Il s'agit pour nous en tant que journalistes de la presse indépendante en Algérie de donner un aperçu aussi complet que possible sur la réalité du métier d'informer en Algérie, et ce, depuis l'avènement de la démocratie dans notre pays. L'objectif recherché est de livrer à nos confrères les moyens de juger et en même temps d'apprécier, en toute connaissance de cause, l'état de la presse en Algérie et d'évaluer son parcours, d'identifier les problèmes qu'elle rencontre et de connaître ses attentes profondes. Les parcours, qui sont caractérisés pendant de longues années, soit exactement trois décennies, c'est-à-dire de l'indépendance 1962 à 1988, par l'inexistence d'organes autres ceux de l'Etat, le paysage médiatique algérien, notamment celui de la presse écrite, a connu a la fin des années1988, une évolution significative. La première étape de cette évolution commence à la fin des années 1988 avec l'émergence dans le paysage de la presse écrite, une floraison de plusieurs nouveaux titres, qui a débuté en pleine décennie noire qu'a connue notre pays. Le paysage médiatique algérien s'est retrouvé profondément bouleversé avec d'un côté une presse étatique (radios, télévision et journaux) ayant perdu le monopole de l'information mais disposant de moyens logistiques «matériels et humains conséquents», et de l'autre des organes de presse indépendants animés par des jeunes n'ayant pas reçu de formation en journalisme. Il s'en suit que si cette presse fait preuve d'emblée d'un manque de professionnalisme, elle se caractérise aussi et surtout par un dynamisme, un esprit de créativité et une réelle liberté de «ton» jusqu'alors inconnus dans le pays qui dérangent. Toutefois, il convient de noter que la relation «presse libre-pouvoir» a connu dans notre pays plusieurs périodes très distinctes avec la mise en place du gouvernement dirigé par Ahmed Ouyahia, quand il y eut de la part de l'ex-chef du gouvernement en question, des efforts réels visant à mettre au «pilori» la presse indépendante par le musellement non seulement à travers l'adoption des textes et lois d'un véritable code pénal bis, rétrécissant ainsi l'espace de liberté ainsi créé, mais aussi le spectre de l'emprisonnement des journalistes et autres correspondants qui a commencé à planer sérieusement dans les rédactions et autres bureaux de l'Algérie profonde, et ce, jusqu'au mois de juin 2012, avec l'affaire de la condamnation du journaliste francophone du quotidien national d'information La Nouvelle République Manseur Si Mohamed, et de Fatma Zohra Amara du quotidien arabophone Akher Saa paraissant à Annaba tous les deux, à une peine de deux mois de prison ferme assortie d'une forte amende. Dans ce contexte inqualifiable et injuste, il est important de souligner que le Parlement algérien a adopté en 2001, une nouvelle loi sur les médias, prévoyant une dépénalisation du délit de presse. Le code pénal en vigueur dans le pays depuis 1996, qui est l'un des plus sévères au monde, est largement capable de prendre en charge les aspects liés entre autres à la diffamation. La loi sur l'information en Algérie, n'est qu'un texte de plus, et un prétexte de trop pour que le pouvoir en place renforce encore un peu plus son armada répressive dans ce qui est communément appelé, «délit de presse». Désorganisés par les pesanteurs politiques et parfois partisanes, les professionnels de la presse reportent depuis 1992 toutes discussions sur leur statut, un garde-fou contre les velléités d'embrigadements de toutes sortes. Il n'existe pas encore dans le pays de charte d'éthique et déontologie qui doit définir, à l'image de ce qui est en cours dans les grandes démocraties et les pays qui se respectent sur les règles professionnelles des journalistes. Ce qui a entraîné rapidement et continue de l'être, avec des problèmes sérieux avec une volonté croissante du pouvoir d'étouffer la presse indépendante. Les problèmes que rencontrent les professionnels de la communication se retrouveront décuplés puisque à la faiblesse dramatique des moyens s'ajouteront des brimades, des exactions et des menaces constitutives d'atteintes graves à la liberté de la presse, d'expression et des violations flagrantes des lois de la République. Les complications sur le terrain rencontrées par la plupart des confrères de la presse indépendante sont essentiellement de trois ordres: la faiblesse des moyens, l'absence d'organes indépendants de régulation et les entraves à l'exercice de leur métier. Pour les attentes et les espoirs, ils découlent pour l'essentiel du diagnostic qui précède et s'ordonne autour de quelques idées forces: la mise en place de mécanismes efficaces et transparents d'aide à la presse, une protection judiciaire et légale des journalistes, l'institution d'organes de régulation indépendants, un traitement égal des medias de la presse privée sur les media d'Etat. Il s'agit d'abord de créer les conditions d'un meilleur épanouissement des organes de presse et des professionnels du secteur. A cet égard, il serait souhaitable qu'une législation