L'administration Trump privilégie le combat contre les djihadistes au débat sur le sort à réserver au dictateur syrien. Silence radio, pour l'instant, à Damas. Mais il ne fait aucun doute que le repositionnement américain sur la question du sort de Bachar Al-Assad a été accueilli comme une victoire dans les couloirs du pouvoir syrien. Jeudi 30 mars, dans deux interventions successives qui lèvent un coin de voile sur les intentions de l'administration Trump concernant le conflit syrien, le secrétaire d'Etat, Rex Tillerson, et l'ambassadrice aux Nations unies, Nikki Haley, se sont officiellement désengagés du débat sur le traitement à réserver au dictateur syrien. Que dit exactement l'administration Trump ? En visite en Turquie, M. Tillerson a tout d'abord assuré que « le sort du président Assad, à long terme, sera décidé par le peuple syrien ». Mme Haley a enfoncé le clou un peu plus tard, depuis New York, en déclarant qu'« il faut choisir ses batailles ». « Quand vous regardez la situation, il faut changer nos priorités, et notre priorité n'est plus de rester assis là, à nous concentrer pour faire partir Assad », a-t-elle ajouté. En d'autres termes : les Etats-Unis s'accommodent désormais officiellement d'un maintien au pouvoir du chef de l'Etat syrien – que Mme Haley s'est contentée de qualifier de « gênant », passant outre les dizaines de milliers de morts qui lui sont imputés. Washington se rallie au vocabulaire employé par la Russie, l'un des principaux alliés de M. Assad, décrypte Joseph Bahout, spécialiste du conflit syrien à la Fondation Carnegie. A tout le moins, la nouvelle équipe rompt avec le langage en vigueur jusqu'alors dans les sphères du pouvoir américain. En août 2011, cinq mois après le début du soulèvement syrien, qui était encore alors en grande partie pacifique et populaire, le président Barack Obama avait fait du départ du maître de Damas le préalable à la résolution de la crise. « Pour le bien du peuple syrien, il est temps que le président Assad s'en aille », avait-il affirmé. Mais la résilience inattendue du régime – favorisée par le refus de Washington de sanctionner militairement l'utilisation d'armes chimiques contre les banlieues rebelles de Damas, en août 2013 – a entraîné un glissement progressif de la position américaine. La montée en puissance des formations islamistes, puis djihadistes, au sein de l'insurrection anti-Assad, qui s'est militarisée à partir de l'automne 2011, a aussi contribué à cette évolution. L'administration américaine a d'abord estimé que la brutalité employée par ses forces empêchait M. Assad d'incarner une solution politique d'avenir pour la Syrie, jugeant ainsi son départ inéluctable à terme. Elle a campé sur cette conviction en dépit des interventions iranienne, puis russe, à l'automne 2015, qui ont progressivement raffermi le régime. Puis, en septembre 2015, les Etats-Unis ont apporté une inflexion à leur position. Le chef de la diplomatie, John Kerry, a indiqué que M. Assad devrait partir mais que le calendrier de son départ devrait être décidé par la négociation. Lors de son avant-dernière conférence de presse, en décembre 2016, quelques jours avant la chute de la partie orientale d'Alep, Barack Obama a assuré que Bachar Al-Assad « ne pourra pas gagner sa légitimité à coups de massacres ». Cette condamnation morale a disparu des éléments de langage de la nouvelle équipe en place à Washington.