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La vie et l'œuvre de Sidi Abou Médiène Choaïb
Publié dans La Nouvelle République le 29 - 01 - 2018

L'objet de mon désir est venu me rendre visite, Il a dissipé mon mal, il a permis la réunion Le verre a circulé, j'ai réalisé mon désir. Nous avons bu un vin licite Et nos âmes se sont épanouies.
Etatait-ce seulement un grand un Homme, un wali Allah Es-Salih, un érudit, un encyclopédique, un littérateur, un ascète de grande qualité et patron d'une Ecole, un poète émérite ? Il est certainement tout cela, celui qui a été à la tête de tant d'événements et laissé tant de traces dans les anales de l'Histoire de notre pays, du Machreq et du monde musulman. Aujourd'hui, en le conviant dans cette rubrique, consacrée à «sa vie et à son œuvre», nous voudrions le célébrer pour tant de «choses», et plus particulièrement pour sa force de caractère, sa rigueur, son amour pour la Science et la Culture, en somme pour toutes ses qualités morales et intellectuelles, dont il faisait étalage partout, en toutes circonstances, dans sa vie privée et, particulièrement, avec ses disciples. Mais, qui est-il au juste Abou Médiène Choaïb, celui qui a trouvé à Béjaïa de nombreux compatriotes, en même temps qu'un milieu intellectuel favorable pour accomplir sa mission d'enseignement dans la piété et la dévotion ? C'est Abou Médiène El-Ghaouth ou, dans le langage populaire d'Algérie, Sidi Boumediène tout simplement, qui est né à Séville, en Andalousie, en 520 de l'Hégire – 1126 de l'ère chrétienne – sous le règne du souverain almoravide Ali Ibn Yûsûf Ibn Tachfin. L'illustre personnage, de son nom complet Choaïb Abou Médiène Ibn El Hussein El Ançari El Andaloussi, a suivi de brillantes études à Fès auprès d'illustres maîtres dont le plus grand, Abou Yeza, a été son initiateur au soufisme et son mentor qui allait lui dispenser de grandes théories de «fiqh» (jurisprudence islamique), lui prodiguer une solide culture mystique et lui apprendre tous les secrets de ce rite cultuel. Il aura d'autres orientations, et sa conviction à cette Ecole mystique sera renforcée une fois en Orient, profitant de son pèlerinage à La Mecque, au contact de Sidi Abdelkader El Djilani (1), ce grand Qotb également, l'un des prestigieux du monde arabe, qui lui a complété son instruction sur la doctrine soufie, non sans faire de lui un disciple bien aimé.b «Sidi Boumediène, comme de nombreux savants, renonça aux biens de ce monde. Il vécut en ascète, ses jours furent rudes et austères, et même s'il travailla parfois comme tisserand, ses habits étaient humbles, faits de laine, très simples et sans aucun parement. Il devait être l'un des plus pauvres parmi les pauvres... » (2) Ainsi, était le pieux savant, privilégiant le sacrifice et le dévouement, prêchant même son mépris du monde d'ici-bas (dounia) qu'il appelait souvent «vieille» ou «mère de la puanteur». Il favorisait, par contre, la contemplation des mystères divins, il recherchait les secrets du spiritualisme. C'était un véritable mystique, un soufi parfait comme disent les historiens.
Professeur émérite, il a déployé tout son talent avec de nombreux élèves qui assistaient avec ravissement à ses cours et à ses conférences qu'il donnait çà et là, poussé par l'amour de la Science et de la Culture. Il a enseigné longtemps à Béjaïa où il a inculqué à ses disciples – avec beaucoup de succès d'ailleurs – les grandes valeurs de l'Islam et en particulier les doctrines mystiques. Les disciples accouraient en foule pour écouter «les doctes et fortifiantes leçons» du maître, tout en s'extasiant sur son éloquence et sur sa parole harmonieuse.
