Les enquêteurs du Bureau d'enquêtes et d'analyses révèlent les premiers éléments de leur enquête. Un rapport d'étape sera rendu mi-septembre. Deux semaines, jour pour jour, après l'accident du vol AH5017 d'Air Algérie au Mali, les premiers éléments sur les circonstances du crash ont été révélés par les enquêteurs français. Des premiers éléments qui ne permettent pas encore d'esquisser un scénario de la tragédie jeudi 7 août. «Quand on voit la trajectoire, cela conduit à penser que l'avion ne s'est pas désintégré en plusieurs morceaux en vol», souligne Rémi Jouty, le directeur du Bureau d'enquêtes et d'analyses (BEA), sans pour autant exclure «la thèse d'une action délibérée». Des enregistrements sonores inexploitables Premier élément confirmé par le directeur du BEA : les enregistrements des conversations, qui sont contenus par la seconde boîte noire, de l'équipage du vol AH5017 sont pour le moment inexploitables. La bande magnétique était un peu endommagée. Elle a pu être extraite et le laboratoire du BEA a pu remettre en état cette bande magnétique. «Malheureusement les enregistrements se révèlent à ce jour inexploitables», déclare Rémi Jouty lors d'une conférence de presse. Cela prive les enquêteurs d'éléments essentiels pour la compréhension de l'accident, notamment le comportement et les réactions de l'équipage. Le BEA mise maintenant sur les «données de communications avec d'autres avions ou au sol», pour en savoir plus sur le crash. Le BEA souligne s'être tourné «vers les meilleurs experts» pour tenter de lire le signal. La première boîte noire, qui a enregistré les paramètres du vol (vitesse, altitude, trajectoire, etc.) de l'avion, a pu être lue le jour même. Grâce à la première boîte noire, la trajectoire de l'avion a pu être reconstituée. Le BEA estime qu'une seconde avant le crash l'appareil allait à une vitesse de 740 km/h à une altitude d'environ 490 mètres. Les enquêteurs confirment «un choc très violent à la verticale de l'appareil, après une série de forts virages sur la gauche». Un avion commercial possède réglementairement deux boîtes noires, appelées en anglais DFDR (Digital Flight Data Recorder), celle qui a pu être lue dans le cas du vol AH5017, et CVR (Cockpit Voice Recorder). Le DFDR enregistre seconde par seconde tous les paramètres sur une durée de 25 heures de vol. Le CVR, l'enregistreur de vol «phonique», comprend les conversations, mais aussi tous les sons et annonces entendus dans la cabine de pilotage. Une analyse acoustique poussée permet même de connaître le régime des moteurs. Un rapport d'étape mi-septembre Le BEA remettra un rapport d'étape mi-septembre, a par ailleurs indiqué N'Faly Cissé, président de la Commission sur les accidents et incidents de l'aviation civile au Mali. Immatriculé EC-LTV, le McDonnell Douglas MD83, qui devait relier Ouagadougou à Alger, s'est écrasé dans le nord du Mali moins d'une heure après son décollage. Après avoir annoncé que 118 personnes avaient péri dans l'accident, les autorités ont précisé vendredi dernier que deux d'entre elles n'avaient finalement pas embarqué, ramenant le bilan définitif à 116 morts dont 54 Français (pour certains binationaux), 23 Burkinabés, huit Libanais et six Algériens. Les six membres de l'équipage, tous Espagnols, ont été tués. L'avion, loué auprès de la société espagnole SwiftAir, s'est désintégré en s'écrasant, avec des débris dispersés sur plusieurs centaines de mètres, selon plusieurs responsables et spécialistes présents sur les lieux. «Le choc a été quasi instantané» Le point de presse du BEA se tient au lendemain du retour, en France, des gendarmes français, envoyés sur la zone d'accident, dans le nord-est du Mali pour collecter notamment les restes humains à des fins d'identification des victimes. Aux côtés d'homologues maliens, espagnols et algériens, ils ont passé une semaine à ratisser le site, proche de la ville de Gossi, à environ 150 kilomètres de Gao. «Nous avons procédé à un peu plus de 1 000 prélèvements. Scientifiquement, nous avons une forte probabilité d'identifier toutes les personnes», a assuré le colonel Patrick Touron. Selon lui, «l'avion est tombé avec une très grande vitesse verticale, parce qu'il s'est littéralement pulvérisé». «Le choc a été quasi instantané», a-t-il estimé. Une enquête purement technique Le 29 juillet, le directeur du BEA, Rémi Jouty, avait déclaré qu'il espérait avoir un scénario de l'accident dans quelques semaines. La lecture des boîtes noires puis leur analyse sont cruciales dans un accident d'avion. Grâce à ces enregistrements, près de 90% des accidents peuvent être expliqués. Le BEA mène une enquête purement technique qui n'a pas pour but de rechercher et de déterminer les responsabilités pénales, du ressort de la Justice. Sur le volet judiciaire, trois enquêtes ont été ouvertes : au Mali, en France et au Burkina Faso.