Cette présente contribution est une synthèse de mes différentes contributions et interventions internationales entre 2012 et 2014 posant la problématique de la sécurité de l'Algérie et la place de l'Armée nationale populaire (ANP) face aux enjeux géostratégiques en Afrique du Nord, une étude qui devrait paraître dans la revue «Défense française» que dirige mon ami, l'amiral Jean Dufourcq. L'Algérie, acteur incontournable pour la stabilité de la région La plupart des dirigeants de l'Afrique du Nord, de l'Afrique noire, de l'Europe et des Etats-Unis d'Amérique y compris la Russie et la Chine s'accordent dorénavant sur la nécessité de coopérer d'avantage face à la menace de l'insécurité et du crime organisé. Il s'agit dorénavant de mettre l'accent sur l'obligation de mettre en application, une stratégie interrégionale qui associe l'ensemble des pays de la zone en plus des partenaires européens et internationaux, du fait que la région est devenue un espace ouvert pour divers mouvements terroristes et autres groupes qui prospèrent via le trafic d'armes ou la drogue, menaçant la sécurité régionale et par ricochet l'Europe et les Etats-Unis. Et ce comme cela a été mis en relief lors de la 22e conférence régionale africaine internationale d'Interpol, tenue à Oran (Algérie) en septembre 2013, où la résolution finale stipule l'urgence d'une coopération tant africaine que mondiale dans la lutte contre la criminalité transnationale avec l'implication de chacun des Bureaux centraux nationaux d'Interpol des 190 pays membres, nécessitant une amélioration des bases de données afin de lutter efficacement contre le crime transfrontalier et le terrorisme. Il s'agit donc de lever les contraintes du fait que la corruptibilité générale des institutions, pèsent lourdement sur les systèmes chargés de l'application des lois et la justice pénale en général, qui ont des difficultés à s'adapter aux nouveaux défis posés par la sophistication des réseaux du crime organisé. La collaboration inter-juridictionnelle est ralentie par l'hétérogénéité des systèmes juridiques notamment en Afrique du Nord et en Afrique noire. De plus, la porosité des frontières aussi bien que la coordination entre un grand nombre d'agences chargées de la sécurité aux frontières posent de grands problèmes. A terme, la stratégie vise à attirer graduellement les utilisateurs du système informel vers le réseau formel et ainsi isoler les éléments criminels pour mieux les cibler tout en diminuant les dommages collatéraux pour les utilisateurs légitimes. Sur le court terme, les tensions dans la région notamment pour la protection de ses frontières, la situation en Libye, au Mali et accessoirement les actions terroristes à sa frontière en Tunisie ont imposé à l'Algérie des dépenses supplémentaires. Selon Wikipedia, via le Stockholm International Peace Research Institute pour la période 2000-2010, nous avons le classement suivant pour la vente d'armes : Etats-Unis (30% du marché mondial d'exportation d'armement sur les 10 dernières années, Russie (26% du marché), Allemagne (8% du marché), France (7% du marché), Chine (4% du marché), Royaume-Uni (4% du marché), Italie (2% du marché), Israël (2% du marché), Suède (2% du marché), Ukraine (2% du marché), le reste du monde (13% du marché). Mais d'après les dernières évaluations des budgets de défense, publiées le 15 avril 2013 par le Stockholm International Peace Research Institute (Sipri), les dépenses militaires mondiales avaient atteint 1 753 milliards de dollars en 2012, soit une baisse de 0,5% depuis 2011. L'Institut international des études stratégiques, basé à Washington, a classé l'Algérie parmi les 10 pays au monde qui dépensent le plus sur la Défense, et se place ainsi, à la 8e place dans le classement, après l'Arabie Saoudite, le Sultanat d'Oman, Israël, le Yémen, les Etats-Unis et la Jordanie. Selon un autre rapport de Strategic Defence Intelligence (SDI), une plateforme de renseignement et de veille, consacrée à l'industrie de l'armement, l'Algérie est le 9e importateur d'armes dans le monde avec 46% du total