 1869. Il mourut le 26 mai 1883 à Doumer, dans la banlieue de Damas à l'âge de 76 ans. Il fut enterré à proximité du tombeau de Cheikh Mohieddine ibn Arabi al Andaloussi . Sa dépouille fut transférée à Alger en 1966. Parmi ses œuvres : 1/ Dhikra al 'akel wa tanbih al ghafel ( Rappel au sage et mise en garde de l'inconscient). 2/ Al miqradh al hadd li gat'i lisane mountakidh din al islam bil batel wal il'had (les tenailles acérées pour trancher la langue de celui qui porte atteinte à la religion islamique par le mensonge et l'athéisme) 3/ Moudhakirat al amir Abd-el-kader (Mémoires de l'Emir Abd-el-kader) 4/ Al mawakef fi al-tasawif wal wa'd wal irchad (Les positions en matière de soufisme, de sermon et d'orientation). Gloires et défaites de l'Emir Le 5 mai 1839, il demanda et obtint l'appui du sultan du Maroc, ainsi que la concession du territoire situé entre Oujda et Tafna. Il voulut annexer le Constantinois en y nommant un «khalifa». En réaction, la France organisa l'expédition des «Portes de Fer» en octobre 1839, expédition qui fut considérée comme une violation du traité de Tafna. À partir de ce moment, la guerre reprit avec violence. Au mois d'octobre, dans l'ouest de la Mitidja, l'émir prend en embuscade le commandant Raffet et une centaine de soldats français ; ces derniers marchent contre lui et reprennent Cherchell, Mildah, Miliana, etc. Gouvernement du maréchal Bugeaud Le tournant de la guerre fut la nomination du maréchal Bugeaud comme gouverneur général de l'Algérie en 1842. Celui-ci changea complètement la tactique de l'armée française, aidée de nombreuses troupes composées d'Algériens : troupes régulières (zouaves et spahis) et corps irréguliers (les goums). Il harcela les troupes d'Abd-El-Kader, en cherchant à les couper de leur base. L'émir fut refoulé sur les Hauts-Plateaux steppiques avec sa smala, capitale ambulante estimée à 30 000 personnes. Abd-El-Kader essuya un grave revers le 16 mai 1843, avec la prise de la smala par le duc d'Aumale dans la région de Boghar. Le 11 novembre, la mort au combat de son khalifa Mohammed Ben Allel fut un nouveau coup terrible, qui l'affaiblit considérablement20. Il rassembla le reste de ses troupes, sous le nom de déïra, et se tourna vers le sultan du Maroc. Celui-ci intervint mais fut défait à la bataille de l'Isly (oued près d'Oujda) le 14 août 1844. Dans le traité de Tanger du 10 septembre 1844, il fut convenu qu'Abd-El-Kader serait mis hors la loi aussi bien en Algérie qu'au Maroc. Il délimita en outre la frontière entre les deux pays. Les Français n'avaient pas oublié le guet-apens de Sidi-Brahim, où leurs soldats, commandés par le colonel Montagnac, furent égorgés sans pitié par les troupes de l'émir. En 1845, beaucoup de tribus des hauts-plateaux s'étaient soumises aux Français. L'émir tenta de les réprimer ; le Goum des Ouled Nail, sous le commandement de Si Chérif Bel Lahrech qu'Abd-el-kader avait nommé khalifa, prit part à ces opérations. Cherchant des alliances, il alla ensuite en Kabylie, nouveau bastion de la résistance à l'armée française, où il participa à deux combats contre les Français en février 1846. L'émir sillonna ensuite la région de Djelfa, plus au sud, poursuivi par les Français, mais aidé par la population. Des combats eurent lieu à Aïn Kahla, à Zenina et à l'oued Boukahil. Abd-el-kader tenta de relancer la révolte en 1847, mais échouant finalement à rallier les tribus kabyles pour faire cause commune, il dut se réfugier au Maroc. Le général de Lamoricière apprit qu'Abd-el-kader, refusant de se rendre au sultan du Maroc, s'était entendu avec ses principaux officiers, les fonctionnaires de la cour de Fès, pour tenter une dernière fois la fortune. Le 13 septembre, un ex-brigadier du 2e chasseurs d'Afrique, qui s'était échappé de la Deïra, accourut annoncer au général que l'Emir voulait livrer encore un combat avant de se retirer vers le Sud avec ceux qui voudront l'y suivre. La défaite Le 21 décembre 1847, les troupes de l'Emir Abd-el-kader quittèrent le Maroc, en passant la rivière Kiss, sous la direction de l'émir seul à cheval, et entrèrent sur le territoire