La préparation bat son plein, les indications pour plus d'efficacité se font en anglais, l'exposition se monte aussi délicatement que le fil de pêche qui tient les photos sur les cimaises de l'Espace Sofitel. Nous sommes à la veille du vernissage d'une exposition de photos assez sympathique. Il s'agit pour nous de découvrir ou de redécouvrir le regard des deux plasticiennes et photographes Allmuth Bourenane, et Chafia Loudjici qui viennent enfin montrer leurs instantanés après de longues déambulations artistiques dans les arcatures de la ville blanche. Elles sont, en fait, les deux «survivantes » d'un groupe plus nombreux qui avait fait un travail collectif de prises de vues, nous en avons vu plusieurs, il n'en reste plus que deux, comme l'aurait dit Jacques Brel, un autre poète du cru aurait dit : « Il vaut mieux avoir dans la main une poignée d'abeilles, qu'un couffin empli de mouches... ». Cette poignée d'abeilles est composée de deux dames au talent évident, accroché sur les cimaises du grand hôtel qui offre au public un très bel espace avec toute la disponibilité du personnel environnant. Des indices subtils d'un retour aux belles initiatives déjà entamées par cet établissement en 1996. Nous avons affaire donc ces-jours-ci depuis exactement le vendredi 20 mai 2017 et pour un mois encore, à une dualité d'expression, tout en photos. Ce qui marque de prime abord, c'est le mix entre les deux complices, elles présentent un travail qui s'entremêle pour proposer ensemble un travail réalisé dans les rues d'Alger. Au menu des travaux d'une grande qualité, là où Allmuth Bourenane, infatigable photographe nous a toujours laissé l'image d'une femme disponible, affable à l'humour déconcertant qui raconte ses « aventures » picaresques quand elle récolte des noyaux de dattes, d'olives ou d'abricots pour en faire des œuvres étranges qui laissent aussi place à des tableaux inédits faits de tissus et d'éléments récupérés comme le bois flotté. Elle se fait plus sobre quand elle présente 21 planches de photos aux noirs et blancs apparents qui laissent une grande part de nuances de gris (que le lecteur soit rassuré, il n'y en a pas cinquante...) dédiées à cet Alger si paradoxal quand on l'observe à travers l'œil de la photographe qui ne fait pas ici de fioritures ni d'effets de style au zèle que l'on connait chez beaucoup d'autres. On ressent alors qu'Allmuth prend ses photos comme si elle regardait tout simplement cette ville dans sa dimension humaine. Beaucoup d'architecture, l'objectif levé vers le ciel, ce qui donne des perspectives au parti-pris qui tranche avec le travail artistique habituel de la photographe plus libérée quand elle n'est pas sujette au traitement de cette ville si chantée qui se révèle sous un autre jour, sous une autre lumière dans son regard subtil. Nous partons donc sur les pistes de ses photos dans un très beau voyage ou l'architecture, les prises de vues originales prennent toutes leur valeur dans son exposition. Sa complice d'une exhibition exclusive Chafia Loudjici, reste aussi dans les ombres et les lumières qu'elle décline dans une couleur naturelle qui part sonder ses inspirations au sein de la Casbah qu'elle déclare adorer sans limites. Dans des compositions originales qui délaissent la symétrie pour mettre du rythme dans ses accrochages, Chafia, petit bout de femme au regard lancinant, met de la douceur dans la force de ses sujets aux couleurs lumineuses à plus d'un titre, les prises de vues laissent intact la force des images, dans des scènes prises sur le vif, qui fixent pour l'éternité des scènes du quotidien, des marches forcées pour escalader les degrés de l'ancienne Bahdja, essayer de livrer les secrètes ombres et lumières des « Sabat » séculaires qui laissent sur d'autres photos le visage, d'un garçon, d'une femme ou d'une vieil homme nous dire les non-dits. Sur des scènes aux couleurs déconcertantes, on semble voyager vers Naples ou vers quelques ruelles de l'ancienne Malte, la Casbah, une ville Méditerranéenne, Chafia nous « l'affirme » savamment dans ses photos. Elle laisse les sfumatos rouges brique, ses « dessins » du temps sur les murs nous conter les arcanes diffus qui parlent comme l'aurait dit Ernest Pignon Ernest de la « peau des murs », juste pour lancer à plein feux dans le regard une très belle exposition. Le duo par sa complicité tranquille, sage et manifestement talentueuse nous présente une exposition de photos fondamentalement savoureuse, un plaisir à ne pas bouder. La visite vaut le coup d'œil. A noter aussi sur place une très belle monstration de portraits africains, issus d'un voyage au Mali, réalisé par l'artiste Miya qui vaut le passage par les cimaises du lieu, très beau voyage aux touches multiples qui donnent à l'expression un peu pop art de la dite Miya toute l'étendue de son originalité. Exposition « El-Jazaïr, ombres et lumières » d'Allmuth Bourenane, Chafia Loudjici, du 20 mai 2017, en continuation pour un mois, à l'Espace Sofitel, entrée libre