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Aucun pouvoir algérien ne peut éradiquer la corruption s'il ne s'attaque pas à l'essence de la sphère informelle (II)
Publié dans La Nouvelle République le 08 - 04 - 2019

Entre les beaux discours enflammés avec des propositions utopiques, (tribunaux populaires, en prison tous les gestionnaires, retour à l'étatisme intégral) que l'on voit actuellement sur les plateaux de télévision sur la corruption, cancer de la rente, qui touche la majorité de la sphère sociale, ignorant la morphologie sociale et l'amère réalité, renvoyant aux analyses d'IBN KHALDOUN sur l'urgence d'institutions crédibles fondement d'un Etat de Droit, et la moralité de ceux qui dirigent la Cité, si l'on veut éviter la décadence, il y a un monde. Car sans changement des pratiques institutionnelles, en mettant d'autres personnes, elles reviendraient aux mêmes pratiques de corruption.
Les conséquences directes et indirectes de ces flux financiers illicites sont des contraintes majeures pour la transformation de l'Afrique tant du Nord que de l'Afrique noire. La corruption de haut niveau, combinée aux risques et l'incertitude de l'économie nationale affaiblissent les mesures économiques et sociales mises en place, limitant la perspective d'une croissance plus inclusive. Cela est reflété par le cours du dinar sur le marché parallèle qu'il convient d'examiner avec objectivité. Les raisons de la distorsion du cours du dinar sur le marché parallèle et le marché officiel
Il s'agit de poser la véritable problématique et analyser la réalité de l'économie algérienne qui reflète les fondements de la valeur d'une monnaie, devant cerner les causes essentielles de la distorsion entre la valeur officielle du dinar et celle du le marché, écart d'environ 50% et donc de s'attaquer à l'essence du mal et non aux apparences. Premièrement, l'écart s'explique par la faiblesse de la production et la productivité, l'injection de monnaie sans contreparties productives augmente le niveau de l'inflation.
Selon plusieurs rapports internationaux, la productivité du travail de l'Algérie est l'une des plus faibles au niveau du bassin méditerranéen. Deuxièmement, le décalage qui existe entre la dépense publique et le faible impact sur le taux de croissance
(mauvaise allocation des ressources faute de planification stratégique, corruption à travers les surfacturations ou mauvaise gestion), troisièmement, troisièmement, l'écart s'explique par la diminution de l'offre du fait que la crise mondiale, combinée avec le décès de nombreux retraités algériens, a largement épongé l'épargne de l'émigration. Cette baisse de l'offre de devises a été contrebalancée par les fortunes acquises régulièrement ou irrégulièrement par la communauté algérienne localement et à l'étranger qui font transiter irrégulièrement ou régulièrement des devises en Algérie montrant clairement que le marché parallèle de devises est bien plus important que l'épargne de l'émigration.
Ces montants fonctionnant comme des vases communicants entre l'étranger et l'Algérie renforcent ainsi l'offre. Il existe donc un lien dialectique entre ces sorties de devises dues à des surfacturations et l'offre, sinon cette dernière serait fortement réduite et le cours sur le marché parallèle de devises serait plus élevé, jouant donc, comme amortisseur à la chute du dinar sur le marché parallèle ; quatrièmement, la demande provient de simples citoyens qui voyagent : touristes, ceux qui se soignent à l'étranger et les hadjis du fait de la faiblesse de l'allocation de devises qui demeure très dérisoire. Mais ce sont les agences de voyages qui à défaut de bénéficier du droit au change recourent elles aussi aux devises du marché noir étant importateurs de services. Majoritairement, elles exportent des devises au lieu d'en importer comme le voudrait la logique touristique comme en Turquie, au Maroc ou en Tunisie ; cinquièmement, la forte demande provient de la sphère informelle existant une intermédiation financière informelle loin des circuits étatiques, expliquant le résultat mitigé de la mesure d'intégrer ce capital argent au sein de la sphère réelle. Sixièmement, l'écart s'explique par le passage du Remdoc au Credoc, instauré en 2009, qui a pénalisé les petites et moyennes entreprises et n'a pas permis de juguler comme cela était prévu la hausse des importations qui ont doublé depuis 2009, tout en renforçant les tendances des monopoleurs importateurs. Nombreux sont les PME/PMI pour éviter les ruptures d'approvisionnement ont dû recourir au marché parallèle de devises. A cela s'ajoute les risques du financement non conventionnel, en cas de non-maîtrise, alimentant les segments non productifs, engendrant une inflation à terme qui risque de conduire à la dépréciation du dinar tant sur le marché officiel que parallèle. Septièmement, beaucoup d'Algériens et d'étrangers utilisent le marché parallèle pour le transfert de devises, puisque chaque algérien a droit à un montant sur ses propres fonds sans passer par la banque, par voyage transféré, utilisant leurs employés pour augmenter le montant, assistant certainement, du fait de la méfiance, à une importante fuite de capitaux de ceux qui possèdent de grosses fortunes. Huitièmement, pour se prémunir contre l'inflation, et donc la détérioration du dinar algérien, l'Algérien ne place pas seulement ses actifs dans le foncier, l'immobilier ou l'or, mais une partie de l'épargne est placée dans les devises.
En effet, beaucoup de ménages se mettent dans la perspective d'une chute des réserves de change qui tiennent la valeur du dinar achètent les devises sur le marché informel.
