Le constat est amer malgré les discours triomphants de tous les gouvernements de 1970 à nos jours: l'Algérie depuis l'indépendance politique est une économie fondamentalement rentière, le système financier, enjeu énorme de pouvoir, étant étroitement connecté à la production de la rente. Toute augmentation ou baisse du cours des hydrocarbures avec les dérivés (98/97% des recettes en devises) ont eu des incidences à la fois économiques et politiques comme en témoigne les impacts politiques de la crise de la baisse du cours entre 1986/1990. La gestion volontariste depuis l'indépendance, les enjeux de pouvoir internes, la crise économique, sociale et culturelle et, enfin les contraintes externes de plus en plus pesantes ont abouti à des changements, menés parfois à la hussarde, qui ont révélé une réalité bien amère : l'absence dramatique d'une véritable stratégie nationale d'adaptation à ce phénomène total et inexorable qu'est la mondialisation. La conjonction de facteurs endogènes et exogènes et l'intervention massive – parfois directe et par moment insidieuse – d'acteurs internes et externes a abouti à une transition qui se traîne en longueur depuis des décennies et non pas seulement pour la période actuelle. 1. Transition et réforme du système politique L'Economie est fondamentalement Politique comme nous l'ont enseigné ses fondateurs notamment Adam Smith, David Ricardo, Karl Marx, Joseph Schumpeter et plus près de nous les prix Nobel de sciences économiques attribués aux institutionnalistes entre 2000/2017. Les réformes fondement de la transition socio-économique renvoient à la refondation de l'Etat qui implique de saisir les tendances réelles de la société algérienne face tant aux mutations internes que mondiales. Les exigences d'un Etat fort de sa droiture et de son droit, si elles constituent un outil vital pour la cohésion nationale et le destin de la nation, ne doivent pas occulter les besoins d'autonomie de pouvoirs locaux qui doivent être restructurés en fonction de leur histoire anthropologique et non en fonction des nécessités électoralistes ou clientélistes. La cohésion de ces espaces et leur implication dans la gestion de leurs intérêts et de leurs territorialités respectives enclencherait alors une dynamique de complétions positives et rendront la maîtrise des groupes plus faciles pour la centralité politique nationale. L'autonomie des pouvoirs locaux ne signifie pas autonomie de gouvernement mais un acte qui renforce la bonne gouvernance en renforçant le rôle de la société civile, que seules des actions d'intérêts communs doivent légitimer et non le soutien de l'Etat. La refondation de l'Etat, pour ne pas dire sa fondation comme entité civile, passe nécessairement par une mutation profonde de la fonction sociale de la politique. La fin de l'Etat de la mamelle, puis celle de la légitimité révolutionnaire, signifie surtout que le pouvoir bienfaisant ou de bienfaisances inaugurées comme contrat politique implicite par les tenants du socialisme de la mamelle afin de légitimer l'échange d'une partie de la rente contre la dépendance et la soumission politiques et qui efface tout esprit de citoyenneté active, ce pouvoir doit céder la place à un pouvoir juste, justicier et de justice. C'est la norme du droit qui reprend sa place pour légitimer le véritable statut de la citoyenneté nationale. Le passage de l'Etat de «soutien» à l'Etat de justice est de mon point de vue un pari politique majeur, car il implique tout simplement un nouveau contrat social et un nouveau contrat politique entre la Nation et l'Etat. L'Algérie ne peut revenir à elle même que si les faux privilèges sont bannis et les critères de compétence, de loyauté et d'innovation sont réinstaurés comme passerelles de la réussite et de promotion sociale. La compétence n'est nullement synonyme de postes dans la hiérarchie informelle, ni un positionnement dans la perception d'une rente, elle se suffit à elle-même et son efficacité et sa légitimité se vérifient surtout dans la pertinence des idées et la symbolique positive qu'elle ancre dans les corps et les acteurs sociaux. Et la compétence n'est pas un diplôme uniquement mais une conscience et une substance qui nourrissent les institutions et construisent les bases du savoir afin d'avoir un impact réel sur la dynamique sociale globale. afin de réaliser les aspirations