Celui qui nous a fait vibrer durant notre jeunesse est parti sans dire au revoir. Abdelmadjid Krokro n'est plus. Il a croqué la vie et le football à pleine dent : jamais un footballeur de la trempe de Krokro Abdelmadjid n'est réapparu dans le domaine footballistique constantinois, Krokro était une exception. Quand on évoque le nom de certains artistes, leur souvenir revient en mémoire. Cette jonction avec les hommes d'antan qui ont fait l'histoire du sport national, est un moment de nostalgie. L'histoire de notre football est pleine d'exploits. Nos clubs ont toujours enfanté des joueurs de talent, de haute qualité technique, même s'ils n'ont pas brillé à l'échelle internationale. De leurs prouesses, ils ont marqué le football algérien. Qui se souvient de la prestigieuse équipe du MO Constantine du temps des frères Fendi, Khaine, Gamouh, Krokro et bien d'autres ? Un quatuor que toutes les équipes rêvaient d'avoir, a charmé les spectateurs par sa technique exceptionnelle. Certes les années ont passé, mais leurs exploits restent à jamais gravés dans nos mémoires. Ils ont inscrit en lettres d'or leur nom dans les annales de la balle ronde constantinoise en particulier et nationale en général. Natif d'un quartier populaire de Constantine, Aouinet El-Foul, Krokro, a commencé à taper dans un ballon très jeune. Avec son compagnon de longue date, Khaine, il a fait l'école buissonnière avant d'être découvert par Hammoudi qui leur fit signer leur première licence au MO Constantine. Déjà petit, il émerveilla, par ses prouesses, au point d'intégrer l'équipe juniors lors d'un certain MOC-JSM Skikda des Boulaâssel et Draoui. C'était l'apothéose pour Krokro qui gagna, la même année, la coupe d'Algérie contre l'USM Maison Carrée, l'actuelle USM El Harrach, 4-1 dont trois buts furent son œuvre. Continuant sur sa lancée, il sauta presque une «classe» pour se retrouver en équipe fanion. De son premier match, il garde un souvenir indélébile. Quoique la rencontre se soit soldée par un nul, il réussit à tromper la vigilance d'El Okbi, le gardien volant de l'USM Alger, en dépit de la présence dans les rangs Usmistes de Bernaoui, Berroudji et consorts. Malheureusement les Fendi,Gamouh, Zoghmar, Krokro n'ont pas empêché le MOC de rétrograder. Leur remontée, après deux années, fut couronnée d'une seconde place. Ce qui leur donnait droit de prendre part aux championnats maghrébins où Krokro n'a pu s'exprimer pleinement comme à son habitude. Les mondialistes marocains Assila et Fares étaient plus incisifs. Au cours de sa longue carrière, Krokro, malheureusement, n'a jamais pu goûter aux joies de la consécration. En effet, à deux reprises, il échoue en finale de coupe. La première fois en 1975 face au MC Oran des Freha, Hadefi et Belkedroussi et la seconde fois (l'année suivante) devant le grand MC Alger des Benchikh, Bachta, Betrouni. Mais ce qu'il regrette le plus, c'est de n'avoir pas porté le maillot national en dépit de quelques convocations. Il vient de nous quitter sans nous dire adieu. Krokro a savouré une retraite bien méritée tout en ayant une pensée respectueuse pour ses anciens compagnons de route, amis et adversaires. Une école footballistique pourvoyeuse de talents... Le Mouloudia Olympique de Constantine a vu le jour en date du 15 décembre 1939. Cette historique formation de la ville des ponts suspendus a été créée par le grand savant Abdelhamid Ibn Badis, cheikh spirituel des Oulémas qui durant la période coloniale a jugé utile l'existence d'un club de football arborant les couleurs blanches et violettes qui symbolisaient respectivement l'Islam et la science. Abdelhamid Ibn Badis, un homme pieux et intellectuellement scientifique, tourné vers la religion islamique, premier défenseur de la cause algérienne par ses paroles immortelles de «Chaâb el Djazair, Mouslimou, oua ila el Ourouba yantassib». Le MOC, grande formation de football surnommée à l'époque les Mouloudéens, les Ouleds Ben Badis, les loups blancs, les Blanc et Bleu avait pour sigle le Maahid Oulam de Constantine (MOC 1983-1989), puis Mouloudia Oulam de Constantine (MOC 1989-2010) puis Mouloudia Olympique de Constantine depuis 2010 à ce jour, et dont la domiciliation est le stade Benabdelmalek. Les présidents qui se sont succédé sont Abdelkrim