En effet, les réserves de change selon la banque d'Algérie ont évolué récemment ainsi : 2012 :190,6 milliards de dollars, 2013 :194,0 milliard de dollars, 2014 :178,9 milliards de dollars, 2015 :144,1 milliards de dollars, 2016 : 114,1 milliards de dollars, 2017 : 97,3 milliards de dollars – et fin 2018 , 79 milliards de dollars. Si les réserves de change, richesse virtuelle qu'il s'agit de transformer en investissement productif, due non pas au travail, mais à la rente des hydrocarbures, étaient de 10/20 milliards de dollars, l'euro s'échangerait au cours officiel à plus de 200 dinars un euro et le cours sur le marché parallèle entre 250/300 dinars un euro, cotation sur ce marché, fonction de l'offre et de la demande. Le dérapage du dinar (une dévaluation doit être avalisée en conseil des ministres) sur le marché officiel contredit les lois élémentaires de l'économie où toute dévaluation en principe devrait dynamiser les exportations. En Algérie le dérapage du dinar a produit l'effet contraire, les mesures monétaires sans les synchroniser à la sphère réelle au sein d'une vision stratégique tenant compte de l'évolution du monde, ayant eu peu sans effets. C'est que le dérapage du dinar (la Banque d'Algérie parle de glissement) voile l'importance du déficit budgétaire, biaisant les comptes publics.
La raison essentielle est qu'en dévaluant le dinar par rapport au dollar, nous aurons une augmentation artificielle de la fiscalité des hydrocarbures, et la fiscalité ordinaire à travers la taxe des produits importés. Ce dérapage accéléra l'inflation intérieure. Tout cela voile l'efficacité réelle du budget de l'Etat à travers la dépense publique, et avait gonflé par le passé artificiellement le fonds de régulation des recettes calculé en dinars qui s'est épuisé fin 2017. L'inflation étant la résultante, cela renforce la défiance vis-à-vis du dinar où le cours officiel se trouve déconnecté par rapport au cours du marché parallèle traduisant le cours réel du marché.
La sphère informelle conséquence de la mauvaise gouvernance
La lutte contre la sphère informelle implique, avant tout, l'efficacité des institutions et une moralisation de la pratique des structures de l'Etat elles- mêmes au plus haut niveau de dépenses, en contradiction avec les pratiques sociales malgré des discours moralisateurs, avec cette montée de la paupérisation qui crée une névrose collective .C''est seulement quand l'Etat est droit est qu'il peut devenir un Etat de droit. Quant à l'Etat de droit, ce n'est pas un Etat fonctionnaire qui gère un consensus de conjoncture ou une duplicité provisoire, mais un Etat fonctionnel qui fonde son autorité à partir d'une certaine philosophie du droit d'une part, d'autre part par une assimilation consciente des besoins présents de la communauté et d'une vision future de ses perspectives. Dans ce cadre, la sphère informelle en Algérie est favorisée par l'instabilité juridique et le manque de visibilité de la politique socio-économique. Les entrepreneurs qu'ils soient nationaux ou étrangers demandent seulement à voir clair, du moins ceux qui misent sur le moyen et long terme (investissement inducteurs de valeur ajoutée contrairement à l'importation solution de facilité).
Or, ils sont totalement désemparés face aux changements périodiques du cadre juridique, ce qui risque de faire fuir le peu de capitaux surtout en cette période de crise qui montre le rapatriement massif vers les pays d'origine et orienter les nationaux vers la sphère informelle. Que nos responsables visitent les sites où fleurit l'informel de l'Est à l'Ouest, du Nord au Sud et ils verront que l'on peut lever des milliards de centimes à des taux d'usure mais avec des hypothèques, car existe une intermédiation financière informelle. Les mesures autoritaires bureaucratiques produisent l'effet inverse et lorsqu'un gouvernement agit administrativement et loin des mécanismes transparents et de la concertation social, la société enfante ses propres règles pour fonctionner qui ont valeur de droit puisque reposant sur un contrat entre les citoyens, s'éloignant ainsi des règles que le pouvoir veut imposer.
Exemple, les transactions aux niveaux des frontières pour contourner les myopies des bureaucraties locales, agissant sur les distorsions des prix et des taux de change et le droit coutumier dans les transactions immobilières. On ne peut isoler la sphère réelle de la sphère monétaire, le cours du dinar sur le marché parallèle en ce mois d'avril 2019 2018, dépassait avant les évènements actuels 210 dinar sun euro et depuis les évènements de février /mars 2019 220 dinars un euro dont avec la crise mondiale l'épargne de l'émigration ayant été affectée (diminution de l'offre) n'explique pas tout, l'explication essentielle étant le grossissement de la sphère informelle (accroissement également de la demande).
Le constat est donc amer, pour les petites bourses, en l'absence de mécanismes de régulation et de contrôle, les prix des produits de large consommation connaissent, comme de coutume, notamment à la veille de chaque fête des augmentations sans précédent, les discours gouvernementaux et les organisations censés sensibiliser les commerçants ayant peu d'impacts, prêchant dans le désert, les lois économiques étant insensibles aux slogans politiques. Un grand nombre d'intermédiaires entre le producteur et le consommateur (agriculture et industries tant pour la production locale que pour les importations) prend des marges non proportionnelles aux services rendus, ce qui fait que le contrôle sur le détaillant ne s'attaque pas à l'essentiel. Or, la sphère informelle contrôle quatre segments-clefs : celui des fruits et légumes, de la viande, celui du poisson pour les marchandises locales et pour l'importation, le textile- chaussures ayant un impact sur le pouvoir d'achat de la majorité des citoyens devant analyser les liens entre l'accumulation, la structuration du modèle de consommation et la répartition des revenus par couches sociales, enquêtes inexistantes en Algérie.
(A suivre)
Professeur des universités, expert international Dr Abderrahmane Mebtoul


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