«Au XXIe siècle, les batailles économiques en Algérie se remporteront grâce à la bonne gouvernance et la valorisation du savoir». Il n'y a pas de citoyens sans projet social et il n'y a pas de projet économique durable qui ne soit pas lié à un projet social. Il s'agit de restaurer à l'Etat sa vocation naturelle, le soumettre au principe d'efficacité conçu selon une démarche démocratique, la puissance publique dépendant trop des corporations rentières ce qui conduit à un éparpillement et un accroissement des dépenses de l'Etat qui ne sont pas proportionnelles à leur efficacité. D'où l'urgence du renouveau du service public et l'optimalisation de l'effet de la dépense publique en introduisant plus de rigueur budgétaire passant par des institutions crédibles renvoyant à une gouvernance centrale et locale rénovée passant par une réelle décentralisation. I-. La théorie des institutions des prix Nobel, à méditer pour l'Algérie 1.- Récemment, différents prix Nobel d'économie ont été attribués aux économistes qui ont développés leurs recherches sur les institutions par exemple les américano-britanniques dont Oliver Hart et finlandais Bengt Holmström pour leurs travaux sur la théorie des contrats, qui couvre un vaste champ d'applications, de la faillite au droit constitutionnel. En fait de 2000 à 2016, les prix Nobel de sciences économiques ont prolongé les travaux des institutionnalistes avec des portées opérationnelles. Je rappelle, comme consécration de la recherche du rôle fondamental des institutions, cœur de la dynamique économique des conditions du développement, qu'en octobre 2009, que le jury du prix Nobel en Sciences économiques de l'Académie Royale Suédoise des Sciences avait choisi le travail d'une femme – Elinor Ostrom pour «son analyse de la gouvernance économique, en particulier des biens communs» et d'Olivier Williamson pour son analyse de la gouvernance économique, en particulier des frontières de la firme. Cette analyse approfondit celle du fondateur de la Nouvelle Economie Institutionnelle, (NEI), ayant comme chef de file, Douglass North. Celui-ci a démontré que les institutions ont un rôle très important dans la société déterminant la structure fondamentale des échanges humains, qu'elles soient politiques, sociales ou économiques. Elles constituent un des facteurs déterminants de la croissance économique de long terme, le terme institution désignant «les règles formelles et informelles qui régissent les interactions humaines», et aussi comme «les règles du jeu» qui façonnent les comportements humains dans une société. D'où l'importance des institutions pour comprendre la coopération sociale, comment contrôler la coopération des différents agents économiques et faire respecter le contrat de coopération. Comme il est coûteux de coopérer sur le marché, il est souvent plus économique de coopérer au sein d'une organisation. C'est là l'apport fondamental de Ronald Coase et de Williamson qui permet de comprendre comment émerge le phénomène de la firme qui intègre une série d'activités de manière hiérarchique, économise les coûts de transactions par rapport au marché, tenant compte bien entendu des coûts d'organisation. Elinor Ostrom a fait progresser également la gouvernance environnementale dans le sens de plus de décentralisation. Cela comporte l'implication des acteurs locaux dans la mise en place de la règle, la reconnaissance de l'évolution des pratiques et des traditions, la méfiance à l'égard des solutions toutes faites imposées de l'extérieur par une réglementation autoritaire alors que la diversité institutionnelle est nécessaire pour comprendre la complexité de notre monde. 2.-Des auteurs comme Pierre Calame ont mis en relief que la crise de l'Etat ne connaît pas seulement une crise interne touchant à ses fonctions et à sa structure, mais concerne davantage la capacité de l'Etat à asseoir sa légitimité ainsi qu'à formuler des politiques publiques en phase avec les besoins socio-économiques. Les travaux de Aglietta et Boyer sur la régulation en France, bien que ne se réclamant pas du courant institutionnaliste, faisant la synthèse entre la théorie keynésienne et la théorie marxiste (ce retour en force des idées de Keynes et de Marx depuis l'avènement de la récente crise) vont dans ce sens, liant l'accumulation du capital, les ruptures du capitalisme à travers les institutions et la dynamique des forces sociales, contrairement aux théories du cycle (synthèse entre la théorie néo-classique et la théorie keynésienne). Comme suite logique de ces importantes découvertes théoriques, sur le plan opérationnel l'analyse des liens entre gouvernance et institutions a fait un grand progrès par la mise en relief de l'importance de la révolution dans le système des télécommunications (les nouvelles technologies dont Internet et Intranet) et l'intelligence économique mais avec des visions différentes. C'est que les mutations que connaît l'économie mondiale ont leur équivalent dans le domaine de l'information et de la communication. Elles ont une répercussion fondamentale sur la bonne gouvernance, sur l'urgence du renouveau du mode d'enseignement, sur tous les mécanismes de gestion tant centrale que locale des institutions et des entreprises. Passage de l'organisation hiérarchique dite militaire, puis à l'organisation divisionnelle, puis matricielle et, plus récemment à l'organisation en réseaux. Ces organisations cohabitent souvent dans un même espace mais avec la percée de nouvelles organisations classiques qui s'adaptent aux nouvelles mutations économiques du passage de l'ère de la matérialité du XXe siècle à celle de l'immatérialité du XXIe siècle. En effet, on observe aujourd'hui une métamorphose complète du paysage médiatique mondial qui est due principalement à la combinaison dynamique de deux facteurs : l'essor exceptionnel du capitalisme financier et la «révolution numérique» qui a donné aux technologies de l'information et de la communication un essor non moins exceptionnel. Ces nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC) changent donc profondément la vie au quotidien des citoyens, le fonctionnement des entreprises, de l'Etat. Tout cela entraîne de nouvelles représentations mentales et sociales. Cela est plus patent au niveau multimédia (TV, vidéo à la demande, GPS, musique...) sur les téléphones portables. Récemment sous l'impulsion de la révolution du nouveau système d'information, a été réalisée une synthèse des différentes approches introduisant le système d'intelligence stratégique politique reposant sur la décentralisation qui doit permettre, en principe, de combattre l'inefficacité de la gestion centralisée et de faciliter l'engagement citoyen dans le fonctionnement du pays dans une approche de recherche de l'optimalité. Cette approche combine le culturel dans sa dimension historique, l'anthropologie, le juridique, l'économique dans sa diversité macro-micro-, le politique et le technologue. Ces analyses ont été reprises par les instituions internationales et nationales notamment par la banque mondiale recommandant une gestion du secteur public plus efficace et transparente, de nouveaux programmes visant à restaurer l'Etat de droit, à rendre les dirigeants politiques responsables, à équilibrer les dépenses publiques, à améliorer les méthodes de comptabilité et de vérification des comptes et à décentraliser les services publics où a été posée cette question : la bonne gouvernance est-elle une conséquence de la pratique de la démocratie et l'Etat de droit ou sa cause ? Autrement dit, la liberté, la démocratie et l'Etat de droit, pris comme option politique peuvent-elles engendrer la bonne gouvernance, c'est-à-dire la bonne gestion des affaires publiques ? Car il serait erroné d'affirmer que la bonne gouvernance serait l'assimilation à la quantification de la croissance du PIB / PNB, le concept de l'indice du développement humain IRH du PNUD étant plus pertinent. La décentralisation s'inscrit en droite ligne de l'application de ces théories en mettant en relief les liens dialectiques des missions Etat-marché. II.- Etat de Droit et bonne gouvernance 1.- Du point de vue historique, le concept de bonne gouvernance a évolué et il est apparu depuis que le monde est monde. Il a été évoqué par Aristote, mais a été formalisé il y a plus d'un demi-siècle chez les économistes américains, dont Ronald Coase, en 1937 pour les entreprises à travers sa théorie du contrat. La version actualisée de l'année 2009 des indicateurs de gouvernance dans le monde, établie par des chercheurs de la Banque mondiale, montre que les progrès sont en rapport avec les réformes dans les pays où les dirigeants politiques, les décideurs, la société civile et le secteur privé considèrent la bonne gouvernance et la lutte contre la corruption comme des facteurs indispensables à une croissance durable et partagée. Mais en dépit des acquis en matière de gouvernance dans certains pays, d'autres, en nombre égal, ont vu leurs performances se dégrader sur plusieurs aspects de la gouvernance. D'autres, plus nombreux encore, n'ont montré aucun changement significatif au cours de ces dernières années. Les Indicateurs donnent à penser que là où des réformes sont engagées, la gouvernance peut être améliorée rapidement. Ainsi par exemple, en Afrique existe des liens dialectiques entre extension de la bureaucratie, extension de la sphère informelle et corruption. Cela n'est pas propre à l'Afrique puisque les dizaines voire les centaines de milliards de dollars chaque année, de trafics d'armes, de prostitution ou la drogue relèvent de réseaux informels au niveau mondial. Ainsi selon les rapports de Transparenty International les entreprises, des petits entrepreneurs d'Afrique aux multinationales d'Europe et d'Amérique du nord, la corruption augmente les coûts des projets d'au moins 10 % où au final, c'est le citoyen qui en fait les frais. Aussi convent-il de distinguer la gouvernance politique de la gouvernance d'entreprise. Ainsi la gouvernance politique comprend : la gouvernance mondiale ou globale qui désigne l'ensemble des règles d'organisation des sociétés humaines à l'échelle de la planète. La gouvernance locale qui désigne un ensemble d'institutions, de mécanismes et de processus qui permettent aux citoyens et aux groupements de citoyens d'exprimer leurs intérêts et leurs besoins, de régler leurs différends et d'exercer leurs droits et obligations à l'échelon local. Quant à la gouvernance d'entreprise, elle recouvre l'ensemble des mécanismes qui ont pour effet de délimiter les pouvoirs et d'influencer les décisions des dirigeants, autrement dit qui gouvernent leur conduite et définissent leur espace discrétionnaire. L'objectif pour l'entreprise, c'est l'amélioration du cadre juridique, institutionnelle et réglementaire organisant la gouvernance d'entreprise, optimiser l'organisation de l'entreprise au niveau de la direction et du contrôle, réduire les conflits d'objectifs entre dirigeants et actionnaires et enfin améliorer l'efficacité et l'efficience de l'entreprise et réaliser la croissance économique. 2.- Selon la Banque Mondiale dans sa nouvelle vision «la gouvernance est définie comme étant l'ensemble des traditions et institutions par lesquelles le pouvoir s'exerce dans un pays avec pour objectif le bien de tous. Elle comprend les procédés par lesquels les titulaires du pouvoir sont choisis, contrôlés et remplacés, la capacité du gouvernement à gérer efficacement les ressources et à appliquer des politiques solides et enfin le respect des citoyens et de l'Etat envers les institutions régissant les interactions économiques et sociales intervenants entre eux». (A suivre) Professeur des Universités expert international Dr Abderrahmane Mebtoul