L'objet de cette contribution est une synthèse de mes différentes interventions internationales courant entre 2013/2014 me concentrant sur l'enjeu énergétique des tensions au Moyen orient et notamment en Irak. La guerre menée par les djihadistes sunnites de l'EIIL et la nouvelle intervention américaine du 8 août 2014 ne préfigure-t-elle pas d'importants bouleversements géostratégiques dans la région, ne contribuerait-elle pas à reconfigurer les rapports de forces et les frontières du Moyen-Orient dans une première phase pour aller vers l'Afrique du Nord dans une seconde phase. La menace provenant de l'espace sahélo-saharien, compte tenu des vulnérabilités sécuritaires occasionnées par la porosité des frontières, renvoie à l'impératif de relancer l'intégration régionale pour relever les défis de développement des pays nord-africains, pont entre l'Europe et l'Afrique noire, et renforcer leur positionnement régional et international. A l'instar, comme je l'ai démontré récemment de ce qui se passe à Gaza avec l'attaque israélienne qui entend devenir exportateur de gaz horizon 2017, (voir ma contribution - les véritables enjeux géostratégiques et économiques de l'attaque militaire d'Israël contre Gaza - disponible sur www.goolgle.com du 12 août 2014), et dans d'autres contributions internationales les réserves exploitables de la Méditerranée Orientale étant estimée à 9680 milliards de mètres cubes gazeux , certains estimant les réserves potentielles à 20.000 milliards de mètres cubes gazeux, supposant, sans compter plusieurs dizaines de milliards de barils de pétrole, une entente Israël-Egypte-Hamas pour cette exploitation, ainsi que la résolution du conflit en Syrie, les enjeux ne sont pas seulement géopolitiques, mais ont pour soubassement une lutte pour le contrôle énergétique. La majorité des experts en géostratégie s'accordent sur le fait que le contrôle du pétrole et du gaz constitue la clef de voûte du système économique mondial et commande sur le long terme les rapports de forces entre les puissances. Celui qui contrôle tant la production que l'accès peut orienter le système mondial. Cela explique les rivalités USA-Russie-Chine, l'énergie étant au centre de la sécurité des Nations et explique toute la politique militaire des USA, première puissance économique mondiale. La révolution énergétique avec le gaz de schiste redéfinit la carte énergétique mondiale et les USA entendent être présent là où les réserves mondiales existent, expliquant d'ailleurs leurs intérêts pour le gaz de schiste algérien, troisième réserve mondiale. L'intensification de leur politique récente en Afrique, (rencontre Afrique USA) au Moyen-Orient, au Maghreb, les négociations avec l'Iran et plusieurs pays de l'Asie musulmane qui concentrent à eux seuls la majeure partie des réserves pétrolières et gazières concentrées au Moyen-Orient (65% des réserves mondiales) rentre dans le cadre de cette stratégie globale horizon 2020/2030. Car, le pétrole représente aujourd'hui 40% de la consommation d'énergie totale dans le monde, le pétrole restant dans les trente prochaines années la première énergie primaire, devant après épuisement des réserves, être remplacé par le gaz, dont les gisements devraient continuer à donner au monde arabe (le Maghreb notamment) et à l'Asie centrale une importance stratégique. Dans un article publié le 26 janvier 2014 en Russie, Thierry Meyssan expose le nouveau plan de partage du Proche-Orient sur lequel travaillent la Maison-Blanche et le Kremlin. L'auteur y révèle les principales données de la négociation en cours sans préjuger d'un accord définitif, ni de sa mise en œuvre. (Source Odnako (Fédération de Russie) Hebdomadaire d'information générale. Rédacteur en chef : Mikhail Léontieff. http://www.voltairenet.org/article177546.htm. D'ailleurs, la proposition russe faite aux USA, malgré les tensions en Ukraine, de redessiner la carte énergétique ensemble, n'est pas innocente. Aussi, la stratégie des USA s'inscrit dans des négociations en coulisse avec la Russie, puissance militaire, contrairement à la Chine, plus discrète dont l'objectif est à terme l'expansion économique mondiale, pour le partage de l'influence régionale dont le contrôle de l'énergie. Dans les affaires, contrairement aux discours, n'existant pas de sentiments, Gazprom a signé plusieurs contrats avec la Syrie, mais également avec Israël, pour l'exploitation tant du gaz que du pétrole, existant des contrats croisés avec les firmes occidentales. L'enjeu pétrolier irakien Comme le note l'Echos.fr (aout 2014), l'expansion fulgurante des forces de l'Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL) et l'instauration de leur califat le 29 juin