Quelle bien triste entame de la nouvelle année pour notre football. Des scènes de violence surréalistes se sont déroulées sur la plupart de nos stades cette dernière semaine. Pourquoi nos stades sont-ils devenus des arènes ? Qui doit-on accuser ? Derrière ces images affolantes, il y a bien une raison. Pour les sociologues et psychologies rencontrés, une seule réponse : les stades sont devenus des endroits où les jeunes s'extériorisent... Les espaces qui poussent, les nouveaux quartiers, les nouvelles cités restent dépourvus d'endroits où ils peuvent se défouler, ceci d'une part et d'autre part, les gestionnaires ne réagissent qu'après coup, les condamnations depuis leur bureau ne vont pas régler le problème. Le jeune d'aujourd'hui veut se défouler, pour cela, il lui faudrait des espaces, non seulement mais des endroits de qualités notamment au niveau des infrastructures sportives de quartiers. «Et non loin de chez nous, quand les interdictions provisoires de stade et les rencontres à huis clos ne suffisent pas, le retrait de points ou la proclamation d'un match sur tapis vert sont des sanctions possibles et applicables. Mais de telles mesures restent trop peu souvent mises à exécution», souligne un sociologue. Le seront-elles chez nous ? Pour ce dernier, «la brutalité humaine à l'état pur offre au monde entier une mise en scène d'un mal qui prend ses racines dans la société. Dans les gradins des pelouses s'extériorise, avec toute sa force de frappe, une souffrance collective qui ne peut se dire autrement qu'avec de la violence... Le stade est certes le lieu public par excellence, il attire des dizaines de milliers de spectateurs qui amènent avec eux leur histoire de vie. Les experts expliquent comment fonctionne cette machine infernale. «Dans les virages où se loge généralement le public debout, la somme de ces individualités définit un groupe social très particulier. La masse des supporters est en effet hiérarchiquement structurée et compte en tout cas trois niveaux. Au centre, de jeunes adultes, à la personnalité souvent charismatique, réfléchie, et auxquelles leur éducation scolaire confère un statut socioprofessionnel moyen-élevé. Ce sont eux qui orchestrent et rythment les messages d'encouragements. Autour de ce noyau gravitent des adolescents que le sociologue Kriss Van Limbergen, auteur d'études criminologistes sur le hooliganisme en Belgique, nomme les «stagiaires»... Il s'agit en majorité d'un public masculin qui, pendant la semaine, occupe des rôles plutôt gris et marginaux, n'acquérant peu ou pas de prestige dans l'accomplissement de ses tâches quotidiennes. L'événement sportif lui donne donc le moyen de jouer les protagonistes et de renverser l'échelle qui le voit le plus souvent confiné aux derniers rangs. Il n'est donc pas étonnant que beaucoup d'allumeurs de stades soient des adolescents souhaitant se faire remarquer des leaders. Par une sorte d'initiation, ils aspirent à devenir coûte que coûte des membres du noyau dur». La situation d'anonymat permet en outre l'émergence d'un quatrième niveau : les «casseurs» qui, sans être rattachés aux couleurs d'un club, parcourent les stades avec le seul but de détruire et agresser. Ce qui vient de se passer à Jijel, serait, selon un nombre d'observateurs, la faute à l'arbitre qui a sifflé ce penalty imaginaire en faveur du Mouloudia. Cette décision prise par l'arbitre et interprétée comme injuste aurait dégagé en lui de la colère et de la rage qui s'est traduit plus tard par le lancement d'objets sur la pelouse, la destruction des infrastructures ainsi que des attaques portées aux spectateurs de l'équipe adversaire. En Angleterre ou dans plusieurs nations pendant les arrêts de jeu, on fait rentrer de jeunes enfants ou des footballeurs minimes pour animer les temps morts avec des mini-rencontres attendrissant les esprits au lieu de les attiser chez nous, c'est la colère qui prend place, s'installer des heures et des heures avant la rencontre avec une mi-temps qui dépasse souvent le temps réglementaire... Pour sortir de la violence le psychologue du sport et professeur à l'Université de Sienne, Bruno Demichelis proposerait l'option JSK, qui ouvre les portes du stade, 1er Novembre de Tizi-Ouzou aux familles. Demichelis va même plus loin, souhaitant l'avènement d'une telle culture en milieu sportif. Celle-ci serait alors capable de ramener au stade le public féminin et donnerait une nouvelle dimension à la composition des supporters. Les fanatiques laisseraient la place aux «enthousiastes» qui se presseraient au stade moins pour soutenir leur équipe que pour vivre un véritable spectacle pré confectionné. Enfin, les clubs sans comités de supporters, le laisser aller des présidents de clubs, des' entraineurs qui ne s'intéressent qu'à l'entrée d'argent ou aux victoires, laissent de côté cet aspect sécuritaire. Le constat est sans appel. Nombre d'individus perturbateurs n'ont plus leur place dans les stades. Il est temps d'en finir. Des scènes révélatrices d'une situation qui semble prendre son envol pour cette saison. Les mots sont à peine croyables et pourtant bien vrais. Les instances du football ne trouvent pas de solutions, le traitement injecté à ce jour n'est plus efficace et on persiste à le prescrire. Les sanctions appliquées à ce jour ne calment pas les esprits. Le huis clos n'est pas la bonne solution, le virus n'est pas isolé puisqu'il renaît de ses cendres. Les séminaires ou les campagnes de sensibilisations ne donnent rien. Le mal est présent dans nos stades. Les débordements récurrents donnent à penser que le dispositif des clubs ne va pas assez loin. Après les heurts enregistrés lors des différentes rencontres de football, les forces de l'ordre font ce qu'elles peuvent avec les lois en vigueur, mais sont aussi exposées à des risques qui font des blessés. Un expert suggérera à la place du huis clos des retraits de points sur le classement. Un autre fera remarquer dans l'un de ses rapports «le ‘supporterisme', les ultra, les hooligans ambitionnent de vouloir être les meilleurs supporters et de faire parler d'eux (au sein du club ou du stade, et par rapport aux clubs adverses)». Enfin, une question s'impose de savoir quel est le rôle que jouent aujourd'hui nos arbitres dans la lutte contre la violence ?