«Consider the ominous events that occurred in the Middle East and Washington over the holiday season, while most people were paying more attention to their turkeys and Christmas stockings. The first in this sequence of events was Tony Blair's abrupt announcement that members of the Saudi Royal Family accused of taking bribes from British defence contractors would be exempted from the application of British law. To risk a confrontation with the Saudi Royal Family, Mr Blair asserted, would have jeopardised Britain's security interests in Iraq and in the war against terrorism, as well as dashing hopes of progress towards peace between Israel and the Palestinians. This embarrassing announcement by Mr Blair was quickly followed by his Dubai speech, in which he called for an ‘arc of moderation' to ‘pin back' Iran's advances in the Middle East.» Kaletsky enchaîne cette explication de l'interruption de l'enquête du SFO sur une explication du départ précipité de Washington, de l'ambassadeur de l'Arabie, Prince Turki al-Fayçal, le 15 décembre 2006. Turki est l'un des chefs de la fraction modérée de la famille royale, qui recommande une approche de compromis avec le pouvoir chiite qui s'est installé en Irak. Turki était un chaud partisan du plan Baker, recommandant d'établir des contacts avec la Syrie et l'Iran pour participer à une tentative de stabilisation en Irak. (Turki est également proche de la fraction modérée de l'establishment washingtonien, notamment de la filière Baker-Bush-père.) Kaletsky est un personnage intéressant. Influent à Londres, il passe pour refléter souvent les appréciations de l'establishment britannique. Un homme sérieux, pourrait-on dire. The «kernel of evil» Examinons la perspective proposée par Kaletsky en observant que, pour Yamamah, elle n'est nullement contradictoire de notre précédente analyse que nous avons déjà signalée, qu'elle peut être au contraire parfaitement complémentaire. Kaletsky envisage ce qu'il juge être un «projet catastrophique» du président GW Bush, appuyé sur une étrange alliance avec Israël et l'Arabie. (Et, bien entendu, Tony Blair inclus dans l'équipe. On parle de Blair plus que du gouvernement britannique tant le Premier ministre joue aujourd'hui solo, tandis que son concurrent et potentiel successeur, Gordon Brown, tente de prendre de plus en plus ses distances de la politique de Blair.) Ce curieux rassemblement, précise Kaletsky, a pour but de développer une politique de «fuite en avant» passant principalement par une attaque de l'Iran. Pour l'Arabie, quel changement! Il y a quatre ans et demi, en août 2002, était rendue publique (un article du Washington Post) une étrange réunion faite un mois plus tôt au Pentagone, dans le cadre du Defense Policy Board (DPB), organisme informel rassemblant des personnalités extérieures, installé au Pentagone par Rumsfeld et mis sous la présidence du fameux néo-conservateur Richard Perle. En juillet 2002, un expert français acquis aux néo-conservateurs et officiellement placé à la Rand Corporation, Laurent Muriawiec, avait présenté une analyse stratégique et prospective de la situation au Moyen-Orient. A côté de l'Egypte décrit comme un foyer islamiste potentiel, deux pays étaient mentionnés comme des cibles nécessaires dans la lutte contre la terreur au Moyen-Orient: l'Irak et l'Arabie Saoudite. Le Post écrivit : «A briefing given last month to a top Pentagon advisory board described Saudi Arabia as an enemy of the United States, and recommended that U.S. officials give it an ultimatum to stop backing terrorism or face seizure of its oil fields and its financial assets invested in the United States.» Murawiec précisa : «The Saudis are active at every level of the terror chain, from planners to financiers, from cadre to foot-soldier, from ideologist to cheerleader, Saudi Arabia supports our enemies and attacks our allies.» Une note accompagnait le 24e et dernier slide illustrant la présentation très structurée de Muriawec. L'Arabie y était décrite comme «the kernel of evil, the prime mover, the most dangerous opponent» (des USA) au Moyen-Orient. Le Diable en personne. A l'époque, cette réunion fut perçue comme un signe annonciateur inéluctable. Les néo-conservateurs tenaient le haut du pavé à Washington et rien ne semblait devoir les ralentir. Ils avaient le soutien inconditionnel du président et leur proximité de la droite dure israélienne (Likoud) était connue. Le sort de l'Arabie semblait scellé, une fois l'Irak (rapidement et aisément) liquidé. En attendant, et pour écarter ces foudres qu'ils sentaient menaçantes, les princes saoudiens se confondaient en promesses de démocratisation. (On dit que cette réunion du DPB, opportunément rendue publique par le soin de proches des néo-conservateurs, et que GW Bush ne voulut pas condamner, fut l'un des premiers sujets de grave dispute entre Bush-père et son fils, l'ancien président agissant en avocat et protecteur de ses très nombreux amis saoudiens. James Baker fut également l'un de ceux qui n'apprécièrent guère la réunion du DPB et le briefing de Murawiec.) Toutes ces attaques venaient après des bruits divers autour de la participation d'une écrasante majorité de Saoudiens dans l'équipe de 19 terroristes qui effectua l'attaque du 11 septembre 2001. L'éloignement des USA de son allié traditionnel saoudien s'était concrétisé, au printemps 2002, par le retrait des forces US déployées encore en Arabie à cette date. La thèse était alors simple et droite, et brutale également, à l'image de l'euphorie et de l'ivresse de puissance qui caractérisaient alors l'analyse US. La guerre en Irak ne faisait plus de doute, et la victoire ultra-rapide non plus. Cela signifiait l'installation tout aussi rapide d'un important complexe militaire (bases) et d'exploitation économique du pétrole irakien. L'intérêt stratégique de l'Arabie pâlissait en regard de cette inestimable «prise de guerre». Que faire ? Face à cette soudaine offensive d'hostilité déclarée et très «unilatéraliste», très dans la manière néo-conservatrice, l'Arabie ignorait quelle politique choisir, quel choix faire. Ce pays n'avait pas été habitué aux choix. Longtemps, ses tendances les plus radicalement opposées avaient cohabité sans susciter de difficultés. L'Arabie était à la fois l'allié le plus proche des USA dans la région ; un pays au conservatisme intérieur proche de l'archaïsme ; un régime caractérisé à la fois par la corruption et un autoritarisme sans dissimuler ; un soutien constant et fondamental des groupes dissidents et clandestins, voire terroristes, de l'islamisme le plus radical. L'alliance US était tenue par un ciment d'une force sans égale : un anti-communisme constant et sans faille. Les Saoudiens jouèrent, avec le directeur de la CIA Bill Casey, un rôle essentiel dans le soutien, l'organisation et la coordination de la guérilla islamiste anti-soviétique en Afghanistan, dans les années 1980. La CIA faisait son miel de cette coopération. Depuis 1945 et la fameuse rencontre entre Franklin Delano Roosevelt et Ibn Saoud, à Alexandrie, où fut scellée la grande alliance USA-Arabie, les Saoudiens pouvaient croire avoir rempli sans un raté leur part du contrat. Ils n'avaient pas vraiment bougé ni varié, malgré leur politique contrastée. Ils ajoutaient quelques fleurons supplémentaires en étant un énorme consommateur d'armements anglo-saxons (US et UK). Les Saoudiens pouvaient se juger conformes au modèle anglo-saxon et juger avec d'excellentes raisons qu'ils n'avaient rien à changer, que rien ne devait les justifier de bouger. En fait, ce sont les Américains qui bougent dans cette sorte de rapports. Les Saoudiens qui croient les connaître (comme Prince Sultan, qui fut ambassadeur à Washington) se trompent souvent. (Suivra)