des importations d'armes en Afrique, durant la période 2006-2010. Globalement, selon une étude du SIPRI, les dépenses militaires pour l'Algérie ont évolué ainsi : 3 152 millions de dollars en 2003, (3,3% du PB), 5 712 en 2009 (3,8% du PIB), 6 045 en 2010 (3,5% du PIB), 8 652 en 2011(4,4% du PIB), 9 104 en 2012( 4,5% du PIB) et 10,3 milliards de dollars US de dépenses militaires en 2013. A un cours de 79 dinars un dollar, le budget prévisionnel de fonctionnement contenu dans la loi de Finances 2015 est de 13,26 milliards de dollars pour le ministère de la défense nationale et 6,95 milliards de dollars pour le ministère de l'Intérieur y compris la DGSN, soit 32% du budget global s'expliquant en partie par l'insécurité régionale. Optimaliser la dépense militaire au sein d'une loi de programmation Il en ressort que l'Algérie est une puissance militaire régionale et un pays incontournable dans la problématique de la sécurité au niveau du Sahel et d'une manière générale, un acteur important dans le contexte de la sécurité internationale en raison de son emplacement stratégique comme point de transit d'Afrique du Nord vers l'Europe, et explique l'accroissement des dépenses militaires. Les principaux moteurs de l'évolution du marché algérien de l'armement, de ces dernières années, sont la lutte contre le terrorisme et de contre-insurrection et le besoin urgent de moderniser les équipements de défense, dont on ne doit pas oublier la récente attaque terroriste du complexe gazier d'In Amenas, qui a contraint l'Etat algérien à des coûts additionnels en matière de sécurité. Cet accroissement de la dépense répond donc au souci de la professionnalisation autour des nouvelles technologies de ses effectifs en améliorant la formation, selon les standards internationaux, la base étant la ressource humaine à l'instar de toute activité. Un exemple, outre l'Académie de Cherchell, l'Ecole militaire polytechnique (EMP), située dans la commune de Bordj El-Bahri, à une vingtaine de kilomètres à l'est d'Alger, est un pôle d'excellence en matière des quatre disciplines scientifiques, qui y sont enseignées et dans lesquelles des élèves en post-graduation mènent des travaux de recherche à la pointe de la technologie. Il est entendu que rentre dans ces dépenses, surtout le remplacement de la plupart du matériel militaire obsolète pour l'acquisition de nouveaux équipements pour l'armée de terre, la marine et les forces aériennes, sans compter des dépenses pour l'adaptation du renseignement aux nouvelles mutations tant internes que mondiales de ses forces de sécurité, et de penser d'ores et déjà la cybercriminalité enjeu du XXe siècle. Cela est posé pour tout le reste de l'économie bien que le risque des cyber-attaques en Algérie est actuellement minime car les services électroniques sont à l'état primaire (e-commerce, e-santé et e-administration) et les entreprises algériennes fonctionnent sur des modes de gestion désuètes n'étant pas orientées vers les transactions et services électroniques. Cependant, il faut aller impérativement vers une minimisation des coûts des dépenses militaires. L'analyse par le professeur en stratégie à Harvard Michael Porter des «cinq forces», qui déterminent la structure concurrentielle d'une industrie de biens ou de services, (le pouvoir de négociation des clients, le pouvoir de négociation des fournisseurs, la menace des produits ou services de substitution, la menace d'entrants potentiels sur le marché et l'intensité de la rivalité entre les concurrents), fait apparaître un faible pouvoir de négociation du fournisseur et un fort pouvoir de négociation du client, alors que les barrières d'entrées sur le marché algérien tant des entreprises économiques que de l'armement sont élevées. Devant distinguer stratégie et tactiques pour paraphraser le langage militaire, ces actions doivent s'inscrire dans le cadre d'une organisation institutionnelle future en réseaux pour plus d'efficience, permise grâce aux nouvelles technologies. Aussi, ces dépenses, même nécessaires, doivent être ciblées, devant distinguer