d'une Algérie arrimée à la modernité tout en préservant son authenticité. La refondation de l'Etat ne saurait se limiter à une réorganisation technique de l'autorité et des pouvoirs. La gouvernance est une question d'intelligence et de légitimité réelle et non fictive. Cela implique des réaménagements dans l'organisation du pouvoir devant poser la problématique stratégique du futur rôle de l'Etat largement influencé par les effets de la mondialisation dans le développement économique et social notamment à travers une réelle décentralisation. Cellule de base par excellence, la commune algérienne a été régie par des textes qui ne sont plus d'actualité, autrement dit frappés de caducité. «L'objectif central de la démarche est de transformer la commune «providence» en «commune entreprise». Cela suppose que toutes les composantes de la société et les acteurs de la vie économique, sociale et culturelle, soient impliqués, sans exclusive, dans le processus décisionnel qui engage la configuration de l'image de l'Algérie de demain qui devra progressivement s'éloigner du spectre de l'exclusion, de la marginalisation et de toutes les attitudes négatives qui hypothèquent la cohésion sociale. L'implication du citoyen dans le processus décisionnel qui engage l'avenir des générations futures, est une manière pour l'Etat, de marquer sa volonté de justice et de réhabiliter sa crédibilité en donnant un sens positif à son rôle de régulateur et d'arbitre de la demande sociale. L'image de la commune-manager repose sur la nécessité de faire plus et mieux avec des ressources restreintes. Il n'y aurait donc plus de place pour le gaspillage et le droit à l'erreur, ce qui exclut obligatoirement le pilotage à vue, au profit des actions fiabilisées par des perspectives de long terme d'une part, et les arbitrages cohérents d'autre part, qu'implique la rigueur de l'acte de gestion. Ce qui nous amène à aborder les fondements politico-institutionnel démocratique, la refonte du système partisan et la société civile. 2. Transition et restructuration du système partisan et de la société civile En raison des crises internes qui les secouent périodiquement, du discrédit qui frappent la majorité d'entre elles, de la défiance nourrie à leur égard et à l'endroit du militantisme partisan, se pose cette question si les formations politiques- pouvoir et opposition sont dans la capacité aujourd'hui de faire un travail de mobilisation et d'encadrement efficient, évitant un affrontement direct citoyens forces de sécurité et donc de contribuer significativement à la socialisation politique et donc d'apporter une contribution efficace à l'œuvre de redressement national, assistant souvent à leur déconnexion par rapport à la vitalité de la société toujours en mouvement. D'où l'urgence de leur restructuration. Il s'agit d'introduire d'avantage de rigueur dans la procédure relative à la création des partis, sans pour cela verser dans l'excès qu'induit inévitablement toute approche bureaucratique de la chose politique. Il est sans doute utile, voire nécessaire, de s'intéresser à la représentativité des partis avant de décider de leur avenir. En tout état de cause, il nous semble plus équitable, et plus juste politiquement, de raisonner en termes de marché électoral et de laisser, dès lors, les règles du jeu politique et le nombre d'acteurs qui s'y adonnent, se fixer de manière concurrentielle. Le rôle des pouvoirs publics consistera alors à mettre en place les garde-fous indispensables et à veiller au respect strict des lois et des règles qui régissent le fonctionnement de ce marché. Quant à la société civile force est de constater qu'elle est impotente. La confusion qui prévaut actuellement dans le mouvement associatif national rend malaisée l'élaboration d'une stratégie visant à sa prise en charge et à sa mobilisation. L'implication de la société civile dans les affaires de la cité est un acte éminemment civilisationnel, qui intègre les changements d'une société en pleine mutation, et une manière d'aboutir à un projet de progrès. Sa diversité, les courants politico-idéologiques qui la traverse et sa relation complexe à la société et à l'Etat ajoutent à cette confusion rendent impératif une réflexion collective. En raison de la jeunesse très grande de la société civile, des conditions historiques qui ont présidé à sa naissance