Le Pr Brahim Boulassel, médecin-chef du service de médecine légale au CHU de Tizi Ouzou a mis en avant les facteurs subjectifs qui influencent le médecin traitant dans l'appréciation de l'incapacité de travail. «Il est courant de constater une grande disparité dans le domaine de l'évaluation de la durée et le degré d'incapacité totale de travail (ITT), s'agissant, notamment des coups et blessures volontaires en droit commun», a-t-il indiqué estimant que «le médecin traitant sollicité pour l'établissement d'un constat de coups et blessures (CB) avec détermination d'un taux d'ITT est soumis à des éléments subjectifs qui perturbent son objectivité, sa rigueur et son exactitude». Le médecin est soumis à diverses pressions, selon ce spécialiste en médecine légale, citant ce qu'il a qualifié d'influences ou états d'âme dans l'établissement d'un constat de coups et blessures, un certificat médical descriptif, sur la base d'un «inventaire des lésions, l'évaluation du retentissement psychologique, la connaissance des répercussions juridiques, les revendications de la victime et, enfin, les liens affectifs avec celle-ci (victime, ndlr). Pour ce spécialiste, il est parfois difficile de trancher sur la durée de l'ITT, entre plus ou moins de 15 jours, lors de l'établissement du constat initial ; la connaissance de la loi pouvant influencer le médecin. Tout comme d'ailleurs le contexte psychologique de la victime, de ses accompagnateurs, ses doléances et revendications, le fait de connaître la victime et/ou la victime et l'agresseur. « Le médecin est impliqué sur le plan émotionnel dans sa relation avec son client et réciproquement. La détermination de l'ITT dans l'utilité initialement médico-légale, entraîne, fréquemment, une insatisfaction chez le client (patient) notamment quand le médecin, à l'origine de l'altération de la confiance », fait observer le Pr Boulassel. Pour ce spécialiste en médecine légale, le médecin doit recourir à «la diligence, le bon sens et la bonne foi» lors de l'évaluation de la durée de l'ITT. «Le médecin doit éviter les circonstances qui génèrent la constitution de la boucle émotionnelle dans l'appréciation de l'incapacité de travail», a-t-il suggéré. Enumérant celles (circonstances, ndlr) visées dans le code de déontologie au chapitre consacré à la médecine d'expertise notamment l'article 97 dudit code qui stipule que «nul ne peut être à la fois médecin, expert et médecin traitant d'un même malade, un médecin ne doit pas accepter une mission d'expertise dans laquelle sont en jeu ses propres intérêts, ceux d'un de ses patients, de ses proches, ... ». Pour ce médecin-chef du service de médecine légale du CHU de Tizi Ouzou, «le respect de ce principe supprime en grande partie ce qui met mal à l'aise le médecin traitant». Il suffirait, a-t-il dit, d'appliquer les règles de déontologie de l'expertise pour que la boucle émotionnelle, source de ces éléments subjectifs, ne puisse se constituer. Tout en rappelant qu'en matière de violence, la législation pénale punit en fonction des conséquences de l'acte et de facteurs aggravants, le Pr Boulassel a estimé que «l'ITT doit être appréciée en tenant compte de la gêne fonctionnelle, des douleurs et du retentissement psychologique». L'ITT, a-t-il poursuivi encore, doit être comprise comme une amputation de la capacité totale de l'individu mais non pas comme une amputation totale de ses capacités».