Les montagnes ont parlé, elles ont dit ce qu'il y avait à dire. Elles ont protégé les invités, et participé à la fête. Les vieilles étaient de sortie et les vieux avaient souris. La Kabylie s'est habillée de sa plus belle nature, les montagnes se sont réjouies de ces artistes, baladins, marionnettistes ou conteurs, venus de Tchéquie, de France, du Congo et de beaucoup, beaucoup d'autres contrées pour chanter, photographier, exposer, échanger, se voir, se parler, se connaître. On avait prévu quelque 350 artistes divers, ils seront plus de 400 invités de fait, accueillis on ne sait comment par l'habitant, et bien plus que le double du 24 au 31 juillet 2017, pour une célébration de la culture alternative et de l'économie solidaire dans l'optique citoyenne la plus efficace. Ici, les débats hallucinants Haddad, Saïd, Tebboune, et consorts n'a pas de mise, ici, la vraie Algérie s'est réalisée, spontanément, par la grâce citoyenne... dans l'essentiel des choses sous le titre générique, « Akken abrid yiwen ur tittetu », pour que nul n'oublie le chemin. Le festival signe ses 14 ans d'existence dans le fin-fond de montagnes anonymes et de venelles tortueuses qui, en l'espace de quelques jours, sont livrées au monde à travers les arts, la citoyenneté et les échanges les plus inattendus. Bien-sûr il y a les fidèles, toujours au rendez-vous pour amener la culture, là où elle a des difficultés à se frayer un chemin dans le tumulte des traditions abruptes et des cristallisations obligées. La fête s'insinue ainsi joyeusement jusqu'au fin-fond des ruelles les plus secrètes des villages les plus reculés. Il arrive parfois que le village soit rétif, la force abrupte des pensées à rebours prenant le pas sur le soucis d'ouvrir...13 aventures fabuleuses, quelques hommes, feu Salah Silem, l'hyperactif El Hacène Metref, Denis Martinez, figure tutélaire du point sur les montagnes et du signe tatoué sur les murs, Mebarek Menad, comédien de talent, acteur actif digne des plus belles poésies... et les autres, nombreux, incomptables, incalculables, tournoyant, virevoltant autour du noyau principal, entre manifestations spontanées de chants dans les rues, de contes dans les nuits blanches et de conférences sur l'écologie... Ils viennent chaque année de toutes les parties de l'Algérie et de nombreuses parties du monde égayer un village de Kabylie pour un festival culturel itinérant : « Raconte-Arts », un festival alternatif, catalysé par la Ligue des Arts Dramatiques et Cinématographiques de Tizi-Ouzou qui trouvera son escale annuelle sur les monts voisins d'Akbil, la commune fille du Djurdjura et tutrice des Ath-Ouabane, à quelques coudées de la dive Tizi-Ouzou, plus précisément à quelques 72 kilomètres du chef-lieu, vers le sud-est, là, juste sous les appuis rocailleux du Djurdjura. L'équation est là, simple, évidente comme un nez sur un visage, ici la population est exemplaire, ouverte, disponible, elle veille à la sécurité des lieux, organise sa protection, construit un sanctuaire bannissant les véhicules indésirables, les identités sont vérifiées, l'accueil est fabuleux, même les au-revoir vous font promettre le retour, promis-juré, la prochaine randonnée familiale ici se fera !!! Tout le village est dédié à la déambulation nocturne si traditionnelle, aux ateliers de masques réalisés par les enfants et animés par le sémillant Ousmer, quand son épouse, elle, veille au grain magique des conférences et ateliers d'écriture, musique, poésie. Ici le théâtre de rue reprend ses droits, le conte se déverse telle une rivière ensorcelante dans de longues nuits scintillantes, les débats s'inscrivent dans toutes les pierres du village, expositions improvisées, visites impromptues, ventes de tee-shirts pour aider le club de Judo d'Akbil en difficulté, économie solidaire à tous les étages, débats sur la citoyenneté, la culture de paix, la non-violence et les principes du vivre-ensemble, le tout décliné dans l'ouverture à tous les coins de rue, d'échoppes villageoises qui offrent aux chalands de l'eau froide, du café, de la nourriture locale. Ici, le H'miss piquant, la galette du cru et les œufs font loi, là-bas de la glace pour tous les gourmets avides de froidure, un peu plus loin, de la viande grillée, sur une rôtisserie bien aménagée. Dans l'école du village des robes, foudha et bijoux trônent près d'exposants de bijoux et d'artistes locaux, et puis les randonnées, les rivières avoisinantes, un peu plus haut, juste pour tutoyer les cigales incandescentes et les cimes frissonnantes des arbres alanguis par une canicule spectaculaire. Qu'à cela ne tienne, ils seront tous de retour pour l'escale prochaine de Tiferdoud, le village le plus haut d'Algérie, qui regarde avec assurance les vénérables cimes de Lalla Khdidja et qui se pare déjà de ses plus beaux atours pour ouvrir ses venelles ahurissantes de beauté aux prochains tourbillons de « Raconte-Art » qui s'amusera encore une fois à résumer le monde, dans un village...de Kabylie.