de l'ex-régence. Le général Lamoricière, prévenu à temps, envoya sur son passage deux détachements de vingt spahis, en burnous blancs, commandés par les lieutenants Bou-Krauïa et Brahim et se porta sur la frontière ; il y reçut avec Bou-Krauïa des hommes envoyés d'Abd-el-kader, chargés de porter sa demande d'aman («assurance/protection/sauf conduit») pour lui et ceux qui l'accompagnaient (une feuille de papier avec son cachet, car le vent, la pluie et la nuit l'avaient empêché d'y rien écrire). Le général remit aux envoyés son sabre et le cachet du commandant Bazaine, en leur donnant verbalement la promesse de l'aman le plus solennel (il ne pouvait pas écrire non plus). Abd-el-kader renvoya ses deux officiers et le lieutenant Bou-Krauïa avec une lettre dans laquelle il négociait la condition d'être conduit à Alexandrie ou à Saint-Jean-d'Acre. Le général Lamoricière y consentit par écrit. Le rendez-vous fut fixé le 23 décembre 1847 sous un arbre qui existe toujours (les Français y ont mis une plaque). L'Emir fit la prière d'el-Asr à Sidi-Brahim, à 5 km de l'endroit où a été signé l'armistice (Sidi Tahar), puis passa la nuit à Ghazaouet. Le 24 décembre, Abd-el-kader fut reçu par les généraux Lamoricière et Cavaignac et par le colonel Montauban, au marabout de Sidi-Brahim, théâtre de ses victoires. On l'amena ensuite à Nemours (Dgemma-Ghazouat) devant le duc d'Aumale. Le prince ratifia la parole donnée par le général Lamoricière, en exprimant l'espoir que le roi lui donnerait sa sanction. Le gouverneur général annonça à l'Emir qu'il le ferait embarquer le lendemain pour Oran, avec sa famille ; l'Emir s'y soumit sans émotion et sans répugnance. Avant de quitter le prince, Abd-el-kader lui envoya un cheval de soumission, pour consacrer sa vassalité et sa reddition. Prisonnier en France L'Emir insista pour quitter Oran le plus tôt possible. On lui offrit de partir immédiatement sur la frégate à vapeur l'Asmodée, ce qu'il accepta. Le navire quitta Oran en emportant l'émir et sa suite, composée de 61 hommes, de 21 femmes et de 15 enfants des deux sexes, en tout 97 personnes dont sa famille (sa mère, âgée, deux de ses beaux-frères, ses trois femmes et ses deux fils, dont le plus jeune avait huit ans). La traversée fut mauvaise et les captifs très fatigués. Arrivé en rade de Toulon le 29 décembre 1847, Abd-el-kader fut déposé au Lazaret de Saint-Mandrier, puis transféré une dizaine de jours plus tard au fort Lamalgue à Toulon. La Révolte des At-Amokrane (les Mokrani), survenue le 16 mars 1871 en Algérie, est la plus importante insurrection contre le pouvoir colonial français depuis le début de la conquête de l'Algérie en 1830. Elle est menée par le cheikh Mohand Amokrane (Mohamed Mokrani) et le cheikh Mohand Ameziane Ahaddad cheikh Ahaddad, chef de la confrérie des Rahmaniya. Histoire En 1870, un notable kabyle, Mohand Amokrane, surnommé Cheikh El-Mokrani, est rétrogradé au titre de bachagha pour avoir soutenu la révolte du Cheikh Bouaquaz, un proche de son père, en 1864-1865. Le mouvement soulève 250 tribus, près du tiers de la population algérienne. Les insurgés sont contraints à la reddition après l'attaque des Français. Ils sont arrêtés à l'Alma le 22 avril 1871, et le 5 mai le bachagha Mokrani mourut au combat près de l'oued Soufflat. Les troupes françaises (vingt colonnes) marchent sur Dellys et Draâ El Mizan. Le cheikh Haddad et ses fils se rendent le 13 juillet, après la bataille d'Icheriden. L'insurrection ne prend fin qu'après la capture de Bou-Mezrag, le 20 janvier 1872. La répression fut très sévère et se traduisit, une fois matée l'insurrection, par des internements de Kabyles et déportations en Nouvelle-Calédonie (on parle des «Algériens du Pacifique»), mais aussi par d'importantes confiscations de terres, qui ensuite ont obligé de nombreux Kabyles à s'expatrier. Notes et références 1. [1] [archive] et [2] [archive] 2. Lettre de Mokrani au Gal. Augerand, en page 768 du Rapport de M. Léon de La Sicotière au nom de la «Commission d'Enquête sur les actes du Gouvernement de la Défense Nationale », Versailles, Cerf et fils, 1875.