Ses contemporains disaient en l'écoutant sur la tribune (menbar) de la grande mosquée de Béjaïa, qu'«il était vraiment magnifique quand, y déployant sa haute taille, et la main droite fièrement appuyée sur le sabre de bois, il inondait la foule des flots de son éloquente parole, parfumée comme l'eau de Selsebil ou de Tesnim, ces délicieuses sources du Paradis. Mais autant il était doux, suave, quand il dépeignait les merveilles des Djenane-Eden, ces jardins du séjour éternel..., autant il était terrible quand il faisait le tableau du jugement dernier et des affreux tourments du brûlant Saqar, l'enfer... » (3)
Sidi Boumediène et son élève spirituel Ibn ‘Arabi
L'amour de l'ascétisme et de la vie contemplative chez Sidi Boumediène envahissait son âme qui semblait mal à l'aise dans un corps humain, et dont toutes les tendances étaient le détachement de choses de la terre et le besoin de s'en retourner vers le monde immatériel, sa patrie spirituelle. Mohieddine Ibn ‘Arabi, l'illustre auteur des «Foutouhet», «prestigieuse figure de l'Islam espagnol, et l'un des plus grands visionnaires de tous les temps, théoricien de l'ésotérisme musulman ; son œuvre domine la spiritualité islamique depuis le XIIIe siècle, et il peut être considéré comme le pivot de la pensée métaphysique de l'Islam» (4), respectait beaucoup Sidi Boumediène.
Il l'appelait «notre cheikh et imam..., le maître des maîtres» et se référait souvent à lui. Il disait également que «ses stations spirituelles (maqamat), les principales, étaient le scrupule et l'humilité, une véritable humilité, consistant à reconnaître la servitude absolue du moi».
Ibn ‘Arabi, cet écrivain d'une fécondité colossale, ce grand magicien du verbe et de l'analyse, celui qui recherchait la perfection et évoluait continuellement vers la vérité et la paix, a été l'élève de Sidi Boumediène car il a pris énormément de lui, de ses qualités surtout, de son approfondissement des études métaphysiques et traditionnelles.
«Les anecdotes rapportées par les biographes, les recueils des sentences et les poèmes d'Abou Médian, peuvent nous donner une idée de ses méthodes, de ses enseignements et de sa «voie»»(5). Il est inutile de dire que très jeune, il savait par cœur le Coran et «le récitait avec des modulations tellement suaves que des anges chargés de la garde du premier ciel n'hésitaient pas à quitter leur poste pour venir l'entendre et l'applaudir» (6).
Sidi Boumediène a beaucoup voyagé. Il s'était déplacé de ville en ville pour porter la bonne parole et répandre chez les jeunes les bonnes manières et la Science utile. Il est retourné à son pays natal, à Séville et à Cordoue, où il a séjourné quelques années pour enseigner la théologie, la rhétorique et la jurisprudence islamique.
Le Qotb Sidi Boumediène et le vin métaphysique
Qu'est-ce que la vie de ce monde ? disait-il souvent... Rien qu'un accident, qui échoit aussi bien au vertueux qu'au méchant. C'était cela, Sidi Boumediène, le plus grand et le plus vénéré de cette lignée de saints. Rien n'était caché pour lui des choses du monde invisible. Il a écrit plusieurs traités de doctrines spiritualistes.
Doublé d'un poète qui s'adonnait, dans ses œuvres, au rite de la purification des cœurs et à la conquête de la connaissance et de l'amour, il se plaisait à composer des poèmes allégoriques, d'une rare beauté, dans le mode du «zajal» ou dans le style de la «khamriya», un éloge du vin, mais en réalité une spéculation intellectuelle où le qotb parle du vin métaphysique (7).
Quelques vers de Sidi Boumediène dans ce contexte :
L'objet de mon désir est venu me rendre visite
Il a dissipé mon mal, il a permis la réunion
Le verre a circulé, j'ai réalisé mon désir.
Nous avons bu un vin licite et nos âmes se sont épanouies.
Remplis mon verre ; en lui est ma joie. Je bois,
O toi qui est capable de comprendre !
Je suis dans l'intimité de mon
Bien-Aimé.
Ma lampe est tout près de moi.
Quel vin ! Quel commensal ! Quel buveur !
Quelle musique ! Quel chant !
Ma coupe est pleine, l'aiguière est pleine !
Limpide est le verre, douce est la boisson,
Délicieux le séjour,
Laisse-moi m'enivrer et aimer...
Il décède à Tlemcen...
