A l'issue de leur réunion à Johannesburg qui s'est déroulée du 22 au 24 août, les pays des BRICS ont adopté une série de mesures portant sur un partenariat axé sur une croissance mutuellement accélérée, un développement durable et un multilatéralisme inclusif, projets qui s'inscrivent dans une déclaration commune dont voici les principaux points : un partenariat pour un multilatéralisme inclusif, favoriser un environnement de paix et de développement, un partenariat pour une croissance mutuellement accélérée, pour un développement durable, approfondir les échanges entre les peuples, et le développement des institutions. On retiendra, entre autres, décisions importantes : l'utilisation des monnaies nationales dans le commerce international et les transactions financières entre les Etats membres, la réforme de l'ONU et l'expansion de la représentation des pays en développement au Conseil de sécurité de l'ONU, le rejet des barrières commerciales, notamment introduites par un certain nombre de pays développés sous couvert de lutte contre le changement climatique et, enfin, l'admission de six nouveaux pays : l'Argentine, l'Egypte, l'Iran, les Emirats arabes unis, l'Arabie Saoudite et l'Ethiopie. Voilà pour les grandes lignes. Les Bousbiriens se déchaînent Au final, la candidature de l'Algérie n'a pas été retenue, ce qui a plongé nos concitoyens dans la consternation. Rappelons que l'Algérie a été cataloguée par l'empire, ses vassaux et leurs ONG comme étant un pays non démocratique du tiers-monde, une «dictature» aux mains d'une «junte» de généraux. Il a fallu l'encaisser pendant des années. Nous n'allons pas maintenant nous faire noter par des pays du tiers-monde ! Les Algériens ont été d'autant plus mortifiés par la délectation obscène affichée par la meute enragée des ennemis habituels de l'Algérie, à commencer par les voisins de Bousbirland 404 qui en bavent de jouissance, suivis par les traîtres bien connus activés depuis l'étranger qui les entretient. Or, l'Algérie était présente en Afrique du Sud en tant que pays observateur, ce qui explique le déplacement du ministre des Finances, Laaziz Faïd, et non du président Tebboune ou de son Premier ministre. La campagne délirante des mercenaires du Makhzen concernant le fait que la nomination de l'Algérie ne soit pas retenue en est même comique. Les Bousbiriens se sont déchaînés. Sans doute veulent-ils compenser leur déconvenue d'avoir vu que leur royaume enchanté avait été déclaré persona non grata à Johannesburg alors que le président sahraoui y était reçu chaleureusement. Calmez-vous, Messieurs, sinon il va falloir vous vacciner contre la rage. Vous ne faites que parler de l'Algérie dans vos journaux, est-ce que M. Tebboune est votre président ? On connaît votre frustration due à votre roi d'opérette dévergondé qui s'est évaporé dans la nature, préférant la jungle gabonaise ou ses propriétés en France, ce qui encourage la famille royale à s'étriper pour le pouvoir, mais quand même, ce que fait l'Algérie ne vous concerne pas. Quand donc le comprendrez-vous ? A moins que vous ne vouliez adhérer à l'Algérie puisque les BRICS vous sont interdits ? Nous vous en remercions, c'est très gentil, mais nous ne voulons pas de vous. L'Algérie : un acteur incontournable à l'international Passons aux choses sérieuses. Pendant que le Maroc vit une vacance de pouvoir et une guerre de succession, et consacre le peu d'énergie que lui laisse sa consommation de hachich à baver sur l'Algérie, celle-ci se redéploie à l'international. Nous avons vu, en effet, le président Tebboune être reçu avec amitié et honneurs en Russie et en Chine, notre Premier ministre a également été bien reçu à Washington, et sitôt rentré, Ahmed Attaf s'est attelé à la tâche de désamorcer la bombe qui menace d'embraser le Sahel en se rendant au Nigeria, au Bénin et au Ghana, secondé par une délégation envoyée au Niger et conduite par le secrétaire général du ministère des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l'étranger, Lounès Magramane. L'Algérie multiplie les contacts diplomatiques avec les pays au bord d'une confrontation majeure voulue