Le monde traverse une crise inégalée où selon le FMI, la Banque mondiale et l'OCDE, le chômage et l'exclusion sociale tend à s'étendre au niveau planétaire, touchant surtout les pays les plus vulnérables. Dans un contexte marqué par une incertitude exceptionnelle, avec une dette publique qui explose, 98% du PIB mondial en 2020 contre 84% en 2019, le Covid-19 a alourdi la dette mondiale de 24 000 milliards de dollars en 2020. Selon l'OIT au total en 2020, on a enregistré des pertes d'emplois sans précédent au niveau mondial atteignant 114 millions d'emplois si l'on compare à 2019. En termes relatifs, les pertes d'emplois ont été plus élevées chez les femmes (15%) que chez les hommes, et chez les jeunes travailleurs (8,7%), par rapport aux travailleurs plus âgés. Et l'économie mondiale selon le FMI, devrait connaître une croissance de 5,5% en 2021 puis de 4,2% en 2022, ne devant revenir au niveau de 2019 qu'en 2022 sous réserve de la maîtrise de l'épidémie du coronavirus. En Algérie, contrairement aux propos du ministre des Finances et le rapport du FMI de mars 2021 le confirme, nous assisterons pour 2021, avec moins d'intensité qu'en 2020, à la détérioration des indicateurs économiques et sociaux (décroissance du PIB, baisse des réserves de change, inflation, chômage) dont l'extension de la sphère informelle liée à la logique rentière. Les tensions sociales, à court terme tant qu'il y a la rente, sont atténuées artificiellement grâce aux recettes des hydrocarbures qui permettent des subventions et transferts sociaux représentant 23,7% du budget général de l'Etat et 9,4% du PIB pour l'exercice 2021, mais mal gérés et mal ciblés, qui ne profitent pas toujours aux plus démunis et par la crise du logement qui renforce la solidarité familiale. Qu'en est-il des perspectives de la relance économique en 2021/2022 ? L'effet d'anticipation, d'une dévaluation rampante du dinar, via la baisse de la rente des hydrocarbures, risque d'avoir un effet désastreux sur toutes les sphères économiques et sociales, avec comme incidences l'extension de la sphère informelle et sur le taux d'intérêt des banques qui devraient le relever de plusieurs points, si elles veulent éviter la faillite, freinant à terme le taux d'investissement à valeur ajoutée. Pour atténuer les tensions sociales, il faudra pour plusieurs années un taux de croissance reposant sur une nouvelle politique socio-économique, entre 8/9% afin d'insérer 350 000/400 000 emplois additionnels par an qui s'ajoute aux taux de chômage actuel. L'appréciation du dinar ou sa dépréciation sera fonction du taux de croissance réel, des indicateurs macro financiers et économiques, de la stabilité juridique, institutionnelle et politique, les élections législatives étant prévues en juin 2021. Or, l'économie risque d'être en berne durant tout le premier semestre 2021, avec des résultats pas avant fin juin 2021, les investisseurs potentiels attendant la politique du nouveau gouvernement expliquant dans bon nombre de secteurs des accords d'intention qui n'engagent pas juridiquement le signataire, et non des contrats définitifs. Restent pour 2021, deux solutions, l'endettement extérieur, ou la dépense publique via la rente des hydrocarbures devant distinguer la partie dinars avec une dette publique via la planche à billets qui risque d'exploser et la partie devise influant sur le niveau des réserves de change. Avec l'épidémie du coronavirus et les restrictions d'importation sans ciblage, selon les organisations patronales, plus de 70% d'entreprises sont en difficultés, fonctionnant à moins de 50% de leurs capacités. Quant aux projets comme le fer de Gara Djebilet et du phosphate de Tébessa hautement capitalistique, montant de l'investissement dépassant 15 milliards de dollars pour uniquement ces deux projets, selon l'ex-ministre de l'Industrie (source APS décembre 2020) qui n'en sont actuellement qu'aux intentions, comme rappelé précédemment, un mémorandum n'étant pas un contrat définitif. Le seuil de rentabilité, sous réserve de trouver un partenaire de renom, ces deux filières étant contrôlées au niveau du marché mondial par quelques firmes demandent du temps. Si les projets sont lancés en 2022 au moins 5/7 ans, soit 2027/2029, donc ne devant pas attendre des entrées de devises avant cette date, alors que le monde économique aura profondément changé, et pour les projets PMI/PME leur seuil de rentabilité se fera dans deux à trois ans. Le dernier rapport de janvier 2021 de la CNUCED, conséquence de la crise mondiale, montrant une baisse substantielle des IDE notamment vers le Maghreb et l'Afrique. Quant aux starts-up, prestataires de services, elles ont besoin d'un marché et d'un environnement concurrentiel, leur efficacité serait nulle à terme sans la dynamisation du tissu productif, l'élévation du niveau de qualification, et une efficacité des institutions nous retrouvant dans le même scénario des nombreuses faillites des projets de l'ANSEJ. Il s'agira impérativement de maîtriser