En plus du latin elle apprit plusieurs langues. Une fois déclarée héritière présomptive de la couronne (1830), elle reçut de son entourage les meilleures leçons de politique, d'administration et d'histoire. Couronnement, mariage (1837) et rôle politique Couronnée à Westminster le même mois, malgré son jeune âge (elle avait à peine 18 ans), elle prit, dès les débuts une décision inattendue. Favorable aux libéraux, elle encourut tout d'abord la haine des tories par son refus obstiné à se conformer à leurs exigences. Il était d'usage, en Angleterre, que les femmes ou les parentes des ministres démissionnaires, ayant une charge à la cour, se retirassent avec le ministère. Or, en 1839, quand Robert Peel (1788-1850) succéda à Melbourne et à Palmerston (1784-1865), les célèbres Premiers Ministres, Victoria garda ses dames et ses demoiselles d'honneur en dépit des cris des conservateurs et elle tint tête à son cabinet et même au Parlement. Fermement, elle se maria au mois de février 1840 avec son cousin germain, Albert de Saxe-Cobourg-Gotha (un prince prussien).Mais, en cette occasion, elle dût cette fois lutter contre la volonté de sa mère et toujours contre les tories, qui se vengèrent en affectant autant que possible de traiter son mari en étranger. Sans doute, cette attitude a dû provoquer une tentative de meurtre contre Victoria, en 1840, par un opposant qui tira deux coups de pistolet sur sa voiture. Le règne de Victoria se confond bien avec l'histoire moderne de l'Angleterre pendant une grande partie du XIXe siècle. Malgré sa popularité croissante, due à la prospérité matérielle du pays – le plus riche du monde, à cette époque – et qui, chaque jour, faisait de nouveaux progrès, encouragés, bien sûr, par la reine, cette dernière fut par deux fois la sujet à deux tentatives de meurtre. On tira sur elle successivement par deux fois, en 1840, mais sans résultat. Le rapprochement avec la France Le prince Albert, son mari, prenait discrètement mais lentement sur la souveraine une influence de plus en plus accentuée. Il la convainquit de se rapprocher avec la France et, en 1843, elle annonçait officiellement sa visite au roi Louis-Philippe (1830-1848). C'était la première fois, depuis 1520, qu'un souverain anglais rencontrait sur le continent un souverain français. L'entrevue, qui prit les proportions d'un grand événement historique, eut lieu du 2 au 7 septembre. Seulement, l'entente cordiale si solennellement conclue ne devait pas durer longtemps. La reine avait conclu ses visites par un voyage en Belgique (1841) et en Allemagne (1845). Les sympathies allemandes du prince, son mari, envenimèrent quelque peu les relations extérieures du pays, et Victoria, influencée par ses sentiments d'épouse, partageait ses opinions. Cependant, si elle attribua la chute du roi de France, Louis-Philippe (à la suite de la révolution de 1848, à Paris) en grande partie à la perte de l'appui moral de l'Angleterre, néanmoins, elle l'accueillit avec bonté lui et sa famille quand ils furent exilés en Angleterre. Le peuple anglais, de son côté, en communauté totale de sentiments avec la souveraine, exprima malgré tout ses ressentiments à l'occasion des funérailles du célèbre amiral Wellington (1852). La France et l'Angleterre se rapprochèrent de nouveau, après 1851, si bien qu'elles firent ensemble la guerre de Crimée (1853-1856) contre l'Empire ottoman. Cette amitié franco-anglaise fut couronnée, en avril 1855, par la visite, à Londres, de l'empereur Napoléon III et de l'impératrice Eugénie. A son tour, la reine Victoria vint à Paris en août 1855, visita l'Exposition universelle organisée dans la Ville Lumière, ainsi que le tombeau de Napoléon Ier. Elle revint une nouvelle fois, en France en août 1858, pour assister à une parade navale. Ces bonnes relations aboutirent à la signature des traités de commerce de 1860 qui profitèrent surtout au commerce anglais. En retrait des affaires politiques C'est à partir de ce moment-là que la reine Victoria commença, tout en s'acquittant toujours très strictement de ses devoirs constitutionnels, à ne plus s'occuper de politique active avec la même énergie et la même persévérance. Son influence ne paraît plus aussi marquée dans la direction des affaires, bien qu'elle se montrât à l'occasion très jalouse de ses prérogatives royales. La mort de sa mère (mars 1861), puis du prince Albert (décembre 1861) l'avaient durement frappée. Pendant deux ans, elle vécut presque dans une réclusion absolue. Elle ne donna plus jamais de fêtes, mais présidait uniquement des réunions familiales qui l'ennuyaient souvent. Ses convictions politiques changèrent avec le temps et d'esprit libéral, elle