La crise dans l'éducation dans les pays en voie de développement, trouve ses origines dans le forum mondial sur l'éducation de Dakar 2000 qui a prédit une réforme mondiale de l'Education. Ainsi, les orientations éducatives préfigurent les mutations sociales, culturelles et économiques auxquelles la société aspire. De la sorte les orientations de cette nature sont en mesure de véhiculer le changement autant elles risquent de freiner le processus de transformation sociale quand elles ne sont plus en phase avec l'esprit des temps présents et décalées par rapport aux exigences de l'avenir. De même la mise en œuvre de la réforme demeure largement tributaire à la fois de la démarche ayant inspiré la conception des finalités à atteindre et de l'implication de l'ensemble des acteurs censés mener cette réforme au jour le jour. Malheureusement l'échéance qui a été fixée pour l'aboutissement de la réforme est désormais aussi proche que ne le sont les objectifs pour lesquelles le plan d'urgence fut déployé afin de réhabiliter l'école. Le département de tutelle en ayant favorisé une démarche ne permettant guère de s'attaquer aux problèmes structurels qui handicapent le système éducatif marocain avait opté pour des demi-mesures qui se sont gardées de susciter une mise en cause radicale des dysfonctionnements majeurs dont souffre l'école. De la sorte la refonte des curricula et des programmes scolaires fut abandonné au profit de l'introduction de la pédagogie d'intégration aux cycles primaire et collégial. Or au-delà du fait que cette approche avait fait preuve de ses limites au sein des systèmes éducatifs qui l'avaient adoptées de par le passé au Maroc et en Tunisie et qu'elle ne soit introduite dans aucun système éducatif européen, le département de l'Education nationale a opté pour la généralisation de cette démarche sans procéder conformément aux règles d'usage en la matière. Ainsi au lieu de procéder par le biais d'expérimentation permettant d'évaluer d'une façon concrète les retombées de ladite démarche sur l'amélioration des apprentissages et des méthodes d'enseignement, on s'est précipité de généraliser un protocole de recettes qui, à terme ne présente aucune garantie de résultat et ce, malgré le considérable investissement humain et matériel consenti. D'un autre côté une année et plus après la mise en œuvre du plan d'urgence la promotion de l'excellence au lycée tarde à se concrétiser faute d'une action audacieuse permettant de traduire les projets destinés à la résolution des problématiques transversales du système éducatif en mesures efficientes et réalisables. Ainsi l'école de réussite tant clamée ne se profile guère à l'horizon et ce malgré les moyens considérables mis à la disposition du département en charge de l'éducation, comparativement aux budgets ayant été alloués à ce secteur de par le passé. Ce constat fut rappelé encore une fois à l'occasion du dernier rapport de l'UNESCO consacré aux déficiences du système éducatif algérien et qui se rapportent sommairement à la persistance de l'analphabétisme, l'énorme taux de déperdition scolaire en milieu rural et surtout à la faible rentabilité interne et externe du système de l'éducation et de la formation. Face à cette situation, qui ne peut hélas perdurer sans compromettre l'aboutissement des grands chantiers de la réforme, touchant l'ensemble des secteurs socio-économiques, force est de constater qu'une nouvelle politique éducative s'impose avec acuité. Désormais, le pilotage du redressement du secteur de l'éducation ne peut s'inspirer des formes de gouvernance ayant prévalu jusqu'à maintenant, comme il ne peut se faire en l'absence d'une implication effective des acteurs éducatifs et une prise en charge concrète des problèmes de l'école par l'ensemble de la communauté sociale. Les impératifs de la réforme qui s'inscrivent dans l'ordre de l'urgence ne furent que relatés depuis plus d'une décennie et pourtant au lieu de s'attaquer aux handicaps structurels qui freinent l'avènement d'une école de qualité, les plans d'action préconisés dans le cadre du plan d'urgence ne font que reproduire des tentatives de réforme qui ont fait preuve de leur inefficacité par le passé comme au présent. L'école publique demeure certes, le moyen le plus noble qui bâtit le socle sur lequel, les nations érigent leur identité propre et par le biais duquel, elles expriment leur génie, mais il n'en demeure pas mois que seules les nations ayant consenti des sacrifices énormes au bénéfice du savoir et de l'éducation par le passé, se voient aujourd'hui récompensées et gratifiées en occupant une place privilégiée dans un monde où la connaissance et le savoir incarnent la marque-même des temps modernes. A cet égard, l'école publique que l'Algérie est appelée à refonder devrait se démarquer du modèle s'inspirant sous d'autres cieux, de l'esprit de l'Etat centralisateur ne reconnaissant guère ni diversité culturelle ni particularisme régional. La tradition algérienne séculaire qui s'est distinguée par la prise en charge de l'institution éducative par les différentes communautés devrait se faire réhabiliter en faveur d'un engagement social solidaire au bénéfice de l'école. Rappelons d'un autre côté, que la réforme de l'école d'aujourd'hui, si elle présuppose un renouveau culturel global, elle nécessite inéluctablement la prise en compte d'une donnée de base se rapportant à l'avènement de la société du savoir qui nécessite une maîtrise sans faille des connaissances de la part des éducateurs et la qualification académique universellement admise de l'ensemble du corps enseignant. A cet effet, la mise en œuvre d'un vaste plan de formation continue et de mise à niveau académique au bénéfice de la communauté éducative, ne peut désormais se limiter aux formations cultivant le pédagogisme ignorant et privilégiant l'application aveugle des recettes qui occultent la maîtrise du savoir au profit des pseudo savoir-faire qui depuis les années quatre vingt furent hissés au niveau de flambeaux n'ayant pas contribué nullement à faire reculer les ténèbres de l'ignorance. Engagement citoyen de la communauté sociale en faveur de l'école et maîtrise des savoirs de la part de la communauté éducative représentent le prélude incontournable au vaste programme de la réforme de l'ensemble des composantes du système de l'éducation et de la formation. La maîtrise des langues devrait désormais figurer parmi les priorités de ce programme et ce par le biais d'une nouvelle approche reconsidérant la question linguistique dans sa globalité. A cet égard, l'enseignement des langues est appelé à s'adapter aux contextes sociolinguistiques au sein desquels, les apprenants évoluent permettant de la sorte d'opérer un passage des langues maternelles aux langues d'apprentissage des savoirs fondamentaux. La prise en compte de l'origine sociale des apprenants et de leurs héritages culturels permet à cet effet, de remédier aux inégalités initiales en matière de savoir et de savoir-faire et d'atténuer de la sorte l'abandon de l'école et l'échec scolaire. A l'heure où la revalorisation de l'ensemble des patrimoines culturels est à l'ordre du jour, la politique éducative en matière d'enseignement des langues ne devrait plus se cantonner dans une démarche ne prenant guère en considération les pratiques sociales en matière de communication et les grandes avancées enregistrées en matière de recherche scientifique et cognitive relativement à l'apprentissage et l'enseignement des langues. L'approche purement techniciste et le traitement de la question linguistique en Algérie ayant fait preuve de leur faillite, il va falloir trancher en faveur d'une approche qui met la question de l'enseignement des langues au cœur-même de la réforme éducative. La langue comme il est dit de coutume est la demeure de l'être et le moyen privilégié par le biais duquel, la pensée se forme et s'exprime et à travers lequel, la parole humaine enchante le monde, ainsi l'acte éducatif ne peut accéder à sa vocation première qu'en étant en mesure de transmettre cette belle invention qui résume la beauté de la culture et l'ingéniosité de l'art humain. (Suite et fin)