Au crépuscule de sa vie, Sidi Boumediène a quitté Béjaïa pour Marrakech, à l'appel du souverain almohade Abou Youcef Yacoub El Mançour. Il est tombé malade dans la plaine que domine Tlemcen et là, à El Eubbad, un village où nombre d'hommes pieux étaient déjà venus reposer pour l'éternité, il a dit : «Quel admirable endroit pour dormir de son sommeil éternel !» Le destin a voulu qu'il meure la nuit suivante, et les gens de cette localité ainsi que ses compagnons, que sa renommée a fait accourir, l'ont inhumé à El Eubbad qui a pris par la suite son nom.
Ainsi, a pris fin la vie d'un grand savant, d'un important mystique et d'un valeureux combattant. Oui, un combattant, et c'est à partir de là, de son engagement dans la bataille du destin, que nous allons faire une halte pour expliquer la participation de Sidi Boumediène et des siens à la libération de la ville sainte de Jérusalem, sous la conduite d'un autre géant de l'Histoire, Salah Ed-Dine Yûsuf El-Ayyûbi, Saladin, l'un des purs héros de l'Islam.
Le Qotb Sidi Boumediène s'engage dans la bataille du destin
Voyons pourquoi, Sidi Boumediène est parti, avec son armée de Berbères, guerroyer en Bilâd Ec-Shâm. Quels ont été les motifs qui les ont poussés à s'unir avec d'autres musulmans, sous la forme d'une coalition, comme toutes celles qui se multiplient aujourd'hui, dans cette même région, des coalitions menées par les plus puissants du monde et auxquelles, malheureusement, certains des «nôtres» y adhèrent avec zèle, obligeance et intérêt ? Enfin, voyons dans quel climat Sidi Boumediène avait levé son armée ?
Mais commençons par le commencement. Ainsi, on peut dire que c'est à partir de la deuxième croisade que les Maghrébins – généralement ceux du Centre, donc des Berbères algériens, en grand nombre, originaires de la Soummam et des autres régions du pays – sont partis sous la conduite de Sidi Boumediène, jouer un rôle déterminant, avec le reste de leurs frères musulmans, contre la fondation des Etats latins en Orient. Ils sont partis en Bilâd ec-Shâm, sous la conduite éclairée du Qotb, pour démontrer leur attachement à ce qu'ils respectaient le plus, à cet Islam qui se cristallisait dans leurs mœurs, en une substantielle culture, aux racines vigoureuses.
Il était certain que d'aucuns, parmi les Occidentaux d'alors, ou précisément parmi les Français, les Anglais et les tenants du Saint-Empire romain, soutenaient que personne à part les chrétiens ne devaient investir Jérusalem ou avoir le droit de conquérir ces lieux saints du christianisme, dans leur conception. Pour ces mêmes Occidentaux, ces lieux faisaient partie de l'espace chrétien depuis l'Empire romain d'Orient à partir de Théodose 1er, puis de l'Empire byzantin. Une conception alors erronée quand on sait ce que l'Islam, religion de toute l'Humanité, prescrit à l'ensemble du monde. Dieu nous enseigne à ce sujet, en s'adressant à son Prophète Mohamed (QSSSL) : «Oui, c'est à l'ensemble des hommes que nous t'avons envoyé pour annoncer la bonne nouvelle et avertir.» [Coran chap. 34, verset 28].
Quant à notre Prophète, il précise : «Tout Prophète fut envoyé spécifiquement à son peuple, quant à moi, je suis envoyé à toutes les races, les rouges aussi bien que les noires.»
Et le Pacte du Fârûq `Umar Ibn Al-Khattâb – que Dieu l'agrée –, aux habitants de Jérusalem, n'a-t-il pas bien garanti la liberté individuelle et religieuse aux chrétiens et aux juifs, selon les préceptes de l'Islam ? (8). Alors, partant de là, comment croire à cette accusation qui était portée aux gens de l'Islam et qui prêchait ce prétendu comportement indigne qui refusait l'accès de ces lieux saints à leurs frères du monothéisme, les chrétiens, qui venaient en pèlerinage ? Les musulmans ne croyaient pas, mais l'alibi était bien présent dans l'esprit des autorités religieuses chrétiennes qui ont eu à se prononcer sur l'attitude à adopter à l'endroit des musulmans.
