Il y a presque une année que Mouammar Kadhafi a été assassiné mais les armes sont toujours là. Lundi, les forces pro-gouvernementales libyennes ont bombardé la ville assiégée de Bani Walid, ancien bastion des partisans du colonel Kadhafi. Selon des témoignages au moins, trois personnes dont une fillette ont été tuées alors qu'une dizaine de personnes ont été blessées. Le colonel Salem al Waaer, porte-parole des combattants de Bani Walid, a précisé que les tirs provenaient du secteur d'Al Mardoum, à 25 km sur la route de Misrata. Les miliciens de Bani Walid ont riposté, blessant neuf combattants de la milice pro-gouvernementale de Misrata, selon l'hôpital de cette dernière ville. Les autorités de Bani Walid avaient, jusqu'à vendredi dernier, pour livrer aux pro-gouvernementaux les ravisseurs d'Omran Chaban, héros de la révolution libyenne. Chaban, l'un des insurgés qui avait débusqué l'ancien «guide» libyen à la périphérie de Syrte, le 20 octobre 2011, avait été enlevé par des hommes armés en juillet non loin de Bani Walid. Selon ses proches, il a été blessé par balles et torturé par ses ravisseurs. Libéré à la suite d'une médiation, il a succombé le 24 septembre dans un hôpital parisien des suites de ses blessures. Le Congrès national libyen au pouvoir a ordonné aux ministères de la Défense et de l'Intérieur de retrouver les ravisseurs. Les ex-Thouars ne veulent pas déposer les armes craignant, selon eux des attaques de différentes milices ou des pro-Kadhafi. « Si nous rendons nos armes et que nous sommes attaqués, comment allons-nous, nous défendre», a indiqué un ex- rebelle, résidant à Tripoli. Ce dernier a ajouté à la presse qu'il n'est pas question pour lui de se séparer de ses armes tant qu'il ne se sentira pas en sécurité. Principal chantier du nouveau gouvernement libyen, la question du désarmement est particulièrement sensible dans le pays. En effet, les dirigeants libyens souhaitent désarmer les civils au même titre que les anciennes brigades révolutionnaires, devenues de véritables milices, même s'ils espèrent toujours pouvoir les intégrer aux services de sécurité du nouvel Etat. Mais, pour ce faire, encore faut-il avoir une armée et une police fortes en qui les civils peuvent avoir confiance, et sur laquelle ils peuvent s'appuyer en cas de problème. «Toutes les semaines, on entend des histoires de personnes qui ont été enlevées et que l'on n'a pas retrouvées», reprend Ahmed, également possesseur d'un gros 4X4, dont il ne se sert plus de peur d'être victime d'un car-jacking «ou pire». Pour lui, «la question la plus importante, c'est celle de savoir à qui rend-on nos armes ? Comment peut-on être sûrs que ceux devant qui nous les déposons ne sont pas des miliciens qui souhaitent se constituer un arsenal et remettre le pays à feu et à sang ?» Car dans le pays circulent plusieurs milliers d'armes, sans que l'on puisse dire exactement combien, allant des armes légères [kalachnikovs, mitraillettes, ndlr] aux armes lourdes [lance-roquettes, missiles sol-air...]». Elles proviennent des caches de l'ancien régime, pillées pendant et après la Révolution, mais elles ont aussi été fournies par les Etats soutenant les rebelles, ou encore sont passées par les frontières devenues poreuses avec la Révolution (Algérie, Egypte...). Les armes sont devenues des articles si banals que les prix sont publiquement connus. Ainsi, une vraie kalachnikov se vend environ 1 200 dinars (un peu moins de 740 euros), un pistolet 9 mm environ 5 000 dinars (environ 3 070 euros), et un lance-roquettes à quatre tubes 50 000 dinars (un peu plus de 30 700 euros). Le gouvernement tente donc de récupérer tant bien que mal ces armes via des campagnes de collecte. La semaine dernière, une grande campagne a ainsi été organisée par les autorités libyennes. Malheureusement, des milliers d'ex-rebelles refusent de déposer les armes, ce qui constitue une véritable menace pour la sécurité du pays.