Le gouvernement du président socialiste Evo Morales et un porte-parole de l'opposition en Bolivie ont appelé, hier, à La Paz à la «pacification» du pays secoué par une crise politique qui a fait plusieurs morts et entraîné l'état de siège dans la région de Pando (nord). «Nous sommes convenus de la nécessité de parvenir à la pacification du pays et mettre fin à la violence», a déclaré à la presse Mario Cossio, le gouverneur de la province de Tarija (sud), qui représentait les cinq régions d'opposition au cours d'une réunion marathon au palais présidentiel. Après plus de sept heures de discussion, M. Cossio a précisé qu'il allait à présent «consulter les autres régions», Santa Cruz (est), Chuquisaca (sud-est), Pando et Beni (nord), où se sont produits depuis quatre jours des affrontements qui ont fait au moins huit morts. «Nous avons atteint le premier objectif qui était d'installer l'ouverture de ce qui se transformera, espérons-le, en un processus durable de dialogue, un pacte qui nous permettre de résoudre les problèmes à travers la réconcialiation nationale», a-t-il expliqué. Pour sa part, le vice-ministre bolivien de la Décentralisation, Fabian Yacsik, a assuré que le gouvernement et l'opposition avaient «trouvé des points d'accord». La réunion s'est déroulée après qu'Evo Morales eut promulgué l'état de siège dans la province de Pando, petite région de 70 000 habitants, frontalière du Brésil, à la suite de graves affrontements. La province et son aéroport ont été placés sous le contrôle de l'armée et de la police. Depuis quatre jours, les manifestations anti-gouvernementales touchent cinq régions (sur les neuf que compte la Bolivie) : Santa Cruz (est), Tarija (sud), Beni et Pando au nord et Chuquisaca (sud-ouest), avec des barrages routiers, des pillages et des occupations de bâtiments publics. Les gouverneurs de ces provinces s'opposent au président Evo Morales, dont le mandat a pourtant été largement ratifié en août par référendum avec près de 68% des suffrages. Ils rejettent depuis des mois son projet de Constitution qu'ils jugent trop étatiste et centralisé et favorisant exagérément, à leurs yeux, les populations indigènes. L'Eglise catholique, l'OEA (Organisation des Etats américains), l'Union européenne et les Nations unies ont demandé au gouvernement et à ses opposants de négocier une trêve. L'escalade de la violence en Bolivie a entraîné une crise diplomatique régionale avec la décision surprise du président vénézuélien Hugo Chavez d'expulser l'ambassadeur des Etats-Unis à Caracas, par solidarité avec La Paz. M. Morales a accusé le chef de la mission américaine à La Paz, Philip Goldberg, de soutenir l'opposition. La Bolivie est parvenue toutefois à rétablir vendredi les fournitures de gaz à l'Argentine et au Brésil, fortement perturbées depuis 48 heures, a annoncé le vice-ministre des hydrocarbures William Donaire. La droite et les gouverneurs autonomistes critiquent le gouvernement pour son projet de Constitution qui ne tient pas compte, selon eux, d'un statut d'autonomie prévu pour les régions. Mais ce qu'ils dénoncent surtout c'est une réforme agraire devant limiter la taille des propriétés à 5 ou 10 000 hectares. Le pays andin apparaît coupé en deux entre d'un côté les partisans du président de gauche, Evo Morales, en majorité des paysans pauvres des Andes, et de l'autre, les métis et la minorité blanche qui vivent dans les plaines de l'est et du sud où sont concentrées les terres fertiles et les hydrocarbures.