Le long- métrage de fiction «Fatwa», histoire sanglante d'une famille tunisienne en proie à l'obscurantisme religieux et à la violence qu'à connu ce pays après la chute du régime en place en 2011, du réalisateur Mahmoud Ben Mahmoud, a été projeté samedi soir au public algérois. D'une durée de 102 mn, ce film a été présenté au jury de la section long métrage du 10e Festival international du cinéma d'Alger (Fica) qui se tient depuis jeudi dans les salles de l'Office Ryadh El Feth. Cette fiction relate l'histoire de Brahim, Tunisien vivant en France qui rentre au pays enterrer son fils Marouane décédé dans un accident de moto. Jugeant que les circonstances du décès de son fils demeurent opaques il décide de remonter le fil des trois dernières années de son fils. Découvrant que son défunt fils militait dans un groupe islamiste, Brahim interroge son ex-femme, députée et militante contre la montée l'extrémisme religieux en Tunisie, et découvre qu'elle avait été condamnée à mort par ce groupe après la parution de son livre et que son propre fils l'avait menacé avant de quitter la maison familiale. Installé dans l'ancien appartement de son fils, Brahim met en doute le rapport sur le décès de son fils et son endoctrinement, lui qui était étudiant aux beaux-arts. par ce prisme le réalisateur montre toute l'ampleur et la puissance de l'endoctrinement qui pousse un jeune peintre à battre à mort sa muse et menacer sa propre mère. Si le film, se déroulant en 2013, se base sur l'endoctrinement et la montée en puissance de l'extrémisme en plus de la résistance de la société civile tunisienne et des citoyens il se termine cependant sur une note d'extrême violence critiqué par le public. Inauguré jeudi, le 10e Fica se poursuit avec encore au programme de la compétition des films comme "La Bolduc" du canadien François Bouvier, "Yuli" de l'Espagnole Iciar Bollain, ou encore "Paysages d'automne de Merzak Allouache projeté en avant-première algérienne. La situation de la femme créatrice dans le cinéma en débat «Femmes au cinéma, femmes de cinéma» a été, dimanche à la salle Frantz Fanon à l'Office Riadh El Feth (Alger), le thème d'une table ronde organisée dans le cadre du 10e Festival international du cinéma d'Alger (Fica), en présence de la cinéaste algérienne Amina Bedjaoui Haddad et de cinéastes femmes d'Italie, de France et de Burkina Faso. Cette rencontre dont la modératrice a été la critique franco-algérienne Nadia Meflah a permis d'évoquer les disparités entre cinéastes hommes et femmes en termes de thèmes traités, d'opportunités de travail et de financement aussi bien dans les pays développés que dans les pays en développement. Les participantes ont, ainsi, mis en exergue les difficultés auxquelles elles sont confrontées dans les différents métiers du cinéma, notamment la réalisation et la production. Soulignant que «les réalisatrices sont souvent critiquées pour les thèmes qu'elles choisissent», les intervenantes ont été unanimes à dire que «nombreux sont les cinéastes et critiques qui estiment que les cinéastes femmes devraient se contenter des thèmes relatifs à la femme et laisser les autres sujets aux hommes». Dans ce cadre, la cinéaste burkinabé Apolline Traoré a raconté que le fait de traiter dans l'un de ses films le problème de l'impuissance sexuelle a suscité "une vague d'indignation et de colère" non seulement chez les cinéastes et les critiques mais aussi chez le public. Entre autres problèmes rencontrés, elle a cité la difficulté d'obtenir un financement en comparaison avec ses collègues hommes. Pour sa part, la cinéaste française, née à Constantine, Jacqueline Gozland a estimé que «la femme qui, temps de conflit et de guerre, participe à la résistance aux côtés de l'homme, voit son rôle régressé, une fois la paix et la sécurité restaurées, en ce sens que la société tente de la confiner dans les tâches ménagères et l'éducation des enfants». L'écrivaine et journaliste italienne Luciana Castellina a mis en exergue l'impératif pour les femmes cinéastes de diversifier les thèmes abordés sans pour autant laisser de côté les questions propres à la femme, qui sont traitées avec beaucoup d'esthétisme et de courage, soulignant les efforts consentis dans le domaine du cinéma pour imposer la vision de la femme. Elle a fait savoir que la problématique soulevée n'était pas spécifique aux pays en développement mais aussi aux pays où l'industrie cinématographique est prospère, citant le nombre de cinéastes distinguées dans les plus grands festivals, à l'image de «Cannes» ou des «Oscars». De son côté, la réalisatrice Amina Haddad a souligné la volonté ses cinéastes algériennes de s'imposer par leur travail et leur engagement, citant pour exemple les jeunes réalisatrices à l'instar de Drifa Mezenner et Yasmine Chouikh. Affirmant que les efforts des cinéastes algériennes ne se limitent pas à la production, elle a tenu à saluer les démarches visant à trouver des espaces à même de contribuer au développement du cinéma et à transmettre, par l'image, les préoccupations du citoyen. Pour les participantes, le plus important reste la présentation des œuvres aux téléspectateurs et à faire parvenir le message. Le 10e Fica se poursuivra jusqu'au 16 novembre à salle Ibn Zaydoun.