le court et le moyen terme, optimalisées en termes d'efficience s'insérant dans le cadre d'une loi de programmation militaire sur cinq ans (y compris pour la DGSN). Mais l'objectif est de ne pas réduire l'affectation des ressources financières à des fins de développement, et ce, autour de segments, facteur de croissance durable. Dans ce cadre, l'industrie militaire à l'instar de ce qui se passe dans la majorité des pays développés peuvent contribuer au développement global. Des actions sont déjà lancées comme les projets de l'industrie mécanique lancés par l'Armée nationale populaire (ANP) en partenariat avec le géant allemand Daimler devant produire les premiers camions et bus Mercedes-Benz de l'usine de Rouiba, le véhicule blindé «Nimr» pour le transport des troupes qui sera construit en Algérie, entre le Groupement pour la Promotion de l'Industrie Mécanique (GPIM) du ministère de la Défense et le groupe émirati Tawazun, dont on devra veiller à un taux d'intégration minimum 50%, n'existant nul part dans le monde un taux d'intégration de 100%. Ces actions connues sous le nom «complexe militaro-industriel» ont dynamisé par le passé, l'économie sud-coréenne et dynamise actuellement les firmes aux Etats-Unis et de nombreux pays développés ou émergents mais rentrant dans le cadre des normes de rentabilité commerciale. Aussi l'objectif est de réduire cette importante dépense et donc la facture d'importation grâce à des co-partenariats internes ou des co-localisations, une balance devises positive et un transfert technologique et managérial revoyant toujours à la ressource humaine, bon nombre de PMI-PME facteur de valeur ajoutée et de création d'emplois pouvant être créés. Selon un responsable militaire s'exprimant en marge de la deuxième édition de l'exposition, «Mémoire et Réalisations», organisée par le ministère de la Défense nationale (propos rapporté par l'agence officielle APS du 5 juillet 2013), l'industrie militaire algérienne pourrait, dans un avenir proche, se substituer à l'importation. Conclusion : refonte des relations internationales et profonde moralité des dirigeants du Tiers Monde La lutte contre le terrorisme implique de mettre fin à cette inégalité tant planétaire qu'au sein des Etats où une minorité s'accapare une fraction croissante du revenu national enfantant la misère et donc le terrorisme, renvoyant à la moralité de ceux qui dirigent la Cité. Car, le tout sécuritaire pour le sécuritaire a des limites. Cela implique de s'attaquer à l'essence (un co-développement) et non aux apparences comme le montre une étude du Forum économique mondial -WEF- du 14 novembre 2013. Le fossé entre les riches et les pauvres devient de plus en plus grand et tandis que l'écart des revenus renforce les inégalités en matière de richesse, l'éducation, la santé et la mobilité sociale sont toutes menacées. L'étude met en garde contre les conséquences pernicieuses du chômage : «Une génération qui commence sa carrière dans un désespoir complet sera plus enclin aux politiques populistes alors que l'ampleur de la récession mondiale et le rythme du rétablissement ont laissé des cicatrices profondes, spécialement parmi la jeunesse». Le rapport considère «qu'il y a maintenant un consensus croissant, selon lequel la région (Mena, Proche-Orient et Afrique du Nord) est à l'orée d'une période d'incertitude croissance, aux racines ancrées dans la polarisation de la société. Aussi l'efficacité de toute Armée en tant qu'institution globale devra s'insérer dans le cadre de ce processus stratégique irréversible. Face à un monde en perpétuel mouvement, tant en matière de politique étrangère, économique que de défense, actions liées, avec les derniers événements au Sahel, aux frontières de l'Algérie, se posent l'urgence des stratégies d'adaptation et d'une coordination, internationale et régionale afin d'agir efficacement sur les événements majeurs. Ces nouveaux défis pour l'Algérie, sous segment du continent Afrique, dépassent en importance et en ampleur les défis que l'Algérie a eu à relever jusqu'à présent. (Suite et fin)