Néanmoins, le GNL prend de plus en plus une part importante des exportations de gaz de l'Algérie. 20,9 milliards des 52,67 milliards de m3 de gaz exportés (40%) sont transportés par bateau après avoir été liquéfiés. Mais se pose cette question stratégique de la rentabilité : le prix du gaz avait dépassé les 12 $ par million de British Thermal Units (MBTU), unité anglo-saxonne utilisée dans ce secteur, pour atteindre un pic de 14 $/MBTU, mais ce prix est désormais redescendu en dessous de 4 $/MBTU, complètement découplé du prix du pétrole. Qu'en sera-t-il de tous les investissements dans le GNL et les canalisations ( GN) pour leur rentabilité ainsi que du projet gazoduc Trans-Saharan Gas Pipeline (TSGP) -devant relier le Nigeria à l'Europe- via l'Algérie , d'une longueur de 4.128 km, dont 1.037 km en territoire nigérian, 841 km au Niger et 2.310 km en Algérie, d' une capacité de 20 à 30 milliards de m3/an destinés en majorité au marché européen, où selon l'étude de faisabilité le projet pour se matérialiser coûtera plus de 13 milliards de dollars contre une prévision au départ de 7 milliards de dollars sous réserve de la résolution de certains conflits frontaliers , devait permettre à l'Algérie de concurrencer Gazprom et la Norvège de l'approvisionnement de l'Europe ? C'est que la rentabilité du GN doit être environ de 8/9 dollars et celle du GNL entre 11 et 14 dollars. 4.-Ce qui est important à préciser pour tout économiste et tout gouvernement, ce n'est pas d'étaler les découvertes de gisements mais l'important est le coût d'exploitation des gisements dans la mesure où les deux vecteurs fondamentaux sont le couple prix international/coût. Si on s'en tient au vecteur prix international, plus le prix est élevé plus on assistera à l'extension de gisements rentables, et inversement sous réserve d'une stabilisation relative des cours. Et selon une relation dialectique, plus le prix des hydrocarburés est bas, plus on assistera à son épuisement et au ralentissement des énergies substituables, et plus le prix du pétrole notamment est élevé plus cela favorisera les investissements dans les énergies de substitution, étant entendu que selon les lois comptables avec la généralisation de la nouvelle technologie comme lors du passage du charbon au pétrole, cela devrait entrainer une baisse des prix à terme. L'Algerie importateur Cette analyse de l'épuisement des réserves d'hydrocarbures pour l'Algérie est développée par le directeur de la revue pétrole et gaz arabes en date du 05 février 2010 Nicolas SARKIS pour le cas du pétrole, je le cite : "l'Algérie n'a pas joué la prudence dans l'exploitation de ses richesses. Non seulement la dépendance aux hydrocarbures a augmenté de 70% dans les années 1970 à 98% aujourd'hui, la production actuelle, estimée à 1,4 million de barils/jour, demeure élevée. C'est une erreur que de penser à gagner beaucoup d'argent en un temps réduit en épuisant les réserves, notamment dans la conjoncture actuelle, les réserves de Hassi Messaoud s'amenuisant et que les nouvelles découvertes ne font que couvrir cette faiblesse pour un temps. Avec le maintien de sa dépendance aux hydrocarbures, l'Algérie peut se réveiller un jour sur une situation très douloureuse dans moins de 20 ans pour le pétrole devenant importateur net ". Afin de lever ces contraintes, pour le cas Algérie cela sera fonction de la croissance de l'économie mondiale, des nouvelles mutations énergétiques mondiales tenant compte des énergies substituables et donc du nouveau modèle de consommation énergétique dont les énergies renouvelables (le solaire), et pour d'éventuelles découvertes rentables financièrement; d'un bon partenariat. 5.