prenant en compte les réalités spécifiques des entreprises de presse soit votée, en vue de l'allégement des charges. Il s'agit ensuite d'organiser la formation des professionnels. Quant aux subventions directes de l'Etat à la presse, elles ne favoriseront véritablement le pluralisme et la liberté d'informer que si elles obéissent à des critères transparents et équitables et si leur répartition se fait avec l'ensemble des représentants des organes de presse. Ressenti par la quasi-totalité des organes médiatiques qui fonctionnent avec des personnels insuffisants et le plus souvent peu qualifié, des moyens techniques et technologiques rudimentaires, ce problème constitue la principale faiblesse de la presse algérienne. L'Etat a pris des engagements précis pour aider à le surmonter, par la voix des plus hauts responsables du pays qui se sont succédé et lors des différents forums consacrés à la presse indépendante. Mais à ce jour, les entreprises de presse ne bénéficient ni d'abattement fiscal, ni d'aucune mesure particulière d'aide au plan économique ou financier. Voilà la réalité du pluralisme médiatique en Algérie que cache un extraordinaire foisonnement des titres. Ce phénomène né du besoin d'expression dans un pays ayant vécu pendant trois décennies sous des régimes politiques autoritaires, suivi d'une autre décennie noire qui a engendré plus de 100 journalistes qui ont été horriblement assassinés par les différents protagonistes qui se disputaient le leadership du terrain perdu, a servi malheureusement au pouvoir sur place pour véhiculer de fausses idées sur l'état de la presse dans le pays. Et dire que la presse algérienne se porte bien. Les moyens pour remédier à cette situation ont pourtant été suggérés aux pouvoirs publics et notamment aux différents gouvernements qui se sont succédé via les représentants de la presse lors de plusieurs rencontres et en diverses occasions. Il s'agit, à défaut de subventions directes de l'Etat aux organes médiatiques, de l'adoption au plan économique et fiscal de mesures permettant d'alléger les charges de fonctionnement des entreprises de presse. Les résultats issus de ces rencontres, tout comme les engagements formels pris par le gouvernement sont restés lettres mortes. En lieu et place de l'aide structurelle souhaitée par les professionnels de la presse, le gouvernement ou les gouvernements qui se sont suppléés, et ce, à plusieurs reprises par la voix des ministres de la Communication, ont «promis» de mettre sur place un fonds d'aide à la presse. Quoi que l'idée ne soit pas en elle-même mauvaise, loin s'en faut, la pratique en a montré les limites des lacunes, si bien que l'attribution des subventions de l'Etat à la presse, sur laquelle d'ailleurs les «medias d'Etat» se taillent la part du lion, alors que leur ministère de tutelle dispose d'un budget annuel, tournant aujourd'hui à l'arbitraire. Parallèlement à cette injustice, les médias étatiques et quelques organes proches du sérail, bénéficient quasi exclusivement de la publicité de l'Etat providence. Cette situation contribue largement à fausser les règles de la concurrence dans la presse privée et les journaux d'Etat et dont l'anep (Agence nationale d'édition et de publicité), dicte sa loi en matière du partage du gâteau qui se chiffre à des centaines de milliards de dinars par an. Nonobstant, cette manne financière, les entraves et les atteintes à la liberté de la presse, de 1992 à ce jour, ont été si nombreuses et si multiformes qu'il serait fastidieux de les énumérer toutes dans ce contexte déplorable, quand on sait que plus de 250 journalistes et correspondants de presse ont été condamnés par la justice algérienne de 2002 à 2009. L'amnistie présidentielle conformément à l'ordonnance 06/152 du 2/05/2006 en faveur des journalistes condamnés a été accueillie par la corporation avec soulagement. Cependant, la plupart des confrères et consœurs se sont refusés à tous commentaires concernant cette grâce présidentielle qui n'a été en fin de compte qu'une farce de complaisance aux yeux des instances internationales. C'est pourquoi on se rappellera des plus significatives. Alors que l'année 2012 tire à sa fin, les journalistes à l'exemple de Rabah Benamghar, entendu par la gendarmerie de Tigzirt suite à une plainte du président d'APC de Mizrana pour un article jugé diffamatoire, démontre cette impossible liberté d'expression dont on veut à tout prix, la faire avaler aux instances internationales et autres organisations. Les atteintes contre les journalistes de la presse indépendante continuent, les poursuites judiciaires persistent âprement et les amendes avec outrance. Autre exemple, le dernier journaliste qui a été poursuivi en justice par le wali de la wilaya de Mascara. Et la liste reste ouverte à l'instar de notre confrère et chef du bureau d'El-Khabar à Oran, Lahcen Bourbie qui sera entendu par les services de la sûreté de daïra de Ghriss(Mascara), concernant l'affaire de l'implantation de l'école d'aviation, qui a été rasée suite à une décision du wali.