de la dépense publique, des coûts et la lutte contre les surfacturation et la corruption. Transparency International dans son rapport de janvier 2021 pour 2020, l'Algérie a été classée 104e place sur 180 pays avec une note de 36 sur 100. Selon cette institution, internationale, une note inférieure à 3 signifie l'existence d'un haut niveau de corruption, entre 3 et 4 un niveau de corruption élevé, et que des affaires saines à même d'induire un développement durable ne peuvent avoir lieu, cette corruption favorisant surtout les activités spéculatives. Comment ne pas rappeler que l'Algérie a engrangé plus de 1 000 milliards de dollars en devises entre 2000/2019, avec une importation, de biens et services toujours en devises de plus de 935 milliards de dollars pour un taux de croissance dérisoire de 2/3% en moyenne alors qu'il aurait dû être entre 9/10% et une sortie de devises de 20 milliards de dollars en 2020 pour une croissance négative selon le FMI de 6%. Mais soyons réalistes, entre 2021/2025, comme pour les années passées, 98% des recettes en devises avec les dérivées dépendront toujours des hydrocarbures, nécessitant, une nouvelle politique énergétique axée sur l'efficacité et la transition énergétique devant fusionner le ministère de l'Energie et celui de la transition énergétique pour plus de cohérence. Il s'agit d'entrevoir un nouveau management de Sonatrach dont la production en volume physique est en baisse, Sonatrach ayant signé des mémorandums qui ne sont pas des contrats définitifs, ayant attiré que peu d'investisseurs potentiels sur le terrain devant revoir l'actuelle loi des hydrocarbures. Selon l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), publiée dans son rapport mensuel le 12 mars 2021, la production algérienne de pétrole a atteint 878 000 barils en février 2021 contre 874 000 barils par jour en janvier, contre plus de 1,5/1,2 millions de barils entre 2007/2010. En fonction des dernières décisions de l'OPEP+ et ses alliés d'augmenter son niveau actuel de production de 350 000 barils par jour, en mai et juin, puis de 450 000 b/j en juillet, avec une part fixée à l'Algérie de 11 000 bj en mai et 14 000 barils/j en juin, à un cours moyen de 60 dollars le baril (la moyenne en 2021 devant fluctuer entre 60/65 dollars le cours du 7 avril, 12h GMT étant de 63,30 dollars le Brent et 59,82 dollars le Wit, pouvant descendre en dessous de 60 dollars en cas de non retour à la croissance de l'économie mondiale), nous aurons une recette additionnelle fluctuant entre 660 000 et 840 000 dollars, un montant faible, l'Algérie profitant peu de la hausse récente des prix. Mais ne jamais oublier que 33% des recettes de Sonatrach proviennent du gaz naturel dont le cours est passé de plus de 10 dollars le MBTU en 2009/2013 à moins de 2,70 dinars le MBT entre 2018/ avril 2021 (bourse-7 avril 2021, 2,640 dollars le MBTU). En conclusion, l'Algérie, pays à très fortes potentialités, est un acteur stratégique de la stabilité de la région euro-méditerranéenne et africaine (A. Mebtoul Africapresse, Paris avril 2021). Bien que selon le FMI, le PLF-2021 fonctionne sur la base d'un cours supérieur à 100 dollars, l'Algérie possède des marges de manœuvre où selon le rapport du FMI de mars 2021, la dette publique globale s'établit à 51,4% du PIB en 2020 contre 45,6% en 2019 avec une dette publique intérieure de 50,8% en 2020 contre 45% en 2019 et une dette extérieure faible de 0,6% du PIB contrairement à ses voisins du Maghreb. Pour être un acteur actif, l'Algérie a besoin de profondes réformes de son système politique et socio-économique, tenant compte de l'innovation destructrice, en ce monde turbulent et instable, marquée par la transition énergétique et numérique (voir A. Mebtoul, revue internationale Euro Money Londres, intervention au Caire 1999, Les réformes en Algérie et le jeu des acteurs internes et externes reproduit dans l'ouvrage réformes et démocratie Casbah Editions 2005 520 pages). Un discours de vérité, sans dénigrement s'impose si l'on veut redresser l'économie algérienne qui a d'importantes potentialités, pas en 2021 mais entre 2024/2025, si les projets sont mis en œuvre, en 2021 et bien maturés devant s'inscrire dans la logique des valeurs internationales. Cela implique de s'éloigner des pratiques rentières du passé où les réformes doivent être menées par des réformateurs qui ont besoin d'une base sociale active et qui trouveront des résistances des conservateurs des tenants de la rente. Cela n'est pas une question d'âge mais de mentalités et de convictions pouvant trouver un jeune formaté à l'ancienne culture rentière soviétique. En bref, il faut que le gouvernement dise la vérité au président de la République, car face à la crise mondiale et une économie rentière depuis de longues décennies, les réformes déplaçant des segments de pouvoir assis sur la rente, avec de vives tensions budgétaires et sociales entre 2021/2022. Professeur des universités, expert international Dr Abderrahmane Mebtoul