Attendue avec une impatience teintée d'appréhension dès son annonce fin 2013 par l'Organisation arabe pour l'éducation, la culture et les sciences (Alesco), la manifestation «Constantine, capitale de la culture arabe» constitue un pari réussi, ne serait-ce que parce que l'événement a marqué d'une empreinte indélébile l'année qui s'achève. Au milieu des tensions liées aux préparatifs d'un événement aussi important, engageant le prestige de l'Algérie, de la fébrilité qui a présidé aux aménagements de dernière minute, entre les critiques des uns et les encouragements des autres, des réalisations imposantes ont été concrétisées, des édifices vétustes réhabilités et la cité a été élégamment relookée, même si certains projets retenus sont restés, comme le pont de Sidi M'cid, «suspendus». Quand le ruban de «Constantine, capitale 2015 de la culture arabe» fut coupé au soir du 15 avril 2015 donnant lieu à une parade scintillante, la cité a brillé de mille feux sous les yeux émerveillés de milliers de Constantinois et d'invités de tous horizons. «L'événement est là, il sera très beau», avait aussitôt déclaré à la presse le commissaire de la manifestation, Sami Bencheikh El Hocine. Depuis, et malgré quelques couacs inévitables au regard de l'immensité de la tâche dévolue aux organisateurs, la fête continue et la capitale de la Numidie, chaleureuse et accueillante, en parfaite ambassadrice de l'Algérie, célèbre la créativité, l'art et l'histoire et se fait le reflet du brassage culturel des peuples. Les nouveaux acquis infrastructurels, une vraie valeur ajoutée Le 16 avril 2015, les Constantinois, comme tous les Algériens, ont découvert la salle de spectacle de 3 000 places, baptisée Ahmed-Bey. Première du genre en Algérie, la salle, construite près de la cité Zouaghi, sur les hauteurs de Constantine, a étrenné son existence en abritant la grande fresque artistique, «La grande épopée de Constantine», signée Ali Aïssaoui, sous les yeux admiratifs des hôtes de marque de la ville et de millions de téléspectateurs. L'édifice séduit au premier coup d'œil par ses lignes élégantes et sa façade entièrement vitrée. Ses multiples espaces, ses galeries d'exposition et ses annexes ont abrité, depuis, des dizaines et des dizaines de manifestations culturelles qui ont régalé le public. Le Festival international de jazz, Dimajazz, d'habitude confiné dans le minuscule théâtre de la ville, a pris, par exemple, une autre dimension, à la grande satisfaction aussi bien du public, des organisateurs que des artistes eux-mêmes. La ville qui s'est parée de ses plus beaux atours pour recevoir ses hôtes, s'est aussi dotée d'une maison Malek-Haddad et d'un palais de la culture Mohamed-Laïd Al Khalifa «new-look». Entièrement «repensées», avec des façades «revues et corrigées», des espaces aérés et confortables, les deux infrastructures offrent aujourd'hui des ateliers, des salles de conférences et des halls d'exposition permettant la tenue, dans les meilleures conditions, de diverses activités culturelles. Au cours de l'année 2015, les Constantinois ont été agréablement surpris de découvrir que le petit théâtre régional, véritable œuvre art en pierre appareillée, inspirée du style classique du XIXe siècle, a pris un «coup de jeune» avec un système de climatisation performant, une sonorisation moderne et un éclairage digne du 4e art. L'année 2015 a également vu l'ouverture d'un hôtel de haut standing de la chaîne internationale Marriott, venue, avec ses centaines de chambres, sa vingtaine de suites, ses salles de conférences, ses restaurants gastronomiques, ses piscines et ses aires de détente, résorber un cruel déficit en infrastructures d'accueil. De surprise en surprise, les Constantinois se sont délectés de la régénération et de la revitalisation du centre de leur ville. Avec l' aménagement d'aires de détente et de loisirs, la réfection de l'éclairage public, l'embellissement des commerces ou encore la mise en place d'un mobilier urbain relooké, le cœur de l'antique Cirta est aujourd'hui, d'un avis largement partagé, plus attractif, dégageant beaucoup de fraîcheur. «Ce qui a été réalisé à Constantine est colossal. L'événement a permis non seulement de valoriser l'architecture de la cité mais a aussi énormément contribué à la projeter dans le futur, même si des critiques au sujet des travaux n'ont jamais cessé de fuser d'ici et de là», souligne Bencheikh El Hocine. Constantine 2015, un «bouillon de culture» sans pareil Le programme d'activités culturelles concocté par les dix départements du commissariat «Constantine, capitale 2015 de la culture arabe», a donné lieu à un véritable «bouillon de culture». La cité bimillénaire, chaleureuse et heureuse d'accueillir des dizaines et des dizaines de troupes musicales, de stars de la chanson arabe et universelle, a chanté la vie, l'amour, la nostalgie, l'espoir et les choses de la vie, en arabe, en tamazight, en français, en anglais et dans toutes les langues du monde. Les Constantinois ont dansé la joie de vivre et célébré la créativité artistique dans toute sa dimension et dans toutes ses formes d'expression. Les planches du théâtre ont vibré grâce à des voyages exceptionnels au fin fond de l'histoire et célébré le talent de troupes théâtrales venues de plusieurs régions du pays. Le public qui a pris part aux colloques et autres rencontres internationales proposés dans le cadre de cette manifestation culturelle, ont suivi avec le plus grand intérêt des thèmes de réflexion inédits, en présence d'universitaires, de chercheurs, d'anthropologues et d'historiens. Les Constantinois présents à ces rencontres ont découvert, entre autres, les jeux traditionnels dans les sociétés, leur fonction sociale et leur apport dans la culture populaire, les massacres coloniaux, ceux notamment du 8 mai 1945 à Sétif, Guelma et Kherrata. Ils ont également suivi l'histoire du nationalisme algérien et découvert (ou redécouvert) les figures emblématiques qui ont marqué de leur engagement patriotique, de leur génie ou de leurs faits d'armes, le cheminement aussi tumultueux qu'héroïque de leur pays entre 1830 et 1962. Personne ne devrait oublier que la ville du Vieux Rocher a accueilli avec enthousiasme et émotion une semaine culturelle palestinienne qui a mis en relief le combat d'un peuple opprimé qui a lutté, qui lutte encore et qui continuera de lutter pour vivre dans un pays libre, souverain avec El-Qods pour capitale. Les Constantinois ont longuement applaudi, aussi, l'acharnement du peuple irakien qui aspire à la vie en dépit des difficultés, ainsi que les patrimoines culturels de l'Arabie Saoudite, du Koweït, de l'Egypte, du Maroc, de la Tunisie, de l'Iran, du Sultanat d'Oman et de tant d'autres pays arabes. Dans l'ambiance euphorique qui a enveloppé la ville et ses habitants durant l'année 2015, des moments magiques, tout en ravissement, ont été vécus grâce aux chefs-d'œuvre classiques magistralement interprétés par des orchestres parmi les plus distingués dans le monde de la musique. En cette fin du mois de décembre, Constantine savoure encore «sa fête» et accueille, avec la même exaltation, une belle exposition sur la ville de Rome et «guette» les semaines culturelles de plusieurs wilayas, des festivals de cinéma, de théâtre et de nombreuses autres activités. Cette grande manifestation, la plus importante qu'ait connue la ville des ponts, n'a plus que quelques mois à vivre, mais l'aura qu'elle a dégagée, le foisonnement culturel qu'elle a impulsé et le statut de digne héritière de Massinissa et de l'imam Benbadis dont elle a été investie survivront. Pour toujours. Contre vents et marées.