C'est alors que le pape Urbain II, lors d'un concile tenu à Clermont-Ferrand en novembre 1095 décidait la «croisade» en terre sainte pour combattre les «infidèles». «Dieu le veut», lança-t-il à ses auditeurs en guise de motivation. Cependant, il y a, à l'origine, d'autres motivations plus profondes encore et non convaincantes pour l'Islam et les musulmans.
Ainsi, quand nous revenons un peu en arrière nous comprenons que les XIème et XIIème siècles représentaient véritablement un tournant décisif dans l'équilibre du Bassin méditerranéen, de par les forces en présence qui agissaient au niveau du pouvoir spirituel et temporel, du commerce surtout et, par voie de conséquence, qui s'influençaient réciproquement à travers leurs nombreux contacts.
L'Islam, la chrétienté occidentale et l'Empire byzantin, malgré son déclin, ne s'ignoraient pas, bien au contraire, ils se confrontaient en un enjeu majeur : comment maîtriser la mer au moment où des marchands italiens s'investissaient fortement en une hégémonie commerciale en Méditerranée. Alors, on assistait sur le plan politico-militaire, et surtout religieux, au déchaînement des croisades en Bilâd ec-Shâm et de la «Reconquista», une autre forme d'agressivité horrible et inquiétante contre l'Islam, en Andalousie.
Les véritables causes des croisades
En réalité, les véritables causes des croisades se trouvaient uniquement dans l'état mental et psychologique de l'Occident, à la fin du XIème siècle. Elles résulteraient également d'un double courant : d'une part, le renouveau du pèlerinage à cette période par le voyage de Jérusalem et, d'autre part, l'idée d'une guerre pour Dieu, qui apparaissait en Andalousie, et nous l'avons bien précisé..., avec la «Reconquista».
Ecoutons ce que dit un journaliste de profession, le contemporain Français Henri Tincq dans «Croisade contre djihad : la prise de Jérusalem», en parlant des raisons de ces croisades.
«Mesure-t-on la menace que font peser les Sarrasins sur cette Eglise médiévale religieusement exclusive ? Les armées du prophète Mahomet ont pris Jérusalem dès 638, franchi le détroit de Gibraltar en 711, sont en Aquitaine en 720, arrêtées à Poitiers en 732 au prix d'une bataille plus symbolique que réelle. Mais elles occupent les rives occidentales de la Méditerranée, la Sicile, le sud de la France et de l'Italie et elles menacent Rome ! En Orient, les dynasties musulmanes se succèdent en Egypte, en Syrie, en Perse.
La première littérature épique française est pleine des récits de cette conquête sarrasine, celle de Narbonne, et de la bataille de Roncevaux. Dès 1066, à la bataille d'Hastings, la Chanson de Roland est sur les lèvres des combattants. Autrement dit, au XIe siècle, les conditions sont réunies pour des scénarios de croisade et de Reconquista chrétienne : il faut reconquérir des terres dont Dieu est le détenteur légitime. Y participer est une action pieuse. Y mourir vaut la palme du martyre et la récompense de la vie éternelle.»
Cette déclaration est une autre forme d'intégrisme, dont très souvent les musulmans, et uniquement eux, sont soupçonnés ou, carrément, incriminés. Et donc, les gens d'alors sentaient que le clergé exacerbait les passions et aiguisait les appétits des Européens sous des prétextes religieux, voire fondamentalistes, puisqu'il fallait unir toutes les forces de l'Europe pour combattre un ennemi, un seul, l'Islam, et prendre les terres des Arabes qui ne cessaient, malgré leurs dissensions, de montrer à l'humanité qu'ils étaient capables de grands développements, parce que la Culture, la grande Culture, leur appartenait encore..., avant qu'ils ne connaissent cette lamentable période de décadence. Et nous la subissons toujours, amèrement, à cause de notre sclérose, de notre apathie, c'est-à-dire par notre faute et, uniquement, par notre faute !
Sidi Boumediène aux côtés de Saladin
Et c'est pour toutes ces raisons, encore une fois, que Sidi Boumediène est allé au Shâm..., rejoindre Salah Ed-Dine Yûsuf El-Ayyûbi, ou Saladin, chez les Occidentaux.
Là, nous nous posons une dernière question : était-ce par amour du sang ou par amour de Dieu d'abord, et de la justice, ensuite, qu'il a été au-devant d'une épopée pareille ?
