Le pacte de croissance, annoncé à grandes pompes, signé il y a de cela cinq années sans résultats autant que les différentes réunions gouvernement walis, n'ont pas changé la situation économique du pays caractérisée par le syndrome hollandais (dominance de la rente qui engendre la corruption et dévalorise le travail). La réunion prévue en ce mois de juin 2013, ne s'inscrit –elle pas dans une optique de combler le vide afin d'éviter les tensions sociales, dans la mesure où se dessine deux scénarios. Le premier est d'aller vers l'élection présidentielle d'avril 2014, sans remous sociaux dépenser sans compter, en différant la résolution des véritables problèmes et en essayant de tranquilliser la population avec un discours optimiste. Le second scénario, avec des garanties au Président Abdelaziz Bouteflika, comme cela a été fait à l'époque avec le président Chadli Bendjedid, serait de faire appel à un homme de grande moralité (l'Algérie traversant une très grave crise morale qui se répercute négativement sur l'économique) et de consensus tant au niveau de la société que de l'institution militaire, seule force organisée face à l'émiettement des partis ,sans impacts, qui sont un paravent, après un appel de toutes les forces du pays, pour sauver l'Algérie, afin de préparer la transition démocratique pour une période de deux années et éviter ainsi ce que l'on a qualifié peut être faussement de printemps arabe avec des garanties Dans ce cadre, comme ne pas rappeler qu' en 2005, j'ai eu l'honneur de coordonner un ouvrage pluridisciplinaire d'une brulante actualité ,ayant abordé les réformes politiques, sociales et économiques, fruit d'un travail collectif à la rédaction duquel ont contribué des collègues spécialistes en anthropologie, en économie et en sciences politiques des universités d'Oran et d'Alger(1). A cette époque j'ai donné plusieurs conférences aux universités de Annaba, Constantine de Tizi Ouzou, de Sid Bel Abbès et d'Oran avant de clôturer à l'école nationale d'administration d'Alger(ENA) qui a vu la présence de représentants de la présidence de la république, des membres du gouvernements , des ambassadeurs accrédités à Alger, de hauts cadres de l'Etat et des professeurs d' Universités et ce afin pour expliquer notre démarche de la transition fondée sur l'alternance démocratique tenant compte de notre anthropologie culturelle. L'objet de cette contribution réactualisée, est un bref rappel des conclusions de ce travail d'une brulante actualité, l'économie étant avant tout politique comme nous l'on enseigné les classiques de l'économie. 1. Muter le système sociopolitique actuel, en dynamisant les collectivités locales L'absence volontaire ou préméditée d'une élite organique agissante, capable d'élaborer des idées structurantes et peser par ses analyses sur les tendances et les choix majeurs qui fondent et marquent le lien social, s'est faite sentir particulièrement face à la déferlante des idéologies peu crédibles et souvent impertinentes. La logique des alliances et la sémantique des discours politiques en vogue expriment actuellement une sorte d'égarement intellectuel qui frappe de plein fouet l'action politique et particulièrement son rapport avec la société. Les Algériens veulent vivre leurs différences dans la communion et non dans la confrontation que leur imposent les idéologies réfractaires. Les exigences d'un Etat fort de sa droiture et de son droit, si elles constituent un outil vital pour la cohésion nationale et le destin de la nation, ne doivent pas occulter les besoins d'autonomie de pouvoirs locaux qui doivent être restructurés en fonction de leur histoire anthropologique et non en fonction des nécessités électoralistes ou clientélistes. La cohésion de ces espaces et leur implication dans la gestion de leurs intérêts et de leurs territorialités respectives enclencherait alors une dynamique de compétitions positives. L'autonomie des pouvoirs locaux ne signifie pas autonomie de gouvernement mais un acte qui renforce la bonne gouvernance en renforçant le rôle de la société civile, que seules des actions d'intérêts communs doivent légitimer et non le soutien de l'Etat. La refondation de l'Etat, pour ne pas dire sa fondation comme entité civile, passe nécessairement par une mutation profonde de la fonction sociale de la politique. La fin de l'Etat de la mamelle, puis celle de la légitimité révolutionnaire, signifie surtout que le pouvoir bienfaisant ou de bienfaisances inaugurées comme contrat politique implicite par les tenants du socialisme de la mamelle afin de légitimer l'échange d'une partie de la rente contre la dépendance et la soumission politiques et qui efface tout esprit de citoyenneté active, ce pouvoir doit céder la place à un pouvoir juste, justicier et de justice. C'est la norme du droit qui reprend sa place pour légitimer le