-Or, pour les découvertes d'hydrocarbures en Algérie, on assiste à des résultats mitigés, l'important n'étant pas la superficie géographique, comme ces avis d'appel d'offres de la part d'Alnaft (organe chargé de délivrer les permis de prospection) avec des reports du fait de manque de soumissionnaires sérieux. Comment ne pas souligner également selon le Financial Times du 11 mars 2011, que le groupe américain Anadarko présent en Algérie depuis 1989 a déjà lancé une procédure d'arbitrage international rejoint par le groupe danois AP Moller Maersk pour remettre en cause les certaines dispositions de la nouvelle loi des hydrocarbures amendées dont la nouvelle taxe qui prévoit d'imposer entre 5 et 50 % sur la valeur de la production quotidienne moyenne pendant chaque mois durant lequel le prix du baril de brut dépasse les 30 dollars. Selon cette multinationale américaine, pour qui la valeur de ses actifs algériens ont chuté de 8 milliards de dollars, passant de 10 à 2 milliards, suite à l'instauration de la nouvelle taxe , en droit international ,une loi n'est jamais rétroactive sauf si elle est meilleure que la précédente, ce qui ne va pas sans nous rappeler l'abrogation de la rétroactivité de la part du gouvernement algérien en septembre 2009 concernant le commerce et les 49/51% instaurés par la loi de finances complémentaire 2009 pour d'autres secteurs. Si cette information venait à être confirmée, cela constituerait un grave précédent dans la mesure où selon ce quotidien, l'audience d'arbitrage international doit déterminer si la plainte d'Anadarko est recevable en juin 2011 prochain. Anadarko réclamant trois (3) milliards de dollars à Sonatrach., selon la même source, qu'en cas de refus de Sonatrach Anadarko envisage de saisir des avoirs de Sonatrach à l'étranger et de se retirer de l'Algérie. Aussi, après les nouvelles mesures gouvernementales d'encadrement de l'investissement étranger, et au vu de l'ouverture d'autres pays notamment en Afrique et Amérique Latine, il y a eu une nette diminution des investissements étrangers dans ce secteur qui requiert des technologies de pointe. C'est que ces mesures pouvaient se justifier en partie pour l'amont (l'essentiel de la rente actuelle), mais pas pour l'aval et les canalisations dont les coûts sont élevés et la rentabilité financière beaucoup plus faible. Les produits semi-finis et finis pétrochimiques étant soumis à une rude concurrence et les segments contrôlés au niveau mondial par quelques firmes, l'Algérie n'ayant pas par ailleurs investi à temps dans ces filières contrairement à bon nombre de pays du Golfe. Les parts de marché au niveau mondial sont déjà pris sans compter que l'amortissement a été largement effectué réduisant substantiellement leurs coûts, contrairement à l'Algérie qui aura fort à faire pour avoir un prix compétitif du fait de la lourdeur des coûts d'amortissements de départ. Miser sur la ressource humaine Aussi la question stratégique qui se pose est la suivante : avec l'hémorragie de ses cadres, (882 experts et ingénieurs auraient quitté Sonatrach, entre 2001/2009 selon un rapport interne à Sonatrach ce qui a amené le Groupe à confier la charge des puits à des sociétés étrangères), la Sonatrach a-t-elle les capacités de faire des découvertes intéressantes rentables financièrement, une prospection coûtant et lorsque la rentabilité n'étant pas assurée, ce sont des fonds perdus? Sonatrach a-t-elle les capacités d'investir seule sans un bon partenariat, sans le partage des risques à l'aval sans être assurée de la commercialisation sachant que pour diminuer les coûts , il faut une grande capacité des installations et que le marché intérieur est limité? Quelle est la rentabilité financière des investissements de Sonatrach à l'étranger tant dans sa participation que dans des fonds d'investissement qu'elle aurait réalisés? Sonatrach s'étant fortement dispersée depuis 2000, devenant un Etat dans un Etat s'étant éloigné de ses métiers de base, faisant double emploi avec les départements ministériels, dans l'aviation, dans la construction et dans les unités de dessalement de l'eau de mer, Sonatrach ne doit -elle pas revenir à ses métiers de base en misant sur la ressource humaine ? En bref, le grand défi de l'Algérie est un large débat sur le futur modèle de consommation énergétique intiment lié à un large débat sur l'avenir de l'économie nationale , afin de permettre le passage d'une économie de rente à une économie hors hydrocarbures créatrice de valeur ajoutée et d'emplois durables si l'on veut éviter des tensions sociales supposant une autre gouvernance reposant sur la valorisation de la connaissance et donc une autre logique du pouvoir économique et politique. Suite et fin. *Expert International, ancien conseiller et directeur d'Etudes Ministère