Noura n'est plus. La grande dame de la chanson algérienne, décédée le 1er juin à Paris, devrait être rapatriée en Algérie pour y être enterrée. Fatima-Zohra Badji, plus connue sous son prénom de scène - Noura- est native du village de Sidi-Amar (ex-Zurich), non loin de Cherchell où elle a vu le jour en 1942. L'artiste à la voix suave, reconnaissable parmi mille autres, a bercé des générations d'Algériens, interprétant un répertoire de quelque 600 chansons dans les trois langues (arabe, kabyle et française). Issue d'une famille nombreuse, attachée aux valeurs traditionnelles, Noura est dès son jeune âge confrontée à la séparation de ses parents. Poursuivant un temps sa scolarité, elle se retrouve contrainte de quitter les bancs de l'école pour se lancer dans la vie active. Si rien ne la prédestinait à une carrière d'artiste, elle rejoint néanmoins, dans les années 1950, Radio Alger où on lui confie l'animation d'une émission pour enfants. Spontanée, joviale et dotée d'une belle fraîcheur de ton, elle se fait vite engager dans des pièces de théâtre radiophonique et des opérettes. C'est à cette époque d'ailleurs, qu'elle interprète la célèbre «El Warda Essouda », écrite par Saïd Hayef. Son interprétation si douce plaît immédiatement. Sur scène, elle sera accompagnée de l'orchestre dirigé par Mustapha Skandrani, notamment en tenant un rôle dans l'opérette de Mustapha Kechloul intitulée «El Warqa El Meskina». Son interprétation est si magistrale que le poète Si Ahmed Lakehal lui lance spontanément : «Noura, vous avez été magnifique !». Une artiste vient de naître. Placée sous la houlette de Mohamed Djamoussi, alors directeur artistique de l'Opéra d'Alger et de Mahboub Bati, grand parolier et musicien émérite, Noura deviendra très vite l'une des voix incontournables de la scène musicale algérienne. A l'invitation de la maison de disque Teppaz, elle se rend en 1959 à Paris en compagnie d'autres artistes pour enregistrer plusieurs titres. C'est en cette même année qu'elle se marie avec l'auteur, compositeur et interprète Kamel Hamadi, rencontré à Radio Alger et dont elle aura une fille. Pour Noura, c'est un tournant charnière dans sa carrière artistique, elle débute sa collaboration avec El Habib Hachelaf et d'autres encore. C'est lui qui adaptera pour elle la chanson «Ya Rabi Sidi» dont Kamel Hamadi composera la musique. Ce titre viendra s'ajouter à l'escarcelle de l'artiste qui chantera divers thèmes et de multiples préoccupations comme l'exil, la femme, le mariage, ... Parmi ses titres les plus célèbres «Mebrouk el aârs», «Ya Bnet el Houma», «Ouahdi», «Houa houa», «Awin Azizen», «Anidhath Vava ?»... Au lendemain de l'Indépendance, le couple Hamadi rentre en Algérie mais continue à se rendre régulièrement en France. Noura qui fréquente de nombreux artistes français, à l'image de Juliette Gréco, enregistre en 1965 un album dans la langue de Molière. Dans cet opus figure notamment «Une vie» écrite par Michel Berger. En 1971, elle reçoit, en compagnie du barde Slimane Azem, un Disque d'or, pour avoir vendu plus d'un million de disques sous le label Pathé Marconi. Une distinction qui fera date car c'est la première fois que des artistes maghrébins sont distingués pour leurs ventes en France. Bien qu'elle se soit retirée de la scène artistique algérienne depuis plusieurs décennies, Noura n'en est pas moins restée l'une de ses icônes. Adieu l'artiste !