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Les allées couvertes d'Ath Rhouna, l'un des rares sites funéraires mégalithiques au monde
Publié dans La Nouvelle République le 20 - 05 - 2018

Les allées couvertes d'Ath Rhouna, un des rares sites funéraires mégalithiques (Méga : grand, lithique : pierre) au monde, situé dans le village d'Ath Rhouna dans la commune côtière d'Azeffoun (60 km au nord de Tizi-Ouzou), mériteraient une opération de restauration et de préservation au regard de l'importance patrimoniale du site.
Appelés aussi allées dallées ou encore tombes géantes, ces monuments préhistoriques (le mégalithique ayant marqué le passage du paléolithique au néolithique) qu'on découvre partiellement dissimulés par la végétation à une dizaine de kilomètres de la ville d'Azeffoune, sont des tombes collectives. Elle sont composées de deux parties dont une supérieure, une sorte de chambre en forme de couloir construit avec de gros blocs de grés taillés, et recouvert de grandes dalles dont certaines dépassent 3 mètres de longueur d'où l'appellation allées couvertes donnée par l'archéologue Gabriel Camps qui les a découvertes en 1953. Cette chambre d'une hauteur de 2 à trois mètres servait aux rituels funéraires et aux offrandes pour les morts.
Le parterre de la chambre est recouvert, lui aussi, d'énormes dalles qui ferment un long caniveau de 15 à 18 mètres et de 7 à 8 mètres de profondeur, situé juste en dessous et qui servait de sépulture pour les morts, a expliqué Nabila Lounaci du service patrimoine de la direction de la Culture de Tizi-Ouzou, lors d'une sortie sur site au profit d'élèves du CEM d'Ath Rhouna, organisée par la même direction à l'occasion de la célébration du mois du patrimoine (18 avril-18 mai).
Dans son ouvrage «Allées couvertes (Kabylie)», Gabriel Camps rapporte que «ce type très original de monuments mégalithiques, découverts dans le nord-est de la Kabylie, n'a son équivalent nul part ailleurs au Maghreb alors que se manifestent certaines affinités entre ces monuments et certains des Iles Baléares et de Sardaigne connus respectivement sous les noms de Navetas et de Tombes des Géants», ajoutant que ces allées, implantées le plus souvent sur des versants à forte pente, ont nécessité au préalable le creusement d'une large tranchée donnant l'aspect d'entrée de galerie de mine. Les habitants d'Ath Rhouna désignent ces monuments sous l'appellation Tikhamine Iroumyen (les chambres des étrangers) en référence à leurs constructeurs, le mot Iroumyen ayant aussi bien désigné dans le parler local, les Romains que les Français en référence à l'étranger qui vient de la rive nord de la Méditerranée.
L'archéologue de l'antenne d'Azeffoun de l'Office de gestion et d'exploitation des biens culturels (OGEBC), Taouintaselt Souad qui était présente à cette sortie pédagogique, a souligné que ce type de sépultures n'existe qu'en Kabylie. On les retrouve à Ath Rhouna (Azeffoun) où elles sont au nombre de 10 dont trois sont des abris naturels qui ont été aménagés et les sept autre construits. Trois allées similaires à celles d'Ath Rhouna ont été également découvertes du côté d'Ibarissen à l'ouest de Toudja (Bejaïa) dont une porte le nom d'Ifri N'Waghzen (la grotte de l'ogre).
Des ossements humains et du mobilier funéraire découverts et disparus
«Des ossements humains et d'animaux, particulièrement de moutons qui auraient été sacrifiés, accompagnés de céramiques à vernis noir, des perles en pâte de verre et des objets en métal (anneaux, clous) ont été découverts dans le caveau et dans la chambre», a indiqué Mme Taouintaselt. «La présence de mobilier récent tel que les perles en pâte de verre laisse supposer que ces monuments ont continué à être utilisés longtemps après leur construction», a-t-elle observé.
Selon les explications fournies sur place par cette même archéologue, un caniveau peut contenir plusieurs corps enterrés couchés sur le côté avec leurs bijoux et des biens dont des jarres de nourritures. Lors des fouilles menées par des archéologues français dont Gabriel Camps, il a été découvert dans une sépulture les ossements d'une femme et d'un enfant. La femme était enterrée avec ses bijoux.
Il y avait aussi du mobilier funéraire dont des poteries. Une partie des objets découverts dans ces tombes sont actuellement au niveau du musée du Bardo, a-t-on appris auprès de la direction de la Culture, mais une grande partie y compris des ossements ont été emportés par des archéologues étrangers, regrettent les habitants du village. Des vieux d'Ath Rhouna se souviennent que, lors des fouilles, les archéologues étrangers avaient fait appel à la main d'oeuvre des villageois. «Nous creusions jusqu'à une certains profondeur, puis ils nous demandaient de partir et de ne revenir que le lendemain, plus tard nous avions compris que c'était pour s'emparer des objets et ossements découverts et dont nous ignorions jusqu'à l'existence», se rappelle Ali, un octogénaire.
La sensibilisation à la préservation en attendant la restauration
Eparpillées sur un monticule au milieu d'une végétation composée essentiellement d'arbustes et de rares oléastres et frênes, les allées couvertes d'Ath Rhouna, classées au patrimoine national, sont relativement protégées par Dame nature qui les cache aux éventuels visiteurs et par les associations et comité de village d'Ath Rhouna qui, jusque là, ont réussi à les préserver en interdisant toute utilisation des pierres provenant du site pour la construction. L'ouverture d'une carrière qui est restée en activité de 1990 à 2007 à proximité d'Ath Rhouna pour les besoins de construction des ports d'Azeffoun et de Tigzirt, a sérieusement endommagé l'allée couverte.
Les fortes explosions n'ont pas été sans conséquences sur le site archéologique. Sept tombes ont été déstabilisées selon des témoignages recueillis et les constatations faites sur place. Les villageois et l'association Ivahriyen avaient alors saisi la direction de la Culture et d'autres services pour la fermeture de la carrière. La direction de la Culture finira par avoir gain de cause en obtenant la fermeture de cette carrière, a indiqué Mme Lounaci. Toutefois, les membres de l'association Ivahriyen qui lutte pour la protection du site, s'inquiètent en montrant de nouvelles constructions.
«Le risque de dégradation pèse toujours sur ce patrimoine qui mérite de faire l'objet d'études pour éclairer cette page de notre histoire et de l'Histoire de l'Humanité», ont-ils préconisé. En effet, un amas de pierres taillées, qui rappellent curieusement celles aperçues à proximité des allées dallées, jouxte une battisse en cours de construction La visite de ces tombes s'est terminée par la lecture par une collégienne d'un exposé sur le site, sa valeur archéologique et touristique et la nécessité de sa préservation. Invités à poser des questions sur ce patrimoine, des collégiens se sont demandés comment faire pour protéger ce patrimoine. Ce à quoi Mme Taouintaselt a répondu que la sensibilisation à la préservation de ce site est une forme de protection ... en attendant sa restauration.


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