Dans les médias, on présente souvent les sunnites comme les «modérés» parce que «officiels» et «majoritaires» (80%) et les chiites comme les «fanatiques», car minoritaires «hérétiques» (15% à 20%). Partout où ils sont minoritaires, les chiites sont détestés, brimés ou même cibles régulières d'attaques de la part de groupes sunnites : au Pakistan, en Afghanistan, en Irak, au Koweït, en Arabie Saoudite ou en Irak, où la guerre sunnites-chiites bat son plein depuis la chute du pouvoir de Saddam. Lutte chiites-sunnites et nouvelle guerre froide entre l'Ouest et le reste du point de vue stratégique, l'axe chiite pro-iranien est soutenu surtout par la Chine, la Russie et les pays ennemis de l'Otan ou anti-américains, comme les leaders «bolivaristes» d'Amérique latine proches de Hugo Chavez ou de Cuba. Par opposition et dans une logique de «nouvelle guerre froide», l'Occident soutient globalement l'axe sunnite islamiste, face à la Syrie et à ses alliés iranien et hezbollahis, exception faite de l'Irak, où les Etats-Unis ont peut-être finalement bien fait de jouer la carte des chiites et des Kurdes... Mais cette haine entre pays du Golfe sunnites et minorités chiites accusées d'être proches de l'Iran n'est pas uniquement stratégique. Grand allié de l'Arabie Saoudite et des Etats-Unis, puis co-parrain des taliban et des mouvements islamistes qui ont contribué à l'expansion du salafisme depuis la guerre froide, le Pakistan persécute autant les chiites que les chrétiens ou les hindouistes, assimilés à des «associateurs» (muchrikoun) infidèles. Les régimes sunnites du Golfe (Arabie Saoudite, Koweït, Qatar et Emirats en tête), qui avaient fourni armes et soldats à Bahreïn pour réprimer l'opposition démocratique, redoutent la «menace chiite iranienne», surtout depuis l'intervention occidentale en Irak en 2003, qui a permis à la majorité chiite en Irak d'accéder au pouvoir après la longue domination sunnite du régime de Saddam Hussein, qui était alors un «rempart» contre l'Iran. Cette phobie de «l'arc chiite» est partagée par d'autres Etats arabes, comme la Jordanie ou l'Egypte, bastion des Frères musulmans (sunnites), où les conversions au chiisme inquiètent. Cela dit, le Phénix de la guerre froide semble renaître de ses cendres.