Un mois après le début du soulèvement populaire algérien, Abdelaziz Bouteflika a fait concessions sur concessions sans pour autant calmer la révolte populaire provoquée par sa décision de solliciter un 5ème mandat. Ni sa décision de renoncer à briguer un 5ème mandat, ni son engagement à quitter le pouvoir dès la réforme constitutionnelle qu'il entend mener à son terme, n'ont eu un effet apaisant sur la population. En dépit de sa contribution éminente à l'histoire de l'Algérie, Abdelaziz Bouteflika, 83 ans, à mobilité réduite, incarne le passé. Un vestige d'une période que la jeunesse, près de 30 pour cent de la population, a du mal à discerner. Le statu quo ainsi observé depuis un mois ne signifie pas stabilité, mais plutôt immobilisme, générateur de gangrène, avec en perspective une amputation et dans le cas politique une mesure drastique. Le face-à-face du pouvoir avec son peuple a échaudé les esprits et aiguisé les ambitions. Mais, paradoxalement, aucun membre de la nomenklatura algérienne n'a émergé du lot au terme d'un mois de contestation. Certains anciens caciques de la nomenklatura rêvent pourtant déjà de revanche et se préparent à occuper le devant de la scène, oubliant dans leur précipitation que la contestation populaire algérienne de 2019 est sans pareille dans le Monde arabe et vraisemblablement dans le tiers-monde. Elle pourrait déjouer leurs prévisions et leurs ambitions. Cette guerre picrocholine fait fi des enjeux stratégiques que revêt l'impératif du maintien de la stabilité de l'Algérie, dont la frontière, l'une des plus longues d'Afrique -- 6.370 km -- borde sept pays (Tunisie, Maroc, Libye, Mauritanie, Niger, Mali, Sahara occidental), au-delà, la France particulièrement Marseille généralement considérée comme la 49ème willaya d'Algérie. Depuis la décennie noire, la première guerre civile algérienne, dans la décennie 1990, la zone sahélo- saharienne a été le théâtre d'une prolifération des groupements terroristes islamiques de type AQMI, (Al Qaida Pour le Maghreb Islamique), et un accroissement corrélatif des compagnies militaires occidentales privées. Selon le plus récent recensement, 50 groupements islamistes sont déployés dans une zone allant du Sahel au Nigeria avec Boko Haram, avec, en parallèle, une vingtaine de compagnies militaires privées principalement américaines en soutien aux bases de drone notamment au Burkina Faso, aménagées sur le continent africain pour la traque aux terroristes islamistes. En tout état de cause, le 28 avril marquera la fin du mandat présidentiel. Au-delà de cette date Abdelaziz Bouteflika sera en situation d'illégalité constitutionnelle. Plusieurs hypothèses se présenteront. Soit la déclaration de la vacance du pouvoir, soit la déclaration d'incapacité présidentielle, à moins que la hiérarchie militaire algérienne n'opte pour une solution à l'égyptienne du temps de Hosni Moubarak. De choisir la préservation de l'institution militaire et du pays, plutôt que de sauvegarder la personne du président, en fin de parcours. Quoi qu'il en soit Bouteflika a raté sa sortie de l'histoire. Ceux qui ont pris la décision de solliciter en son nom un 5ème mandat en porteront une lourde responsabilité devant l'histoire. Les cimetières sont remplis de gens indispensables, mais qui ont été remplacés depuis. Bouteflika aurait dû suivre l'exemple de prestigieux prédécesseurs : Ho Chi Minh, le Général Giap, voire même Fidel Castro. René Naba, Jeudi 21 mars 2019, sur Radio Galère