A cette question, l'homme averti répondra de lui-même car Sidi Boumediène et ce nombre impressionnant de Berbères qui l'ont accompagné en Bilâd ec-Shâm ne partaient pas «pour des prunes» (9), selon l'adage consacré dans la langue de Voltaire, ni pour assouvir des penchants éculés de barbarie et de vandalisme dont ils n'ont jamais été des adeptes. Ceux-là sont partis pour célébrer la justice – on ne le dira pas assez – et remettre de l'ordre dans la maison des croyants, des véritables croyants, des trois religions monothéistes, où personne ne sera exclu dans le raisonnement de l'Islam.
Et encore une fois, était-ce l'intégrisme des musulmans qui a fait que le contexte des croisades soit très revêche ou bien l'Eglise, par trop rigoriste, qui transmettait la parole divine, qui gardait le dogme et qui ne croyait pas aux autres religions qui, pour elle, étaient erronées, comme elle ne reconnaissait pas la liberté de conscience, du reste, celle-ci était inconnue, voire inintelligible ? Qu'on lise la vie de nos doctes de l'Islam, comme Sidi Boumediène – puisqu'il s'agit de lui dans cet écrit – pour comprendre que son savoir, ses compétences et son ouverture d'esprit ne pouvaient que l'engager dans une voie progressiste, tolérante, conciliante et intelligible.
Oui, progressiste, en plus du cortège de qualificatifs exprimés, et les termes ne doivent pas faire sourire les impénitents nihilistes qui ne confèrent à la religion de l'Islam aucune mesure de salubrité, encore moins, cette avancée vers le progrès et la Science.
Que l'on revienne un peu en arrière, pour apprendre – et il ne sera pas trop tard pour certains – que pendant les années où le Qotb Sidi Boumediène éduquait en des cours magistraux ses disciples à Béjaïa, centre de transmission du savoir, un jeune Italien du nom de Leonardo Fibonacci (1170-1240), élève de ce même centre, a acquis de sérieuses connaissances qu'il devait transmettre à l'Europe.
En effet, Leonardo qui a étudié le système de numération, les méthodes de calcul et les techniques commerciales auprès d'un maître admirable à Béjaïa, allait populariser des chiffres arabes et propulser les mathématiques outre-mer (10).
N'est-ce pas le progrès et l'élévation d'esprit qui entouraient nos savants et particulièrement celui qui, malgré lui, allait perdre un bras en pleine bataille dans cette colline en Galilée, le 4 juillet 1187, quelque part sur les bords du lac de Tibériade (11) ? Ces explications, nous les voulons ainsi, claires et sans énigmes, non pas pour répondre aux écrivains émargeant dans le groupe des roturiers, parmi ceux qui barbouillent des pages d'Histoire – plutôt d'histoires –, mais pour éclairer la jeunesse sur des faits qui ne doivent soulever aucun embarras chez nous quand il s'agit d'expliquer ou, tout simplement, de nous remémorer les temps qui ne doivent pas nous faire rougir devant les générations d'aujourd'hui.
Oui, aux côtés de Saladin, avec son armée de Berbères...
Sidi Boumediène était tout près de Saladin, dans cette bataille du destin. Avec lui, beaucoup de Berbères du Maghreb, assurément, sans toutefois évaluer leur nombre, faute de données exactes, notamment à partir de documents fiables et convaincants. Mais, cette lacune qui pèse sur la crédibilité des informations qui concernent cet épisode ne peut nous arrêter, car il est tout à fait certain qu'il y a eu, pendant toute cette période et les autres qui ont suivi, des relations étroites entre les gens du Maghreb et ceux du Moyen-Orient.
Ces relations étaient matérialisées par des contacts permanents entre les politiques et les scientifiques, ces gens de caractère qui ne croyaient pas aux frontières entre les peuples qui, du reste, se confondaient à défaut de n'avoir jamais existé. Ainsi, comment ne pas croire à l'engagement total de ceux qui, venus de l'ouest, allaient écrire une glorieuse page d'Histoire avec leur participation concrète et leur plein engagement dans les conflits qui concernaient leurs frères de sang ?
