Les Mauritaniens votaient samedi des élections législatives et municipales boycottées par une partie de l'opposition, dont les deux principaux enjeux sont le taux de participation et le score du parti islamiste Tewassoul. A la mi-journée, le vote qui a débuté à 7h (locale et GMT) et s'est achevé à 19h, se déroulait sans incident à travers ce pays en grande partie désertique où observateurs, présidents de bureaux et matériel électoral étaient en place comme prévu. Quelque 1,2 million d'électeurs sont appelés à renouveler l'Assemblée nationale, qui compte 146 députés (bien 146) et les conseils municipaux de 218 communes. Ce sont les premières législatives et municipales depuis 2006, deux ans avant le coup d'Etat de Mohamed Ould Abdel Aziz, un ancien général élu président en 2009 dans des conditions contestées par l'opposition. 74 partis politiques de la majorité présidentielle ou de l'opposition dite «modérée» y participent, mais ces scrutins sont boycottés par 10 des 11 partis de l'opposition dite «radicale», rassemblée au sein de la Coordination de l'opposition démocratique (COD), qui dénonce l'absence «de garanties de transparence». «La tenue de ces élections samedi constitue une victoire pour la démocratie dans mon pays», a affirmé le président Mohamed Ould Abdel Aziz après avoir voté à Nouakchott, regrettant le boycot de partis d'opposition. «Je pense, malheureusement pour eux, qu'ils ont raté une occasion, un rendez-vous important, parce qu'ils se trouveront dans une situation où ils seront absents de l'Assemblée nationale et donc du débat politique pendant le mandat de cinq ans» pour lequel sont élus les députés, a-t-il estimé. «Très grande fortune» des islamistes Le parti islamiste Tewassoul, membre de la COD et légalisé en 2007, a lui décidé de participer aux élections car elles représentent, selon lui, «une forme de lutte contre la dictature» du président Ould Abdel Aziz. Le parti présidentiel grand favori Seul le parti présidentiel, l'Union pour la République (UPR), se présente dans toutes les circonscriptions, ce qui en fait le grand favori. Il est talonné par Tewassoul, qui participe à sa première élection depuis sa légalisation, et par deux partis de l'opposition «modérée», l'Alliance populaire progressiste (APP) du président de l'Assemblée nationale, Messaoud Ould Boulkheir, et Al-Wiam, dirigé par des ténors du régime de l'ancien président Maaouiya Ould Taya (1984-2005). Ces scrutins permettront d'évaluer la capacité de mobilisation de Tewassoul, dont le «référentiel islamiste» est dénoncé par le parti au pouvoir comme une tentative de «s'approprier la religion islamique qui nous appartient à tous». L'UPR s'interroge en outre sur «la très grande fortune de ce parti» et sur son origine, en lui demandant de se démarquer des Frères musulmans qui ont «commis beaucoup de dégâts dans le monde arabe et musulman». Les islamistes, qui se présentent en principaux challengers de l'UPR, n'ont cessé de dénoncer durant la campagne l'usage «illégal par le parti au pouvoir des moyens de l'Etat et de ses attributs». Les élections seront aussi un test pour le reste de la COD et de ses dirigeants, qui affirment qu'elles vont «accentuer la crise politique dans le pays» et se tenir «au détriment de sa démocratie». Avec leur appel à boycotter ces scrutins, les dirigeants de la coalition de l'opposition «radicale» tablent sur un taux d'abstention «relativement important» qui sera la preuve, selon eux, de leur capacité de mobilisation contre le pouvoir. Ahmed Ould Daddah, chef de file de l'opposition «radicale», a averti mardi à Nouadhibou (nord-ouest) que le parti au pouvoir «s'apprête à frauder comme il l'a fait en 2009 lors de la présidentielle». Le scrutin est organisé et supervisé par une Commission électorale nationale indépendante (CENI), constituée à parité entre la majorité présidentielle et la Coordination pour une alternance pacifique (CAP, opposition modérée) qui avait conclu en 2011 des accords avec le pouvoir. Outre la création de la CENI, ces accords ont aussi permis d'introduire une forte dose de proportionnelle et de donner une place plus importante aux femmes à l'Assemblée nationale, où elles disposeront d'au moins 20 des 146 sièges. Les quelque 18.000 membres des forces armées et de sécurité ont voté vendredi, un jour avant les autres Mauritaniens.