par Orano, ex-Areva, et les multinationales occidentales. N'en déplaise aux envieux et autres aigris, l'Algérie est un acteur incontournable au niveau international, et elle n'a pas besoin pour cela de distribuer des enveloppes pour soudoyer ses interlocuteurs. Javier Milei : le Zelensky argentin Concernant le report de l'adhésion de l'Algérie aux BRICS, je vais sans doute en étonner plus d'un, mais en tant que patriote algérien et souverainiste de gauche, je suis heureux de cette décision. Je m'explique. Il est clair que cette organisation, si elle permet d'entrevoir une lueur d'espoir dans le marécage nauséabond où l'impérialisme a englué tous les pays de la planète, n'est pas encore mature et présente des contradictions, et son hétérogénéité risque de mener à bien des déconvenues. En effet, la première pierre d'achoppement est le manque de cap politique de cette structure. Comment des pays avec des visions politiques aussi différentes peuvent-ils s'entendre dans un partenariat quelconque ? Comment l'Algérie pourrait-elle s'allier avec les Emirats arabes unis, pays vassal de l'empire et de l'entité sioniste d'Israël, et qui n'a jamais raté une occasion de porter préjudice à notre pays ? On ne compte plus les coups fourrés des Emiratis. Comment l'Algérie pourrait-elle s'inscrire dans un partenariat avec l'Argentine qui est en train de basculer dans l'extrême-droite comme au bon vieux temps de la dictature militaire mais cette fois avec un candidat civil dont les résultats des primaires pour l'élection présidentielle prédisent qu'il sera élu, alors qu'il draine à chaque meeting des bataillons de néonazis en uniforme ? D'ailleurs, à quoi joue Lula qui a tenu mordicus à ce que l'Argentine fasse partie des BRICS ? Pense-t-il empêcher l'élection de ce nouveau pantin de l'empire qu'est Javier Milei ? Et si ce dernier est élu, acceptera-t-il que l'Argentine fasse toujours partie des BRICS ? Ce nouveau clown sur l'échiquier politique peut en effet être considéré comme le Zelensky argentin. Comme le président ukrainien, il a été comédien à ses heures, c'est dire si l'art dramatique offre des débouchés. Milei est un économiste anarcho-capitaliste, un pro-Israël acharné. Il a déclaré que s'il était élu, l'une de ses premières décisions en tant que président serait de déplacer l'ambassade argentine de Tel-Aviv à Jérusalem, et qu'Israël serait la destination de son premier voyage. Pour couronner le tout, il étudie régulièrement la Torah avec le rabbin Shimon Axel Wahnish, de l'ACILBA, qui est la communauté marocaine juive en Argentine. Les BRICS et leurs contradictions Inutile d'aller plus loin, tout le monde m'a bien compris. On le voit, les BRICS sont un organisme hétéroclite dont les nombreuses contradictions risquent d'entraver leur impact de contrepoids face à l'empire, car la plupart des nouveaux pays qui viennent d'obtenir l'adhésion sont sous la domination américaine. Bien entendu, le monde a besoin de cette organisation, mais avec cet élargissement plus que surprenant, on se rend compte qu'elle n'est encore qu'à l'état embryonnaire et n'a pas acquis sa maturité. Ne nous y trompons pas, la vraie ossature de cette organisation est composée de la Russie et de la Chine qui veulent construire un monde multipolaire. Et les vrais enjeux se déroulent en Ukraine où Vladimir Poutine combat l'OTAN, le président russe ayant d'ailleurs fait de ce conflit le cœur de son discours à la réunion des BRICS. Je me permets de citer Gilbert Doctorow qui est très bien informé, et que j'ai interviewé il y a quelques mois, en reprenant un paragraphe de son dernier article consacré à cette réunion des BRICS et qui illustre parfaitement mon propos : «L'appel le plus important soutient les institutions internationales traditionnelles de la gouvernance mondiale, y compris les Nations unies et le FMI. Mais l'appel portait sur leur réforme afin de donner une plus grande voix aux nations du monde en développement pour lesquelles les BRICS sont le point de ralliement d'aujourd'hui. Même le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, s'est prononcé en faveur de la réforme des institutions