La chef de la diplomatie européenne, Federica Mogherini, a convoqué, pour mardi à Bruxelles, une réunion entre les ministres des Affaires étrangères des trois pays européens historiquement à l'origine de la négociation sur l'accord sur le nucléaire iranien dénoncé par le président américain, Donald Trump. «Federica Mogherini, haute représentante pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et vice-présidente de la Commission européenne, accueillera mardi 15 mai à Bruxelles une réunion avec les ministres des Affaires étrangères de l'Allemagne, de la France et du Royaume-Uni», ont annoncé ses services dans un communiqué. Les chefs de la diplomatie allemande, française et britannique seront rejoints, par la suite, par leur homologue iranien, Javad Zarif, selon la même source. L'UE, déterminée à préserver l'accord conclu en 2015 après de longues et âpres négociations, tente de convaincre les Iraniens de la nécessité de rester dans l'accord après le retrait des Etats-Unis. Mardi, dans une brève déclaration depuis le siège de la représentation de la Commission européenne à Rome, Mme Mogherini a conjuré les Iraniens de «ne laissez personne démanteler cet accord» qu'elle a qualifié de «l'une des plus belles réussites jamais réalisées de la diplomatie». La première responsable de la diplomatie européenne a affirmé que l'accord «répond à son objectif qui est de garantir que l'Iran ne développe pas des armes nucléaires». Dès l'annonce du retrait américain de l'accord sur le nucléaire iranien, les trois pays: Allemagne, France et Royaume-Uni ont réaffirmé leur attachement à la mise en oeuvre de l'accord. La Chine et la Russie, également signataires de l'accord, ont réitéré leur soutien à la sauvegarde de l'accord. Les Etats membres de l'UE se sont, d'ailleurs, engagés mercredi à s'assurer que les sanctions européennes levées dans le cadre de la mise en oeuvre de l'accord international sur le nucléaire iranien ne soient pas rétablies après le retrait des Etats-Unis de l'accord. «La levée des sanctions liées au nucléaire est une composante essentielle de l'accord. L'UE a souligné à plusieurs reprises que la levée de ces sanctions a un impact positif sur les relations commerciales et économiques avec l'Iran. L'UE souligne son engagement à faire en sorte qu'elle perdure», est-il écrit dans une déclaration de la chef de la diplomatie européenne, Federica Mogherini, au nom des 28. Les Européens ont multiplié, ces derniers jours, les consultations pour tenter de trouver une «approche commune» face au rétablissement des sanctions américaines contre Téhéran. Ils veulent faire bloc contre la décision américaine d'appliquer des sanctions aux entreprises étrangères présentes en Iran, ou du moins, obtenir des exemptions. Toutefois, l'Iran a déjà indiqué qu'il ne restera pas dans l'accord sans «garanties réelles» de la part des Européens. L'accord de long terme conclu le 14 juillet 2015 sur le dossier nucléaire iranien permet un encadrement des activités nucléaires iraniennes en contrepartie d'une levée progressive du régime de sanctions qui visent l'Iran. Mardi, le président américain Donald Trump a annoncé le retrait des Etats-Unis de l'accord sur le nucléaire iranien, qu'il a qualifié de «désastreux», et le rétablissement des sanctions contre Téhéran. Le président Donald Trump a subi les tirs croisés de la sphère politico-médiatique aux Etats-Unis après son retrait prévisible de l'accord nucléaire iranien qui reflète, selon de nombreux observateurs, l'absence d'une véritable stratégie sur ce dossier. «Où est cet accord parfait M. Trump ?», a titré mercredi le prestigieux quotidien américain, New York Times, estimant que le président s'est retiré de cet accord sans prendre la peine d'en présenter une alternative. «Jusqu'à présent, il s'est montré à maintes fois habile dans la destruction des accords, une tâche relativement facile pour un président manquant totalement de profondeur politique, de vision stratégique, et de patience pour en créer des nouveaux», ajoute le quotidien dans l'éditoriel de mercredi. L'argument avancé par Trump de négocier un accord parfait avec l'Iran s'avère «une promesse creuse», la même que celles faites pour relancer le processus de paix au Moyen-Orient ou renégocier l'accord de Paris sur le climat, rappelle le New York Times. «Il est plus probable que sa décision, annoncée mardi, permette à l'Iran de reprendre un programme nucléaire robuste, empoisonne les relations des Etats-Unis avec ses proches alliés européens, érode la crédibilité de l'Amérique, mette en place les conditions pour une guerre élargie au Moyen-Orient et rende plus difficile un accord sur le programme nucléaire avec la Corée du Nord», soutient-il. Retrait mais sans plan B Dans le même ordre d'idées, le Washington Post, précise que le chef de la Maison Blanche n'a présenté aucune indication sur ce qu'il compte proposer après ce retrait. «Il n'a proposé aucune stratégie, il n'a donné aucune idée sur la façon de réaliser ce qu'il a appelé (une solution réelle, globale et durable à la menace nucléaire iranienne», constate le Washington Post dans une analyse publiée mercredi. «Il n'y a pas de plan B» au retrait, s'inquiète le quotidien. En dénonçant un nouvel accord, l'administration américaine perd aussi de sa fiabilité. «Nous faisons face à d'énormes problèmes à travers le monde en termes de fiabilité, qu'il s'agisse d'engagements commerciaux ou d'arrangements en matière de sécurité», souligne le sénateur républicain, Jeff Flack, cité par le Washington Post, estimant que la sortie de son pays de cet accord aurait certainement «un effet d'entrainement» sur d'autres arrangements tels le pacte qui sera négocié avec la Corée du Nord. USA: Trump sous un déluge de critiques après son retrait de l'accord nucléaire iranien La décision ouvre surtout «une brèche profonde» dans les relations des Etats-Unis avec ses alliés européens, alors que ces derniers cherchent à protéger leurs compagnies des mesures restrictives prises par Washington, relève le quotidien dans une deuxième analyse publiée sur le sujet. Obama: l'Iran n'a pas violé l'accord L'ancien président américain Barack Obama qui commente rarement en public les mesures de la nouvelle administration, estime que «la décision de mettre en péril le plan global d'action conjoint (JCPOA) sans aucune violation iranienne est une grave erreur». «La réalité est claire () le JCPOA fonctionne et c'est un point de vue partagé par nos alliés européens, par des experts indépendants et par l'actuel secrétaire américain à la Défense», James Mattis, écrit-il dans sa déclaration. «Sans le JCPOA, les Etats-Unis pourraient éventuellement se retrouver sans choix que de faire face à un Iran nucléarisé ou à une autre guerre au Moyen-Orient», met-il en garde. Il affirme que le démantèlement de l'accord «pourrait miner la crédibilité des Etats-Unis sur la scène internationale". Réagissant à cette décision extrême, Joe Biden l'ancien vice-président américain, a accusé Trump d'agir par "pure insouciance» pour servir des intérêts personnels. «Le président Trump a créé une crise pour (servir) ses propres intérêts politiques et qui nous met sur une trajectoire de collision frontale avec notre adversaire mais aussi avec nos partenaires les plus proches», indique Joe Biden dans un communiqué. «L'annonce d'aujourd'hui affaiblit notre sécurité, brise une promesse américaine, nous isole de nos alliés européens», réagit de son côté l'ancien secrétaire d'Etat, John Kerry, l'un des architectes de l'accord conclu en 2015. L'ancien chef de la diplomatie américaine soutient que «l'ampleur des dégâts dépendra de ce que l'Europe peut faire pour maintenir l'accord nucléaire». Cela dépendra aussi de la réaction de l'Iran à la décision américaine, précise-t-il.