Benemouffok (1940-1944), Medjdoudj Benemouffok (1974-1975), Abdelhak Demigha, Mohamed Berrahal, Messaoud Bourfaa, Abdelhak Madani, Mohamed Diabi (ex-président de la FAF et premier président à remporter un titre de champion d'Algérie 1990-1991) avec la composante suivante : Laouer, Manaâ, Bounaâs, Zeghdoud, Mamar, Tniou, Boutaf, Mechhoud, Belhadri, Kaoua, Driss sous la houlette du coach docteur en méthodologie du football en l'occurrence, Bouarrata. Le MOC a participé à la Ligue des champions d'Afrique en 1991-1992 puis à la coupe de la CAF en 2000-2001. Cependant, historiquement parlant après quelque temps, le choix de la couleur violette fut remis en question et les dirigeants du club décidèrent de lui substituer une autre couleur sans pour autant changer sa symbolique, et c'est ainsi que le bleu se maria à la blanche pour représenter l'un des clubs historiques de la ville des ponts. Pendant la période coloniale, le club, comme les franges de la société algérienne, s'est engagé dans la lutte contre les forces coloniales et a mis tout en œuvre pour prêter main-forte aux compatriotes algériens dans la lutte et le combat d'une Algérie libre et indépendante. Cet engagement patriotique a pris une forme politico-culturelle et ce par la création de partis politiques et associations sportives et culturelles. Après l'indépendance en 1962 et jusqu'en 1978, le club connaît une grande prospérité et s'impose comme l'une des meilleures équipes d'Algérie qui figurait régulièrement dans le top 5 de la première division. Le MOC possède un bon palmarès avec trois finales de la coupe d'Algérie (1964, 1975 et 1976), et ce, après avoir décroché avec succès la seconde place en championnat, également à trois reprises (1972, 1974 et 2000). Ce riche palmarès et ces succès sont dus principalement à la présence de deux générations inoubliables, la première celle des Zefzef, Sofiane, Abdenouri et autres et qui a su mettre ses talents en valeur en révélant des joueurs de très haut niveau et celle non moins brillante qui lui succéda avec les Gamouh, Fendi, Barkat, Krokro, Zoghmar et autres Khaine qui a fait non seulement les plus beaux jours du club des Blanc et Bleue mais aussi de l'équipe nationale algérienne. Qui de nous ne se rappelle pas du grand défenseur Barkat, de l'excellent rouquin Gamouh de taille très moyenne mais bien campé sur ses jambes qui réalisa des miracles avec les Verts, sans oublier la coqueluche constantinoise qu'était le magnifique Krokro. En 1976 et en date du 16 mai, le Mouloudia Olympique de Constantine bat le record d'affluence et regroupe plus de 60 000 spectateurs pour la rencontre de football avec le Mouloudia Club d'Alger (MCA). L'équipe finaliste de cinq coupes d'Algérie comptait dans son effectif les joueurs suivants : Naîdja (Soucha), Megri Barkat, Adlani Djamel (Fendi Salem) Zoghmar Khaine, Fendi Abdelhafid, Krokro Adlani, Bouznada, Gamouh, avec l'entraîneur Belabidi. Pour l'histoire et pour les mordus du football constantinois, les derbys MOC-CSC étaient attendus avec impatience et les supporters des deux clubs animaient les débats un mois à l'avance, si ce n'est plus, dans une ambiance des plus électriques, et tout cela dans une grande sportivité et un fair-play total. C'était la belle époque, le beau football, la joie, l'amitié. La réussite du MOC s'est faite grâce aux dirigeants dévoués de l'époque et l'union sacrée de tous les Mouloudéens qui faisaient tout pour avancer sur la bonne voie afin de mettre les Mocistes à leur vraie place. Il faut rendre hommage au regretté Mohamed Diabi, président du MOC et président de la Fédération algérienne de football qui a été un légaliste du travail dans la transparence et qui a beaucoup apporté pour les Mocistes. De grands et compétents entraîneurs sont passés par ce club à l'image de Rachid Bouarrata, Christian Zermatten, Rachid Cheradi, Adlani Dalem et Samir Houhou, Tebib Mohamed, Hamid Zouba, Benzekri Nour, Cotchino, Mehdaoui Abderahmane, Manuel Madureira, Kioua Mustapha, Zekri Rabia, Beldjoudi Abdelkader, Jao Angusto Alvés, Mourad Slatni, Dan Angelescu, Abdellah Bouguerra, Hakim Boufenara, Latreche et Ali Mechiche. Le MOC végète dans les divisions inférieures. Il est grand temps de faire le ménage et de rendre au club constantinois sa vraie place.