L'exploitation, la manipulation et le gonflement démesuré d'un phénomène relativement modeste et limité au départ, pour en faire une gigantesque menace universelle contre laquelle il faut réagir en priorité, voilà ce qui caractérise le terrorisme d'aujourd'hui. Mais bien avant que ce fléau n'occupe le devant de la scène, les méthodes utilisées pour le créer et le «combattre» étaient déjà courantes dans les prétendues guerres menées un peu partout dans le monde contre la drogue et le crime organisé. A propos du rôle des grandes puissances - des Etats-Unis en particulier - dans le déferlement de la drogue,cf. l'analyse de Robert Delanne («Les origines et les enjeux de la prohibition des drogues»). Alors que jusque dans les années 1960, la consommation de drogue, dans les pays occidentaux, était un luxe réservé aux classes aisées (les pauvres «se droguaient» à l'alcool), une formidable explosion accompagnée d'une «démocratisation» a depuis lors secoué le monde. Au cours des cinquante dernières années, les services américains ont joué un rôle capital dans la naissance et le développement de ce cataclysme. Tandis que dans les pays producteurs (Asie du Sud-Est, Asie centrale, Amérique du Sud), le trafic encouragé, stimulé ou organisé par la CIA (comme le rappelle le journaliste Romain Migus, «le plus grand producteur de cocaïne, en 2007, est la Colombie avec 62% de la production mondiale, le plus grand producteur d'opium au monde est l'Afghanistan, qui concentre 92% de la production. Ces deux pays comptent sur une présence massive de l'armée des Etats-Unis sur leur territoire»). Il est bien évident que l'US Army a pour rôle de protéger les producteurs et les gros trafiquants de drogue et de permettre aux services américains (CIA, DEA) d'accomplir leur sale besogne. Elle permettait et permet encore le financement occulte de la subversion locale, dans les ghettos de l'Occident, les drogues dures ne tuaient pas seulement les consommateurs, elles tuaient aussi dans l'œuf toute tentative de contestation politique. On faisait de la sorte d'une pierre deux coups (dans les années 1970, les autorités ont ainsi pu détruire le mouvement noir des Black Panthers et l'American Indian Movement des Amérindiens). Dans son article «L'opium afghan, la CIA et l'administration Karzai», Peter Dale Scott nous explique qu'«il ne sert à rien de se lamenter sur le développement de la culture des drogues en Afghanistan et sur l'épidémie d'héroïne en mondiale. Il faut tirer des conclusions des faits établis : les taliban avaient éradiqué le pavot, l'Otan en a favorisé la culture ; l'argent des drogues a corrompu le gouvernement Karzai, mais il est surtout aux Etats-Unis où il a corrompu les institutions. La solution n'est donc pas à Kaboul, mais à Washington». En 2009-2010, l'US Bureau of Alcohol, Tobacco, Firearms and Explosives (ATF) avoue avoir procuré des armes au cartel mexicain de la drogue dans le cadre de l'opération «Fast and Furious» (du nom d'un film de Rob Cohen de 2001). C'était, paraît-il, pour la bonne cause, afin de piéger les trafiquants. Ben voyons... Quand on sait que la violence liée au trafic a coûté la vie à 30 000 personnes rien que de 2006 à 2010, l'action de l'ATF prend un aspect tout particulier. (A suivre)