devint conservatrice et ne vivait plus que par les yeux de son Premier Ministre, Disraeli (1804-1881), celui-là même qui la fit proclamer impératrice des Indes. Vivant presque uniquement dans un petit cercle de serviteurs, elle leur laissa prendre sur elle une influence excessive quelque fois, comme certains serviteurs ou ses dames d'honneur, ou, enfin, ses secrétaires particuliers. Victoria séjournait à Londres le moins possible, préférant les châteaux de Balmoral, d'Osborne et de Windsor. Regain d'intérêt pour la politique En 1863, elle visita l'Allemagne, voulant revoir les pays de son défunt mari. Elle rencontra le roi François-Joseph d'Autriche. De retour en Angleterre, et pour échapper aux cérémonies de la cour, elle prit l'habitude de voyager (Suisse 1868; Allemagne,1872; Autriche, 1876; Italie; 1879; Allemagne, 1880; France, 1887; Italie1888; Espagne, 1889). La guerre franco-allemande (1870-1871) la laissa presque indifférente. Elle avait des sympathies pour la Prusse, considérant que les défaites françaises comme un châtiment pour la vanité des Français. Pourtant, elle essaya d'empêcher le bombardement de Paris par les troupes prussiennes, ce qui déplut beaucoup à Bismarck qui lui tint rancune. Elle s'occupait la plupart du temps à assurer des éducateurs à ses nombreux enfants, si bien que le Parlement commença à lui marchander des subsides et que le public anglais lui porta des ressentiments. En 1875, la reine Victoria sortit, enfin, de son apathie pour demander à l'empereur d'Allemagne, Guillaume 1er (1797-1888) et au tsar de Russie, Alexandre II (1818-1881) d'empêcher le renouvellement des hostilités entre la France et l'Allemagne. Bismarck était très irrité par cette attitude de la souveraine anglaise et il exprima publiquement son courroux. Le 1er mai 1876 était la date choisie par les autorités pour la proclamer impératrice de l'Inde. Ce titre, consécration de la politique du Premier Ministre, Disraeli, encouragea la reine et la motiva pour jouer un certain rôle public. C'est ainsi qu'elle s'intéressa à la politique et aux affaires internationales. Elle rencontra, suite à cela, le maréchal de Mac-Mahon (1808-1893), président de la République française, et essaya de maintenir la paix entre la Russie et la Turquie qui étaient en perpétuel conflit. Parallèlement à cette activité, elle se mit à écrire la biographie de son mari, le défunt prince Albert, en 1877. Mais le deuil la frappait de nouveau : sa fille préférée succomba, en décembre 1877, ensuite son plus jeune fils, en 1884, puis encore quelques-uns de ses amis.... Elle se consolait en écrivant ses mémoires, dont elle publia des extraits en 1882. Les éclatantes manifestations auxquelles donna lieu son jubilé célébré, en 1887, à la grande joie du peuple anglais qui l'aimait énormément lui allèrent droit au c?ur. Mais de nouveaux soucis s'emparèrent d'elle. Elle fit, alors, un voyage à Berlin pour contribuer à trouver une solution à un différend familial autour d'une union projetée entre un prince prussien et une princesse anglaise de sa famille. Le chancelier allemand, artisan de la construction de l'Unité allemande, le comte Otto Bismarck (1815-1898) était contre ce mariage, et il comptait sur l'aide du futur empereur Guillaume II (1859-1941). Il réussit, finalement, dans son entreprise et la cour anglaise céda faisant contre mauvaise fortune bon c?ur . La reine Victoria traversa une autre période très dure – contre ses opposants au sein du Parlement -- lorsqu'il fallut doter ses petits-enfants (1889) de titres et de subsides. Les dernières années de sa longue vie se déroulèrent dans des déplacements monotones et routiniers entre Londres et ses châteaux, entrecoupé par un voyage à l'étranger. Il faut dire qu'elle s'intéressait davantage à trouver de beaux partis à sa nombreuse progéniture et à prendre part aux cérémonies militaires qu'elle affectionnait particulièrement. La guerre qui éclata dans la province du Transvaal (Afrique du Sud) et les défaites subies par ses soldats impériaux suscitèrent en elle une immense tristesse. Après la première victoire remportée par ses troupes (1900), elle s'enthousiasma longuement et publiquement. Elle salua les régiments militaires envoyés successivement en Afrique du Sud contre les Boers. A la fin du mois de mars, elle mourut rejoignant, ainsi, beaucoup de ses enfants qui décédèrent les années d'avant. Ses sujets lui firent des funérailles à la mesure de la place qu'elle occupait, de son vivant, dans leur c?ur. Aucun souverain britannique n'avait été pleuré aussi sincèrement qu'elle le fut, car elle incarnait admirablement ce qui est devenu cher au peuple anglais : l'unité impériale.