véritable statut de la citoyenneté nationale. Le passage de l'Etat de « soutien » à l'Etat de justice est de mon point de vue un pari politique majeur, car il implique tout simplement un nouveau contrat social et un nouveau contrat politique entre la Nation et l'Etat. La construction politique passe aujourd'hui nécessairement par la dialectique de l'alternance politique, en limitant les mandats présidentiels afin d ‘éviter une cour stérile. L'Algérie ne peut revenir à elle-même que si les faux privilèges sont bannis et les critères de compétence, de loyauté et d'innovation sont réinstaurés comme passerelles de la réussite et de promotion sociale. La compétence n'est nullement synonyme de postes dans la hiérarchie informelle, ni un positionnement dans la perception d'une rente. Son efficacité et sa légitimité se vérifient surtout dans la pertinence des idées et la symbolique positive qu'elle ancre dans les corps et les acteurs sociaux. Sans cela, les grandes fractures politiques et sociales sont à venir pour l'Algérie, impliquant la refondation de l'Etat qui ne saurait se limiter à une réorganisation technique de l'autorité et des pouvoirs. Elle passe par une transparence totale et une clarté sans nuance dans la pratique politique et les hommes chargés par la Nation de la faire se fondant sur la moralité et la tolérance des idées d'autrui. Cela implique des réaménagements dans l'organisation du pouvoir assis actuellement sur la rente des hydrocarbures. Cela pose la problématique stratégique du futur rôle de l'Etat largement influencé par les effets de la mondialisation dans le développement économique et social notamment à travers une réelle décentralisation, qui ne saurait signifier déconcentration qui aboutirait à une bureaucratie locale beaucoup plus néfaste que la centrale. D'ailleurs le poids de la bureaucratie est le frein essentiel à l'investissement productif tissant des liens dialectiques avec la logique rentière et produisant la sphère informelle où tout se traite en cash favorisant les transactions illégales et la corruption(2). Cellule de base par excellence, la commune algérienne, l'objectif stratégique est de transformer la commune « providence » en « commune entreprise ».devant rentrer dans le cadre d'une stratégie globale de la régionalisation économique qui ne saurait signifier régionalisme, car renforçant l'autorité de l'Etat Nation sur des bases démocratiques grâce à la cohésion régionale. Cela suppose que toutes les composantes de la société et les acteurs de la vie économique, sociale et culturelle, soient impliqués, sans exclusive, dans le processus décisionnel qui engage la configuration de l'image de l'Algérie de demain qui devra progressivement s'éloigner du spectre de l'exclusion, de la marginalisation et de toutes les attitudes négatives qui hypothèquent la cohésion sociale. L'implication du citoyen dans le processus décisionnel qui engage l'avenir des générations futures, est une manière pour l'Etat, de marquer sa volonté de justice et de réhabiliter sa crédibilité en donnant un sens positif à son rôle de régulateur et d'arbitre de la demande sociale.. L'implication de la société civile dans les affaires de la cité est un acte éminemment civilisationnel, qui intègre les changements d'une société en pleine mutation, largement influencée par l'internationalisation. L'image de la commune-manager repose sur la nécessité de faire plus et mieux avec des ressources restreintes. Il n'y aurait donc plus de place pour le gaspillage et le droit à l'erreur, ce qui exclut obligatoirement le pilotage à vue, au profit des actions fiabilisées par des perspectives de long terme d'une part, et les arbitrages cohérents d'autre part, qu'implique la rigueur de l'acte de gestion ce qui impliquera d'ailleurs une mutation des fondements politico-institutionnel sur des bases démocratiques par la refonte du système partisan, de la société civile et du système d'information. 2. La dialectique contradictoire rente/réformes S'inscrivant en partie dans la tradition déjà bien établie des travaux de transitologie qui traitent des expériences des pays du Tiers Monde et de l'ex bloc socialiste en matière de transition démocratique, un bilan serein et sans complaisance, évitant la fuite en avant, et l'autosatisfaction que contredit la situation actuelle, aboutissant à une nécrose collective et à une méfiance accrue des citoyens vis-à-vis des responsables déconnectés des réalités , doit être établi concernant les politiques que différentes équipes gouvernementales en guise de réponses aux grands défis d'une mondialisation. Ces politiques, avec des résultats mitigés malgré une dépense publique sans précédent entre 2000/2013, disons le franchement et dès maintenant, n'ont pas été sans conséquences particulièrement graves et durables sur l'état général du