Il était l'un des grands maîtres de l'andalou. Ahmed Serri a voué à son art plus d'un demi siècle de son existence. Sid-Ahmed Serri n'est plus. Le chantre nous a quitté dimanche à l'âge de 89 ans, laissant derrière lui un héritage fabuleux. Né le 2 novembre 1926 à la Casbah d'Alger au sein d'une famille de mélomanes, le jeune Sid Ahmed s'est, dès le jeune âge, intéressé à la musique andalouse, un art séculaire, porté par de grands maîtres dans tout le Maghreb, jusqu'en Andalousie. C'est à la psalmodie du Coran et à l'interprétation des chants religieux et de qçaid qu'il est d'abord initié, à l'occasion de cérémonies organisées à l'occasion du Mawlid Ennabaoui Echarif, aux mausolées de Sidi Abderrahmane Ethaalibi à la Casbah et de Sidi M'hamed à Belcourt. Doté d'une voix mélodieuse et d'un talent inné pour l'interprétation, le jeune garçon marquera ses différents auditoires. C'est donc, tout logiquement, qu'il sera inscrit dans une association de musique classique, en l'occurrence El Djazaïria, pour y recevoir auprès du grand maître Abderrezak Fakhardji, une solide formation dans la musique andalouse. Très vite, le Sid Ahmed Serri émergera du lot, devenant l'une des coqueluches de l'association. Outre le chant pour lequel il était passionné, Serri poursuit en parallèle une formation académique, entre 1946-1947, au Conservatoire d'Alger, sous la direction d'un autre cheikh, Mohamed Fakhardji. Un an plus tard, il fait son entrée à la radio où il intègre la troupe "El Sanaa". Le large public découvre alors un artiste très doué, promis à un brillant avenir musical. Au début des années 1980, et en plus de l'interprétation, la composition et la formation de jeunes talents, Sid Ahmed Serri active au sein de l'Association algérienne El-Moussilia, en organisant plusieurs soirées, sous le slogan "Le printemps de la musique algérienne". D'abord reconnu par ses pairs pour son apport considérable à la musique andalouse et les multiples efforts déployés pour la préservation de cet art noble, Sid Ahmed Serri est décoré en 1990 de la médaille de l'Ordre du Mérite National, devenant ainsi le premier artiste lyrique à recevoir cette distinction. En 2000, il offre à son public un coffret de CD dans le style "aroubi" ainsi qu'un recueil de noubate Andalouses, rassemblées dans près de 45 CD. Un travail fastidieux qui servira de mémoire et de repère pour les générations de mélomanes futures. Soucieux de préserver cet héritage musical andalou pour le préserver de l'aliénation du temps et de la mémoire, Serri a formé de nombreux artistes dont Zerrouk Mokdad et Zakia Kara Terki. Ils sont aujourd'hui, les dignes héritiers de son legs musical. Accompagné à sa dernière demeure par une foule nombreuses d'artistes, d'amis et d'admirateurs, Sid Ahmed Serri repose désormais au cimetière de Sidi Yahia, à Alger. Le parcours artistique de Sid-Ahmed Serri unanimement salué Plusieurs artistes interprètes et musiciens, versés dans la musique andalouse ainsi que le ministre de la Culture ont tenu à rendre hommage à cette figure emblématique de la scène artistique et culturelle algérienne. Le ministre de la Culture, Azzedine Mihoubi, a écrit dans un message de condoléances que l'Algérie et la famille artistique avaient perdu "un grand nom de la culture, un doyen et un repère" qui aura laissé derrière lui un riche patrimoine, devenu une "référence de la musique andalouse". De leur côté, des présidents ou membres d'associations, amis ou anciens élèves du défunt ont mis l'accent sur la "passion" que vouait l'artiste à la musique andalouse ainsi que son "travail de formation et de transmission" entrepris en 1952, année de son passage au statut d'enseignant. Brahim Bahloul, président de l'association El Djazira, parle d'un homme de "foi et de conviction" qui a consacré sa vie à la chanson andalouse, alors que Youcef Oueznadji, à la tête des "Rossignols d'Alger", évoque le dévouement du formateur à ses élèves. Le président de l'association Nassim Essabah de Cherchell, Mustapha Belanguer, rappelle de son côté le travail de préservation entrepris par le défunt à travers son ouvrage "Recueil des poèmes des noubate de la musique Sanâa", édité en 1997 par l'Entreprise Nationale des Arts Graphiques (ENAG), avant d'être complété et réédité en 2002 puis en 2006. C'est également le cas du chanteur andalou Noureddine Saoudi qui parle d'un "jour triste pour la culture algérienne" tout en saluant la "rigueur professionnelle" de l'artiste et formateur qui s' était investi dans un travail de transmission auquel il tenait par-dessus tout. Le président du Conseil national des arts et des lettres (Cnal), Abdelkader Bendamache pleure quant à lui la disparition de l' "un des pionniers de la musique andalouse" qui aura légué "un riche patrimoine" à la culture algérienne. Le président du Cnal, ami du défunt, qualifie le chanteur et professeur de musique andalouse Sid Ahmed Serri d' "artiste généreux", et considère que ses oeuvres, toutes enregistrées, constituent "un legs inestimable au patrimoine musical algérien".