Si cette restitution inachevée doit être saluée, elle met en exergue des pans entiers de l'Histoire refoulée. La réception officielle de ces crânes des martyrs algériens rend un hommage certain à ces hommes et femmes qui ont fait l'Algérie. Toutefois, l'absence de toute représentation officielle française interroge. La dignité de ces crânes algériens détenus au Musée de l'Homme à Paris pendant tant de décennies ne méritait-elle pas la présence d'officiels français ? Quelle absence non justifiée ! Encore une fois, le traitement silencieux de représentants français est typique de ce malaise officiel et du peu de considération pour les populations concernées en France et en Algérie. Puisque les raisons d'Etat tardent à dépasser ces blocages, les sociétés civiles des deux rives de la Méditerranée sont amenées à bousculer cette posture officielle. L'appel aux descendants des martyrs algériens à se manifester. Le compte n'y est pas. Seuls vingt-quatre crânes ont été restitués. D'autres crânes algériens ainsi séquestrés sont toujours et encore entreposés, dans les armoires du Musée de l'Homme. Peut-on se contenter de ce premier geste ? L'Association Le Grand Maghreb lance un appel solennel aux descendants de ces Algériens à se manifester, se constituer en collectif pour user de la voie judiciaire et permettre le rapatriement des restes algériens. Pour le repos de leurs âmes sur les terres de l'Algérie, restons vigilants. Les tabous officiels de l'Histoire de l'Algérie et de la France pèsent encore aujourd'hui sur l'inconscient de la diaspora franco-algérienne en France. Il est évident que l'Algérie et la France ont un passé commun et un avenir partagé. La communauté franco-algérienne en est la parfaite illustration. Elle porte en elle-même dans son inconscient collectif ce malaise identitaire. Il est éloquent qu'un grand nombre des chibanis et des personnes âgées nés dans les années trente ont un état civil quasi inconnu. Combien de ces personnes sont-elles nées le 1er janvier ? Cette conception fallacieuse des naissances marque la volonté délibérée de nier l'existence, le passé et d'effacer l'Histoire. Elle rejaillit inéluctablement sur le présent. En France, ces sujets, non traités, sont rejetés par le champ médiatique en portant des accusations telles que la victimisation mémorielle, communautarisme, revendications identitaires. Mais pour être clos, un débat doit être ouvert. Et tel n'est pas le cas. Cette « délégitimation » ainsi orchestrée se heurte à la réalité du quotidien. Soyez assurés que la communauté franco-algérienne revendique cette double appartenance, débarrassée de tout complexe et assumera son passé avec fierté pour ses anciens et se projettera résolument vers l'avenir pour les générations à venir. Les sociétés civiles entendent déverrouiller ces blocages et briser les tabous du malaise identitaire. En France, l'effondrement des structures collectives, la Droite conservatrice nostalgique, l'ère du vide, la crise économique et sociale, les tenants du grand remplacement, la montée du racisme font de la figure musulmane, et en particulier la communauté franco-algérienne soit la victime expiatoire parfaite. Elle est accusée de tous les maux. Non seulement, son Histoire a été bafouée, mais aujourd'hui elle doit justifier de son existence. Si elle est tant attaquée par ce champ médiatique, c'est qu'en réalité elle est perçue comme un danger, car elle bouscule cette vision manichéenne de l'Histoire. Elle incarne les défis de demain. Et si les sociétés civiles en Algérie et en France devaient bousculer les non-dits, les tabous de l'Histoire officielle de l'Algérie et de la France, l'Association Le Grand Maghreb contribuera pleinement à ce mouvement. Association Le Grand Maghreb Le président Brahim Mabrouki