Etant invité par la présidence de la République, en tant qu'expert international et professeur des universités, non partisan, ouvert à tout dialogue, je privilégie uniquement les intérêts supérieurs de l'Algérie. Le texte qui m'a été transmis souffre essentiellement du manque de clarté dans les objectifs politiques et économiques. Il existe un théorème en sciences politiques : 80% d'actions mal ciblées ont un impact de 20% sur les objectifs et 20% d'actions bien ciblées ont un impact sur 80%. C'est dans ce cadre que j'émets 10 propositions au niveau politique et 10 au niveau économique, interdépendantes, devant être sous-tendues par une nette volonté politique de changement pour résoudre la crise multidimensionnelle à laquelle est confrontée l'Algérie. A. Préambule Les objectifs stratégiques sont la refondation de l'Etat algérien conciliant la modernité et son authenticité, l'efficacité économique et une profonde justice sociale, de redonner la confiance actuellement brisée entre l'Etat et les citoyens grâce au dialogue fécond et productif. Il n'existe pas d'Etat standard mais que des équipements anthropologiques qui le façonnent largement influencé depuis les années 1980/1990 par la mondialisation avec de nouvelles fonctions. Dès lors, des stratégies d'adaptation politique, militaire, sociale et économique tenant compte de l'innovation destructrice, en ce monde turbulent et instable, pour reprendre l'expression du grand économiste Joseph Schumpeter dans son ouvrage universel «Réformes et démocratie». D'où l'urgence de restructurer tant le système partisan que la société civile, loin de toute action autoritaire. Lorsqu'un pouvoir émet des lois qui ne correspondent pas à l'état de la société, celle-ci-émet ses propres lois qui lui permettent de fonctionner, accentuant le divorce Etat-citoyen par la dominance de l'informel, à tous les niveaux politique, économique, social et culturel. Tout pouvoir a besoin d'une opposition forte organisée avec des propositions productives pour se corriger, devant l'associer dans les grandes décisions qui engagent l'avenir du pays. L'Algérie a besoin pour éviter la léthargie et la stérilité que tous ses enfants dans leur diversité, par la tolérance des idées d'autrui, se regroupent au sein d'un même objectif, à savoir le développement économique et social tenant compte de la dure réalité mondiale où toute nation qui n'avance pas recule forcément. Une loi n'est qu'une loi, fût-elle la Constitution, devant être sous-tendue par une nette volonté politique de réformes structurelles. Doit être inscrit en préambule de la Constitution, le renforcement de l'Etat républicain, la démocratisation dans tous les domaines, l'engagement à ne pas geler les institutions sous peine de délits d'initiés et à mettre en œuvre dans un délai qui ne dépassera pas six mois la promulgation des lois et par la suite trois mois au maximum les décrets exécutifs d'application. B. Volet politique 1.Facteur essentiel du développement économique et social, il s'agira codifier le développement des Libertés, politiques, économiques, sociales et culturelles (dont la liberté des médias), l'implication de la jeunesse et la promotion réelle de la femme à la gestion de la Cité. 2. Codifier d'une manière précise les missions de l'ANP, des services de sécurité et du Conseil de sécurité et ce, dans le cadre de la transition démocratique. 2.-Codifier clairement les missions de notre diplomatie qui doit s'adapter aux nouvelles mutations. 3.Codifier l'alternance au pouvoir, par la reconnaissance de l'opposition, comme acteur de la scène politique, la séparation nette des pouvoirs, une institution indépendante chargée de superviser toute élection, le Ministère de l'Intérieur via les Walis, étant chargé uniquement de la logistique. 4.Limitation du mandat présidentiel à deux maximum de cinq années, instaurer durant cette période de transition étant un régime semi-présidentiel, le régime parlementaire, souhaitable, étant inadaptée actuellement du fait de la non-représentativité et de la multitude des partis qui doivent se regrouper en fonction d'affinités idéologiques et économiques, et éventuellement de prévoir la fonction de vice-président chargé de seconder le président. 5.Rétablir la fonction de chef de gouvernement qui sera nommé par le Président, avec des prérogatives clairement définies, ainsi que limiter dans le temps (5 ans maximum) les hautes fonctions supérieures de l'Etat au même poste, pour éviter la léthargie et les relations de clientèles. 