pays. Vieillissement des élites politiques issues de la guerre de libération nationale et de la gestion volontariste des premières années de l'indépendance, obsolescence du système politique et enjeux de pouvoir internes, crise économique, sociale et culturelle et, enfin, contraintes externes de plus en plus pesantes ont abouti à des changements qui ont révélé une réalité bien amère : l'absence dramatique d'une véritable stratégie nationale d'adaptation à ce phénomène total et inexorable qu'est la mondialisation. La conjonction de facteurs endogènes et exogènes et l'intervention massive – parfois directe et par moment insidieuse – d'acteurs internes et externes a abouti finalement à une crise systémique d'une ampleur inattendue et à une transition chaotique qui se traîne en longueur depuis au moins 1986. Il n'est plus permis aujourd'hui de faire l'impasse sur le rôle que des acteurs résidents, mus puissamment par des intérêts organiquement liés à la distribution de la rente, ont pu à un moment où à un autre peser dans un sens franchement défavorable aux réformes politiques et économiques. De même qu'il n'est plus possible, du point de vue de l'analyse aussi, d'occulter le rôle que d'autres acteurs, externes ceux-là, ont pu jouer dans un sens tout aussi défavorable, motivés qu'ils étaient eux aussi par la défense d'intérêts de groupes ou de personnes que la poursuite d'un commerce hautement lucratif rendait allergiques à toute velléité de changement et de réforme. Des acteurs internes aussi bien que des acteurs externes ont agi clairement dans le sens contraire, encourageant et défendant, par des moyens divers, la mise en œuvre de réformes dont la nécessité n'échappe à personne. Aussi les réformes en profondeur du fonctionnement de la société algérienne et non des replâtrages organisationnels, impliquent d'analyser avec lucidité les relations dialectiques réformes et les segments de la production de la rente ( Sonatrach) et celui de sa redistribution ( système financier), aboutissant à des résistances aux réformes bouleversant des intérêts, les gagnants de demain n'étant pas forcément ceux d'aujourd'hui. Lorsque la valeur de la rente des hydrocarbures s'accroit, paradoxalement les réformes sont freinées et l'on assiste à une redistribution passive de la rente pour une paix sociale éphémère avec l'extension de la corruption et une concentration excessive du revenu national au profit d'une minorité rentière. Cela couple contradictoire rente/réformes explique fondamentalement l'instabilité juridique et le manque de cohérence et de visibilité dans la réforme globale. En résumé, l'Algérie qui traverse une phase cruciale de son histoire a besoin qu'un regard critique et juste soit posé sur sa situation sur ce qui a déjà été accompli et sur ce qu'il s'agit d'accomplir encore au profit exclusif d'une patrie qui a besoin de se retrouver et de réunir tous ses enfants autour d'une même ambition et d'une même espérance : un développement harmonieux conciliant efficacité économique et une profonde justice sociale. Notes : (1)- Ouvrage collectif sous la direction du professeur Abderrahmane MEBTOUL « Les enjeux de l'Algérie : réformes et démocratie » 2 volumes Casbah Edition Alger- 2005 (520 pages) avec la participation du professeur en sciences économiques Bouchama CHOUAM- du professeur en sociologie culturelle Mohammed TAIBI, de Youcef IKHLEF enseignant en sciences politiques Université d'Alger- de Boutlelis ARAF universitaire financier- Mohamed SABRI diplômé en sciences politiques Paris. (2) une importante étude sous la direction du Pr A. MEBTOUL toujours dans le cadre de l'Institut Français des Relations Internationales ( IFRI) où dans le nouveau Global Go To Think Tanks Report 2012 de l'Université de Pennsylvanie, l'IFRI est classé au 22e rang des 100 think tanks les plus influents au monde, Etats-Unis compris) , sur le thème « l'intégration du Maghreb confrontée à la dominance de la sphère informelle ». Cette étude paraitra la mi-septembre 2013, la sphère informelle ayant plusieurs facettes renvoyant à la corruption et donc à l'instauration d'un Etat de Droit : drogue, trafic d'armes, transfert illégal de devises, de marchandises, travail au noir etc. À propos de l'auteur Professeur Abderrahmane Mebtoul , auteur de 20 ouvrages et de nombreuses contributions internationales- Expert international –Expert-comptable de l'Institut supérieur de gestion de Lille (1973) -Docteur d'Etat en gestion (1974) - Directeur d'Etudes Ministère Energie/Sonatrach 1974/1979-1990/1995-2000/2006- ancien magistrat- premier conseiller à la Cour des comptes (1980/1983) président du Conseil algérien des privatisations -rang Ministre Délégué- (1996/1999) –Directeur d'Etudes au cabinet de la sûreté nationale- DGSN - (1997/1998) et Expert à la présidence de la république 2007/2008- mobile 00213661552928