Certains font des amalgames concernant la situation des unités d'ArcelorMittal en Algérie et en France. L'objet de cette contribution qui a fait l'objet d'une interview à Radio France Internationale RFI (1) est à la fois de lever certains amalgames et de poser clairement la situation de la filière sidérurgique en Algérie. Nous assistons à un dialogue de sourds. La direction du complexe reproche notamment à Sonatrach et Sonelgaz les plus gros demandeurs d'importer au lieu de s'adresser au complexe et les deux principaux groupes algériens reprochant à Arcelor Mittal de ne pas se conformer aux normes de sécurité et de qualité. Le futur complexe sidérurgique de Bellara (sud-est de Jijel) entre Sider et Qatar Steel International, selon la règle des 51/49 %, en production en principe horizon 2017, coût estimé à environ 1,7 milliard de dollars, au titre d'une première phase, devant produire 2 millions de tonnes d'acier par an avant de passer à 4 millions de tonnes en 2019 ( matière première locale ou importée ?) pour répondre aux besoins du marché national en rond à béton et autres aciers avec la création de près de 2 000 emplois directs (le tiers d'El Hadjar pour une production plus importante) n'est-il pas déjà un substitut au complexe d'El Hadjar et allégera-t-il les tensions sur l'acier du fait que l'Algérie à travers l'importante dépense publique importe une grande quantité ? Par ailleurs, le groupe qatari apporte-t-il le savoir-faire managérial et technologique, l'Algérie n'ayant pas besoin de financement ? C'est que les importations algériennes de fer ont dépassé les 20,5 millions de tonnes pour une valeur de 9,67 milliards de dollars durant les 14 dernières années (1998 à 2011), d'après le Centre national de l'informatique et des statistiques (Cnis). Selon le CNIS, le fer et l'acier ont coûté à l'Algérie 1,97 milliard de dollars en 2012, contre 1,83 milliards, soit une hausse de 8,16 %, alors que la valeur de l'importation de ciment a atteint 244,4 millions de dollars en 2012 contre 125,5 millions de dollars en 2011, soit une hausse de 94,67%, contribuant ainsi à une augmentation de 11,67% de la facture des importations des matériaux de construction. Toujours selon la même source, l'Algérie consomme environ 5 millions de tonnes en fer et en acier, n'en produisant que 1,5 million de tonnes, soit environ 10% de la demande nationale. L'Algérie peut-elle continuer dans la voie du tout Etat ? Je pense qu'il faut se démarquer de l'ancienne culture, différencier l'Etat régulateur, rôle stratégique en économie de marché concurrentielle comme facteur de cohésion sociale, à l'Etat gestionnaire qui a montré de par le monde, ses limites d'efficacité. Car il y a cette volonté du gouvernement de devenir majoritaire, grâce à l'aisance de la rente des hydrocarbures, généralisant les 49/51% alors qu'il y a lieu de réaliser un ciblage pour les secteurs stratégiques, et les subventions toujours sans ciblage avec un gaspillage des ressources financières. Devant éviter toute solution à résonance populiste et nous en tenir aux indicateurs de rentabilité, devant privilégier la valeur ajoutée interne, l'Algérie étant appelée à vivre au sein d'une économie ouverte, quelle sera l'attitude ArcelorMittal qui a une stratégie internationale et cette renationalisation sera-t-elle rentable ? D'autant plus qu'excepté certains secteurs dont le bâtiment travaux publics, logements où certains segments non stratégiques où les partenaires étrangers ont accepté la règle des 49/51% prenant peu de risques, l'éventualité d'une non-rentabilité étant prise en charge par l'Algérie. Le risque est d'autant plus important que l'Algérie va vers l'épuisement de ses ressources en hydrocarbures. Si pour le court terme pour le pétrole cela ne pose pas de problème (l'Algérie détenant moins de 1% des réserves mondiales), pour le gaz il en va autrement (2,3% des réserves mondiales) car depuis 3 à 4 ans, et cela continuera, il y a une totale déconnexion vis-à-vis du prix du pétrole. En plus de nouveaux concurrents, des canalisations dont la rentabilité est faible, de la pétrochimie contrôle oligopolistique à l'échelle mondiale, cela n'a pas été pris en compte dans la nouvelle loi des hydrocarbures. Selon l'agence Reuteurs en date du 2 mai 2013, le groupe pétrolier britannique BP, un important investisseur étranger en Algérie, a décidé de retarder deux projets gaziers importants. BP invoque les frais liés à la sécurité qui auraient triplé, pour atteindre 15% des dépenses d'exploitation, argument non convaincant puisque la nouvelle loi des hydrocarbures dont la fiscalité repose sur la profitabilité pouvant déduire les charges. Le second argument est plus plausible, le peu d'attractivité de la nouvelle loi par rapport à d'autres pays, notamment en Libye et certains pays d'Afrique et du Golfe. Toujours selon cette agence, la société américaine Hess Corp a vendu une de ses deux participations en Algérie à l'espagnol Cepsa à cause de trop mauvais rendements, et le groupe britannique BG est également en train de quitter l'Algérie et rendre sa licence, qui arrive à expiration en septembre 2013, sur le bloc d'Hassi Ba Hamou et une très grande compagnie américaine – dont le nom n'a pas été dévoilé – qui avait décidé de s'installer en Algérie, a choisi d'investir ailleurs. Selon Reuters, cela ne peut que conduire à une baisse de production en pétrole et en gaz, ces dernières années, en Algérie où la dépense publique dépassant les 110 dollars (fonctionnement et équipement), vivant de l'illusion de la rente, qui peut accroître les tensions sociales déjà vivaces. Et cela sans oublier la stratégie offensive du géant russe Gazprom et de la révolution du gaz de schiste qui risque de bouleverser la carte énergétique mondiale avec pour finalité une baisse des prix de cession du gaz. Comme je l'avais annoncé dans une contribution parue le premier trimestre 2012, le recours qui avait été initié en août 2011 dans le cadre de la renégociation de contrats de gaz à long terme par le groupe italien Edison, qui a été repris par le groupe français EDF, Sonatrach vient de perdre en mars 2013, une affaire d'arbitrage où le groupe italien a obtenu la révision à la baisse des prix d'un contrat de fourniture de gaz naturel et ce, sur décision rendue par la Cour d'arbitrage de la Chambre de commerce internationale. Cela devrait avoir un impact estimé à environ 300 millions d'euros (390 millions de dollars) sur l'Ebitda (excédent brut d'exploitation) du groupe Sonatrach en 2013. D'ailleurs, au cours d'un arbitrage international, le géant russe Gazprom a décidé d'écouler une fraction de sa production sur le marché libre, pénalisant ainsi l'Algérie. Qu'en sera-t-il à l'expiration prochaine des contrats à moyen et long terme si la bulle gazière persiste ? Cela pose l'urgence pour l'Algérie d'une transition rapide d'une économie fondée sur la rente à une économie hors hydrocarbures et son adaptation aux enjeux de la mondialisation. (Suite et fin)