de Bretton Woods et de la démocratisation du Conseil de sécurité des Nations unies, qui, selon lui, reflètent l'équilibre des forces mondiales à la fin de la Seconde Guerre mondiale.» Voir son site où son article original en anglais a été traduit en allemand et en français : https:// gilbertdoctorow.com/ 2023/08/24/translations-of-what-did-the-brics-summit-in-johannesburg-accomplish/ Ainsi, selon la déclaration, les institutions internationales que sont l'ONU, le FMI et l'OMS, laquelle appartient à Bill Gates, ne sont pas remises en question mais appelées à être réformées. C'est un sujet que j'ai déjà traité avec mes intervenants dans bon nombre de mes interviews. Toutes ces institutions ont été verrouillées par l'empire depuis leur naissance et ne servent que les intérêts du grand capital et de l'impérialisme. Et ces instruments aux mains de l'empire seraient susceptibles d'obéir aux vœux pieux des BRICS ? Penser un seul instant que ces institutions pourraient être réformées relève de l'amateurisme politique. Tout comme le fait d'inviter Guterres à la réunion. Sa présence serait-elle un gage pour changer l'ONU ou était-ce pour faire joli ? Il aurait mieux valu le laisser au royaume de Bousbir où il a passé ses vacances. Ses déclarations enthousiastes provenaient sans doute du fait qu'il était encore sous le charme de son séjour enchanteur à la Mamounia. Allons donc, un peu de sérieux. On attend encore de voir la pugnacité d'un secrétaire général de l'ONU pour contrer les guerres impérialistes qui sont menées depuis des décennies par les Etats-Unis et leurs vassaux et par l'entité sioniste d'Israël. «Tout changer pour que rien ne change» Chacun défend ses intérêts, et moi je défends les intérêts de mon pays, l'Algérie. Quel est l'intérêt pour l'Algérie de faire partie des BRICS actuellement ? En effet, quel est le projet politique des BRICS, à part réformer les institutions de l'empire ? Quelle absurdité ! Nous sommes dans Le Guépard de Giuseppe Tomasi di Lampedusa, livre que Visconti a adapté en film. Il s'agit de «tout changer pour que rien ne change» lorsqu'on voit émerger une structure sans cohésion, aux petits calculs d'épicier, qui ménage la chèvre et le chou et surtout qui n'a pas de vision politique majeure et qui n'est pas en rupture. Qu'ils prennent donc le royaume de Bousbir ou son maître Israël tant qu'ils y sont. L'Algérie s'est bâtie dans la lutte contre la France coloniale et l'OTAN au prix d'immenses sacrifices, où sa terre a été imprégnée du sang des millions de martyrs. Elle s'est battue à nouveau contre les hordes sauvages assoiffées de sang, créées par l'empire, et où des centaines de milliers de martyrs sont à nouveau tombés. Nous n'oublions pas cet héritage sacré et nous ne pouvons pas nous associer avec n'importe quel pays. Bien sûr que les BRICS sont nécessaires, à condition qu'ils soient porteurs d'un projet politique cohérent et novateur, et qu'ils ne soient pas un ersatz de l'ancien monde «amélioré» ou un no man's land politique. En attendant sa consolidation, rien n'empêche l'Algérie de renforcer son partenariat avec ses alliés russes et chinois dans le cadre des accords bilatéraux, sans chercher à faire partie de ce qui est pour le moment une sorte de «machin» bis et un ovni politique. Il ne s'agit pas d'appartenir à tout prix à un organisme, quel qu'il soit comme si l'on voulait gagner l'euro million. L'Algérie serait plus à sa place dans un mouvement des pays non alignés qu'elle pourrait relancer. Il est en tout cas préférable pour elle de travailler un agenda national en renforçant le front interne, plutôt que de danser le tango de l'extrême-droite argentine mélangé avec la samba brésilienne de M. Lula da Silva. Quant au monde multipolaire promis, il viendra aux forceps – la violence est l'accoucheuse de l'histoire disait Marx -, comme on le voit en ce moment en Ukraine et comme ce qu'il risque de se passer au Niger, et non pas en rassemblant dans des salles climatisées remplies des pets des doux rêveurs uniquement liés par des liens économiques. L'Algérie façonnera son destin et écrira son histoire avec ou sans BRICS.