C'est dans l'indifférence générale que l'usine Michelin implantée à Bachdjarah (Alger) fermera définitivement ses portes aujourd'hui. Après cette fermeture, l'actuel gouvernement devrait accepter un fait accompli, celui d'effacer d'un trait un demi-siècle d'industrie du pneumatique dans notre pays. Le 10 juin 2013, les PDG de Michelin-Algérie et de Cevital annoncent pompeusement un accord qu'ils nomment «partenariat industriel». Contre toute attente, cet accord ne vise nullement la préservation de l'industrie du pneumatique en Algérie. Bien au contraire, Michelin et Cevital se sont entendus pour démanteler l'outil de production de l'usine et construire à la place un centre commercial chargé de vendre des biens de consommations importés. Cevital a même obtenu l'exclusivité pour vendre les pneus Michelin fabriqués dans d'autres pays. Un plan social est alors décidé. Les 600 travailleurs et techniciens formés par Michelin pour produire des pneus seront recyclés dans les entreprises du groupe Cevital chargées de produire et commercialiser autre chose que des pneumatiques. Trois mois après la signature de cet accord, aucun détail n'a été communiqué le concernant. L'opacité le plus total entoure cet accord. Personne ne sait quel est le bilan financier de Michelin dix années après la reprise de ses activités de production en Algérie. Personne ne sait également combien Cevital a versé à Michelin pour acheter le terrain d'assiette de 20 hectares abritant l'usine de Bachdjarah. L'absence totale de transparence dans ce genre de transactions financières interpelle les pouvoirs publics au plus haut niveau. Plus grave encore, la fermeture de l'usine Michelin de Bachdjarah intervient à un moment où l'Algérie a conclu d'importants accords pour relancer son industrie mécanique. La SNVI et l'Armée nationale populaire ont signé des accords avec de grandes firmes allemandes pour relancer la production de véhicules industriels et des bus à Rouiba. Cet accord devrait permettre la production de plus de 15 000 véhicules par an. A titre de rappel, c'est Michelin de Bachdjarah qui fournissait en pneus la SNVI Rouiba. A Tiaret, la SNVI, l'ANP et Mercedes vont produire près de 10 000 véhicules tout terrain à moyen terme. Tandis qu'à Oran un accord entre la SNVI et Renault pour implanter une usine de véhicules particuliers permettra de produire près de 75 000 véhicules et c'est Michelin qui est le principal fournisseur en pneus de Renault. A travers ces données, l'industrie mécanique dans notre pays aurait besoins, dans les cinq années à venir, de plus de 400 000 pneus pour véhicules léger et lourd. Et c'est au moment où l'Algérie a le plus besoin de cette industrie pour augmenter le taux d'intégration qu'une entreprise privée algérienne se rend complice de la fermeture de l'unique usine, celle de Bachdjarah. En 1993 et en raison de la situation sécuritaire traversée par l'Algérie, l'usine de Bachdjarah fermera ses portes. En 2002 et après la sortie de crise, Michelin décide de rouvrir l'usine. Un investissement de 40 millions d'euros rentrant dans le cadre de la reconversion de la dette de l'Algérie vis-à-vis de la France sera consenti. Michelin bénéficiera alors d'importants avantages fiscaux dans le cadre de cet investissement. Des ingénieurs et des techniciens algériens seront alors formés dans la très complexe technologie de la fabrication des pneus des véhicules industriels. Le 10 juin 2013, un accord est conclu entre Michelin et Cevital pour démembrer l'usine de Bachdjarah sans que le gouvernement algérien ne soit consulté. Les équipements de l'usine seront démantelés sans que personne ne sache leur destination. Pourtant une entreprise publique algérienne, à l'instar de l'ENPC (Entreprise nationale du plastique et du caoutchouc) pourrait reprendre l'usine de Bachdjah avec l'aide de l'Etat pour sauver 50 ans d'industrie des pneumatiques en Algérie.