dernier donne matière à s'interroger sur ses ressources matérielles et financières. «Et pour parvenir à un tel résultat, l'EIIL a été obligé de trouver des sources de financement et de générer des revenus. A l'heure actuelle, l'organisation est considérée comme pleinement indépendante financièrement. De nombreux analystes de part le monde ont affirmé que l'EIIL a bénéficié de financements de certains pays du Golfe, mais est devenu par la suite autonome depuis le braquage de la succursale de la Banque centrale d'Irak à Mossoul au début du mois de juin leur ayant permis de récupérer environ 425 millions de dollars». Toujours selon cette même source, pour comparaison, la fortune des Farcs est évaluée entre 80 et 350 millions de dollars et celle des Talibans entre 70 et 400 millions de dollars. L'EI a mis, en plus, la main quasi gratuitement, sur l'armement lourd militaire de l'armée irakienne et reconstitue son stock sur le marché noir de l'armement, sans compter le trafic de drogue. Pour faire rouler des tanks, il faut de l'essence et donc du pétrole raffiné, ce qui permet de comprendre les objectifs militaires de contrôle des raffineries irakiennes. C'est de peur que l'EIIL contrôle les gisements et les raffineries où les firmes notamment américaines et européennes sont présentes, y compris la Chine, qu'il faut replacer l'intervention USA appuyée par la majorité des pays occidentaux. Cela rentre dans le cadre d'importants enjeux pour le contrôle tant du pétrole que du gaz (estimation à environ 3600 milliards de mètres cubes gazeux peu exploitées). Pour le pétrole, l'estimation en 2014 est de 150 milliards de barils de pétrole par an, (certains experts extrapolant entre 200/250 milliards de barils de réserves potentiels), l'Irak possède la 2e réserve au monde après l'Arabie Saoudite (261.8 milliards de barils) et représente 11% des réserves mondiales en 2014 et environ 4% de la production mondiale. Plus généralement, l'Irak exporte actuellement 3,5 millions de barils par jour et pourrait en cas de stabilité doubler sa production. Les experts considérant que seulement 14% du pétrole américain et 39% du russe restent disponibles, quand 65% du brut saoudien et plus de 80% de l'Irakien se trouvent encore sous terre. Selon le siteinfoguerre.fr (Rubrique matrice stratégique) concernant le pétrole irakien, les coûts sont extrêmement bas (environ deux fois moins que les pays limitrophes), les nappes se situant à des endroits accessibles sans difficultés, et le forage se fait aisément en raison de la faible profondeur à laquelle se trouve le pétrole. La marge de profit est donc importante, le coût étant trois à cinq fois moins que le baril produit en Russie, en Mer du Nord ou pour le pétrole extrait par les plateformes offshore profond, en Afrique ou en Amérique du Sud. Pour le cas algérien, il serait intéressant de connaitre les coûts de production champs et le prix de production arrivé aux ports algériens incluant le transport par canalisation supposant des comptabilités analytiques décentralisées par sections et non des comptes consolidés. Pourquoi tout cet intérêt pour le Kurdistan ? Emboitant le pas aux USA, le 15 aout 2014, réunis à Bruxelles, les ministres européens des Affaires étrangères des 27 sont parvenus à une position commune sur la livraison d'armes aux combattants kurdes en Irak. Selon l'expert David Rigoulet-Roze, chercheur à l'Institut français d'études stratégiques, c'est la question stratégique de l'allié kurde au Moyen-Orient avec lequel les relations sont étroites et anciennes. Le Kurdistan est considéré comme un pôle de stabilité régionale pour les Américains. Il existe au Kurdistan une base américaine fortifiée de la CIA, la deuxième la plus importante d'Irak. Elle est en développement et c'est un JSOC (Joint Special Operations Command), commandement des unités des forces spéciales des différentes branches de l'armée américaine. Cependant, l'enjeu est également pétrolier. Certes, il y a lieu de nuancer, comme le fait récemment mon ami Hasni Abidi, chercheur à Genève, dans une interview au Nouvel Observateur, pour qui les investissements et la masse pétrolière du Sud et de l'Est de l'Irak sont plus importants que ce que concentre le Kurdistan n'étant pas de nature à concurrencer celle de l'Irak, surtout dans ces champs du Sud. Toutefois, le Kurdistan, province autonome depuis 2005 de la Fédération irakienne, possède de très importantes ressources énergétiques, dont le deuxième plus gros champ pétrolier irakien et la question de l'autonomie du Kurdistan, de la viabilité d'un Etat kurde à long terme, voire à moyen terme, passe bien sûr par le contrôle de la ressource pétrolière au nord de l'Irak, ce