Le mot de la fin, il faut le dire, en appuyant sur l'ambiance optimiste dans laquelle s'est terminée «Maârakat Hattin» – la Bataille contre les croisés – où nos ancêtres les Berbères ont participé au nettoyage de la région, pour honorer la voix de Dieu et permettre à leurs frères de cette terre sacrée, où sont nés les Prophètes, de vivre sereinement leur vie et célébrer leurs cultes, au pluriel, parce qu'il s'agit des trois religions monothéistes. Ils sont partis pour apaiser l'ambiance qui n'a connu que massacres et terreur et dont les Francs ont été les principaux «approvisionneurs» en malheur et en détresse, en d'autres termes, les principaux auteurs.
De cette participation des nôtres, nous allons commettre un autre papier, plus détaillé, qui expliquera à nos jeunes combien étaient vaillants ces milliers de volontaires, partis avec Sidi Boumediène de cette opulente région de la Soummam et des autres régions du Maghreb qui n'ont jamais été à la traîne du combat libérateur. Oui, vaillants, pour de justes principes en Bilâd ec-Shâm, avec d'autres fidèles que la foi avait rendus plus efficaces, plus combatifs et plus solidaires.
Kamel Bouchama
Auteur et chercheur en Histoire
Notes :
1-Sidi Abdelkader El Djilani, le maître de Bagdad, est un enfant de Djilane, une ville située tout près de la capitale des Abbassides. Les Algériens l'appellent à tort El Djilali (avec un L). Sidi Abdelkader a été un grand qui révéla à Sidi Boumédiène les joies et les plaisirs de l'extase mystique. Il l'affilia à son ordre et lui donna la mission de faire des prosélytes dans les régions des pays musulmans vers lesquels Dieu dirigerait ses pas.
2-In, « Algérie, terre de foi et de culture » de Kamel Bouchama. 2è édition, Dar Houma, 2000.
3-In, « L'Algérie légendaire » par le colonel Corneille Trumelet, membre de la Société historique algérienne, qui est l'auteur de plusieurs ouvrages sur l'histoire militaire de la France en Algérie.
4-«La tradition et les voies de la connaissance, hier et aujourd'hui» par Fernand Schwarz, Président de la Fédération française des Nouvelle Acropole.
5-Emile Dermenghem, écrivain spécialiste du monde arabe et spécialement du Maghreb. De nombreuses œuvres témoignent de ses profondes recherches dans le domaine spirituel.
6-Repris de l'article «Sidi Choaib Ibn Hocein El Andaloci», du site Internet : www.vitaminedz.com/articlesfiche27/27596.
7-Emile Dermenghem présente «Mon Bien-Aimé m'a rendu visite» page 269, dans «Les plus beaux textes arabes», Editions D'Aujourd'hui. Ce poème est à l'image de ceux de Omar Ibn El Faridh (1181-1235), poète mystique chez qui «l'amour humain et l'ivresse bachique ne sont considérés que comme les figures de l'amour divin».
8-Le Pacte de Umar disait, entre autres : «Il leur garantit la sécurité de leurs personnes, de leurs biens, de leurs églises et de leurs croix, le malade d'entre eux comme le bien-portant, ainsi qu'à toute leur communauté. Leurs églises ne seront ni investies ni détruites. Rien ne leur sera ôté, ni à leurs propriétés ni à leurs croix ni à leurs biens. Ils ne seront pas convertis malgré eux et nul d'entre eux ne sera opprimé».
9-On raconte que des croisés, revenant défaits de Damas, ont rapporté une belle variété de pruniers, après en avoir consommé abondamment et donc apprécié le fruit. Ils ont été violemment critiqués alors, en disant qu'ils étaient allés là bas «pour des prunes», expression actuelle signifiant pratiquement : pour «pas grand-chose», voire «pour rien».
10-C'est à partir de Béjaïa où enseignait Sidi Boumediène, le professeur émérite, que les chiffres arabes ont été popularisés en Europe (Zeïneb Marzouk, El Watan du 13 mars 2008).
11-Sidi Boumediène a, effectivement, perdu son bras lors de la bataille de Hattin le 4 juillet 1187.
Les historiens palestiniens affirment que le bras a été enterré en Palestine. Il serait judicieux de faire encore des recherches pour arriver à déterminer le lieu exact où il est enterré.


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