La Turquie se targuait, début mars, de vouloir acheter des systèmes antiaériens S-400 à la Russie, présentée alors comme un partenaire au moins aussi stratégique à ses yeux que l'Union européenne et l'OTAN. L'idylle s'est considérablement refroidie depuis que des troupes russes ont débarqué, lundi 20 mars, dans la province d'Afrine, dans le nord-ouest de la Syrie. Attenant à la frontière turque, ce territoire est tenu par les milices kurdes syriennes YPG (Unités de protection du peuple), le bras armé du Parti de l'union démocratique (PYD), autant d'organisations qualifiées de «terroristes» par Ankara. La relation s'est franchement gâtée lorsqu'un garde-frontière turc a été tué dans la région turque du Hatay, à la suite de tirs en provenance d'Afrine, mercredi 22 mars. Dans la foulée, le chargé d'affaires russe à Ankara a été mis en garde : si semblable incident devait se reproduire, la Turquie n'hésiterait pas à bombarder les positions kurdes du nord de la Syrie. Officiellement, Moscou a placé ses soldats à Afrine pour mieux « surveiller » l'accord de cessez-le-feu parrainé en décembre 2016 avec la Turquie. Les YPG, pour leur part, assurent qu'une base militaire russe verra le jour et que les combattants kurdes y seront entraînés. « Nous sommes peinés » La présence militaire russe à Afrine est un véritable coup de poignard dans le dos du président turc Recep Tayyip Erdogan, qui n'a pas été averti par son « ami » Vladimir Poutine. Que Moscou se pose en défenseur des YPG et du PYD, des organisations frères du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK, interdit en Turquie), est un sérieux revers. « Nous sommes peinés de l'intérêt manifesté par la Russie et les Etats-Unis envers l'organisation terroriste YPG », a déploré le président Erdogan, jeudi 23 mars. Une réaction tout en retenue si on la compare au torrent d'invectives déversé sur les alliés européens, les dirigeants d'Allemagne et des Pays-Bas surtout, que M. Erdogan est allé jusqu'à qualifier de « suppôts du terrorisme » et de « nazis » pour avoir refusé que des ministres turcs fassent campagne en sa faveur à Rotterdam et à Cologne. Des prises de vue de soldats russes arborant à Afrine les insignes YPG sur leurs uniformes ont ensuite circulé sur les réseaux sociaux, suscitant l'émoi des internautes et les critiques des éditorialistes. Les Kurdes syriens progressent dans l'encerclement de Rakka A chaque bataille son fleuve, un barrage, et la crainte d'une catastrophe. En 2016, c'est celui de Mossoul, construit en travers des eaux du Tigre à 50 kilomètres au nord de la ville irakienne occupée par l'organisation Etat islamique (EI), qui suscitait l'inquiétude après la découverte de graves défauts structurels et de maintenance consécutifs à des années de guerre. Ces derniers jours, c'est l'ouvrage de Tabka, 50 kilomètres en amont de la ville syrienne de Rakka, sur l'Euphrate, qui est au centre de l'attention. Un raid aérien de la coalition internationale a mis hors service, dimanche 26 mars, l'installation qui le fait fonctionner, au risque d'entraîner une dangereuse montée des eaux. D'après le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l'ONU (OCHA), le niveau du fleuve est déjà monté de 10 mètres depuis fin janvier, notamment à cause de « fortes pluies ». L'annonce du bombardement de l'édifice a provoqué un début de panique dans la région de Rakka, selon des témoignages et des images diffusées par des opposants syriens à l'EI et au régime du président Bachar Al-Assad : des centaines d'habitants se sont éloignés précipitamment des berges du fleuve.