qui devrait passer par une entente avec la Turquie. En effet, toujours selon l'expert de l'IRES, les relations entre le gouvernement turc et les Kurdes d'Irak, qui n'étaient pas excellentes, ne sont pas mauvaises aujourd'hui, justement pour des raisons pétrolières. Les Kurdes, sont allés jusqu'à mettre en service un oléoduc qui relie directement les gisements du Kurdistan irakien à la Turquie afin d'exporter leur pétrole en contournant les autorités irakiennes. Aussi, la Turquie entretient des relations très ambiguës avec plusieurs partenaires, voire joue une sorte de double-jeu : elle fait transiter du pétrole kurde à très bas prix (55$, soit presque deux fois moins cher que le prix mondial), sans l'accord de Bagdad, mais laisse passer également du pétrole de contrebande par camions provenant des champs contrôlés par l'Etat islamique, autant ceux de Syrie que d'Irak bradé, à 30$. Contrôle énergétique et reconfiguration géostratégique La stratégie américaine n'ayant pas de rivalités stratégiques avec l'Europe, même objectif stratégique, malgré certaines divergences tactiques pour paraphraser les militaires, a pour ambition de contrôler les axes d'approvisionnement en hydrocarbures que sont le Caucase, le Moyen-Orient, l'Afrique dont le Maghreb, la stratégie des transnationales tendant à uniformiser les relations internationales. Le contrôle de l'énergie aux portes de l'Asie, est vital pour les USA, installés notamment en Azerbaïdjan, en Ouzbékistan, en Kirghizie, et en Géorgie contrôlant notamment l'axe Ankara-Bagdad-Téhéran-Caucase. Avec l'internationalisation de l'économie, et touts ces conflits, nous assistons à l'éclatement des anciens Etats, notamment en Afrique et au Moyen-Orient, et à des déstructurations sociales nécessitant de repenser autrement la fondation d'un Etat, loin de toute vision centralisée, impliquant de tenir compte de notre anthropologie afin de favoriser une participation citoyenne. Le scénario horizon 2030 n'est-il pas des micros Etats éparpillés à travers le monde, une nouvelle division internationale du travail, avec des spécialisations par sous segments, sous contrôle d'une gouvernance mondiale, le véritable mondial de ceux qui grâce au SAVOIR, la ressource humaine étant le facteur essentiel de la prospérité d'une Nation, contrôleront à la fois le système financier et l'information, la valeur conceptuelle par une innovation continue ayant une grande valeur ajoutée, et les autres les anciennes économies traditionnelle ? Laquelle gouvernance mondiale serait gérée à travers le monde par une gestion en réseaux décentralisés permis grâce à la révolutions dans les télécommunications qui replaceront les anciennes organisations hiérarchiques ? La reconfiguration qui s'annonce au Moyen orient à travers de ce qui se passe au Sahel devrait concerner également l'Afrique du Nord, l'Algérie et tout le Maghreb étant concerné, espace géographique stratégique dont toute déstabilisation aurait un impact sur l'espace euro-méditerranéen et euro-africain, l'Afrique habitant un quart de la population mondiale horizon 2030/2040, richesses inexploitées à enjeux multiples. Mais évitons, toutefois, toute analyse déterministe strictement économique. La non-prise en compte de la dynamique sociale, des liens dialectiques entre dynamique économique et dynamique sociale segmentée, entre la sphère réelle et financière, la détérioration de notre environnement par un modèle de consommation énergétique qui atteint ses limites, (si tous les pays avaient le modèle de consommation énergétique que les USA, il nous faudrait quatre fois la planète Terre), l'univers parabolé devenant une grande maison de verre, induit des aspirations nouvelles notamment des peuples du Sud à vivre mieux. Les crises auxquelles on assiste, déclenchées en 2007 avec des ondes de chocs , non encore terminéee, la plus grave depuis la plus grande grave crise depuis 1929, avec une tendance du passage d'un endettement des banques à un endettement croissant des Etats, ont aujourd'hui en partie changé de nature depuis qu'en juillet 1990, le chancelier allemand et le président de l'Union soviétique scellait la fin de l' ordre international instauré à Yalta et à Potsdam. Les conflits entre communautés ethniques ou religieuses partageant un même Etat ou en transfrontalières deviennent de plus en plus fréquents. Comme nous assistons à la fin de l'unipolarité des USA et de l'Europe au sein du produit intérieur et du commerce mondial, vers une multipolarité (Russie - pays émergents dont la Chine) exigeant de nouvelles méthodes d'adaptation et de gestion des relations internationales. La crise morale que traverse le monde pourrait bouleverser maints scénarios.