6.Codifier la bonne gouvernance, l'Etat de Droit par la lutte contre la bureaucratie paralysante, l'indépendance de la justice avec une nette séparation du pouvoir, exécutif, législatif - judiciaire - des juges indépendants des procureurs généraux nommés par l'exécutif, un rééquilibrage au niveau du Conseil de la magistrature en favorisant les élections libres, rééquilibrer le Conseil constitutionnel en faveur de personnalités indépendantes et renforcer le pouvoir du Conseil d'Etat. 7. Tout en nous en tenant à nos constantes nationales (Arabité- Islamité-Amazighité) comme facteur de cohésion sociale, codifier la langue amazighe comme langue nationale et devant favoriser la tolérance et combattre toute forme de racisme et de xénophobie, codifier que l'Etat garantit la liberté de culte et la liberté de conscience, veillant à ce que la religion n'interfère dans les affaires de l'Etat. 8.Codifier le rôle stratégique de l'élite, l'intégration de notre émigration et la valorisation du savoir par la réforme profonde de l'école du primaire au supérieur tenant compte de la transition numérique. 9. Codifier la pluralité syndicale et la reconnaissance de la société civile et la liberté pacifique de manifester. 10. Sans son histoire, une société est comme un corps sans âme, l'histoire étant le fondement de l'action présente et future, devant différencier régime éphémère et Etat éternel, codifier les valeurs du 1er Novembre 1954 et de la plateforme de la Soummam, un Etat qui survit aux aléas de l'histoire à la gloire de nos chouhada. C- Volet économique 1.Définir clairement le rôle futur de l'Etat dans le développement économique et social, en insistant sur le rôle de l'Etat régulateur conciliant les coûts sociaux et les coûts privés. 2. Criminaliser la corruption qui connaît un niveau inégalé depuis l'indépendance politique, une atteinte à la sécurité nationale qui implique pour son atténuation une totale transparence de l'utilisation des deniers publics (dépense publique - rente de Sonatrach - réserves de change), l' unification des institutions de contrôles, indépendantes de l'exécutif, et donner de larges prérogatives à la Cour des comptes, parallèlement au contrôle parlementaire et à la société civile. Le pouvoir doit s'engager à respecter les Accords internationaux en la matière contre le blanchiment de l'argent « sale ». 3. Différencier la corruption de l'acte de gestion afin d'éviter de paralyser l'initiative des managers. 4. Garantir la propriété privée, comme droit inaliénable. 5. Codifier l'économie de marché concurrentielle, loin de tout monopole, comme processus irréversible, mettre l'entreprise privée et publique, qui doit se conformer aux normes de rentabilité, sur un pied d'égalité, la finalité étant de promouvoir une économie productive hors hydrocarbures compétitive s'adaptant avec pragmatisme au processus de la mondialisation. 6.Codifier la régionalisation économique autour de grands pôles régionaux, à ne pas confondre avec régionalisme, qui impliquera d'importantes réformes institutionnelles (Ministères, secteur économique public - wilayas- APC). 7. L'agricole étant un segment stratégique, codifier la non-urbanisation des terres agricoles, la politique d'urbanisation devant s'inscrire dans le cadre d'une politique d'aménagement du territoire clairement définie qui ne saurait s'assimiler aux actuels programmes spéciaux de wilayas. 8. Le système d'information s'étant effrité, codifier un organe indépendant de l'exécutif chargé de la collecte d'informations et de la planification stratégique tenant compte avec les bouleversements mondiaux. 9. Codifier comme impératif stratégique, la mise en place d'une transition énergétique après avis du Conseil national de l'Energie et du Conseil de sécurité, et engager un large débat national concernant le futur énergétique 2015/2030 qui engage la sécurité nationale. 10. Facteur d'adaptation à la mondialisation, il s'agira de codifier l'intégration de l'Algérie au sein de la région euro-méditerranéenne, de l'Afrique, du Maghreb, continent à enjeux multiples, comme processus stratégique. En résumé, face aux enjeux géostratégiques, pour le devenir de l'Algérie, la région euro-africaine et euro-méditerranéenne devant connaître d'importants bouleversements horizon 2020, il y a lieu de privilégier le dialogue permanent, en favorisant les ères de liberté. L'Opposition est l'Opposition et le Pouvoir est le Pouvoir. Personne n'a le monopole du nationalisme, le seul but en commun étant les intérêts supérieurs de l'Algérie.