et des évènements tragiques qu'a connus notre pays et auxquels elle a été directement ou indirectement associée, la question qui touche à sa mobilisation doit être traitée avec une attention et une vigilance soutenues. Constituée dans la foulée des luttes politiques qui ont dominé les premières années de l'ouverture démocratique, elle reflètera les grandes fractures survenues dans le système politique national. Sollicitée à maintes reprises, et à l'occasion d'échéances parfois cruciales, cette dernière manifestera souvent sa présence d'une manière formelle et ostentatoire, impuissante presque toujours à agir sur le cours des choses et à formuler clairement les préoccupations et les aspirations de la société réelle. Il est urgent une action vigoureuse de réorganisation et de redynamisation qui ne pourra être que salutaire pour elle. Cette action permettra, entre autres d'offrir un cadre adéquat d'expression collective à des centaines de milliers de jeunes et de moins jeunes qui ne sont pas structurés et qui ne demandent qu'à être utiles et à mettre au service de la communauté leur bonne volonté et leur générosité. Dans cet ordre d'idées, l'Etat doit encourager la création d'associations dans des secteurs qui sont porteurs mais qui restent vierges et complètement ignorés du mouvement associatif ; de faire de ce cadre un instrument efficace d'encadrement de forces vives qui agissent dans la société de manière dispersée et un levier puissant de leur mobilisation en vue de leur implication active dans l'œuvre de redressement national. Mais cette politique n'a de chance de réussir que si le mouvement associatif est assaini et que si les associations qui le composent ne soient pas au service d'ambitions personnelles inavouables et parfois douteuses. Le soutien multiforme qu'accorde l'Etat au mouvement associatif peut s'avérer un puissant levier de promotion pour peu que son utilisation se fasse sur la base de critères objectifs. 3. La transition d' une économie de rente à une économie hors hydrocarbures Comme je l'ai démontré dans un ouvrage parue à l'Office des Publications Universitaires (OPU Alger 1983) «valeur, prix et croissance économique», en référence à la théorie de la thermodynamique le monde est en perpétuel mouvement. Même la pierre et notre univers (avec le réchauffement climatique influences géostratégiques sur la cartographie géographique mondiale) que l'on croit inerte se décompose lentement à travers les décennies et les siècles. La société n'échappe pas à cette règle ou les mouvements culturels (qui seront prépondérants entre 2030/2040), économiques, sociaux, politiques avec des acteurs n'ayant pas toujours les mêmes objectifs, engendrent des transformations soit positive sou négatives. Le temps ne se rattrape jamais en économie que l'on pout définir comme la maitrise et le gain du temps. Toute Nation qui n'avance pas recule forcément mes de niveau de vie comparée aux profondes transformations mondiales C'est dans ce cadre que le défit du futur président peut se résumer ainsi : soit une véritable stratégie d'adaptation à ce monde turbulent et instable, de profondes réformes afin de favoriser le développement durable ou une régression de l'Algérie tant dans le domaine économique, social, politique et militaire dans la mesure ou le véritable pouvoir économique mondial et l'influence diplomatique au niveau de la diplomatie repose sur une économie forte, où les deux pivots du développement du XXIème siècle sont la bonne gouvernance et la maitrise du savoir étant l''aube de la quatrième révolution économique mondiale 2020/20030. Il n'est plus permis aujourd'hui de faire l'impasse sur le rôle que des acteurs résidents, mus puissamment par des intérêts organiquement liés à la distribution de la rente, qui ont pu à un moment où à un autre peser dans un sens franchement défavorable aux réformes politiques et économiques. De même qu'il n'est plus possible, du point de vue de l'analyse aussi, d'occulter le rôle que d'autres acteurs, externes ceux-là, ont pu jouer dans un sens tout aussi défavorable, motivés qu'ils étaient eux aussi par la défense d'intérêts de groupes ou de personnes que la poursuite d'un commerce hautement lucratif rendait allergiques à toute velléité de changement et de réformes. (A suivre) Professeur des universités, expert international Dr Abderrahmane Mebtoul