Elle révèle que la pratique a reculé depuis les années 1990 et montre les difficultés de la vie quotidienne de celles qui ont subi cette mutilation sexuelle. La pratique de l'excision est en recul. C'est ce que révèle l'enquête inédite Excision et Handicap (ExH) réalisée par Armelle Andro, Marie Lesclingand et Emmanuelle Cambois de l'Institut national d'études démographiques (Ined). Objectif de l'étude : mieux faire connaître aux personnels de santé les problèmes liés à cette mutilation, au-delà des fanstasmes véhiculés, et donc d'améliorer la prise en charge de celles dont la vie est gâchée par l'excision. En France, on estime à 53 000 environ le nombre de femmes adultes excisées. «On a voulu faire l'enquête suite à une première étude sur les mutilations sexuelles en Afrique et en France, car on a ressenti un manque cruel de connaissance de la part des professionnels de santé confrontés à ces femmes. Notamment sur les conséquences de cette mutilation sur leur vie courante. Les femmes elles-mêmes ont eu envie de répondre à nos questions pour qu'on puisse mieux les aider par la suite», raconte Armelle Andro. En deux ans, 2 882 femmes ont été interrogées dans cinq grandes régions françaises, dont 685 victimes d'une mutilation sexuelle. 70% d'entre elles avaient moins de 35 ans. Parmi celles-ci, deux tiers étaient migrantes et un tiers filles de migrants. La moitié d'entre elles était en couple au moment de l'enquête. Selon celle-ci, sur les femmes interrogées sur l'avenir de leur petite fille, 30% d'entre elles risquaient encore de subir une excision. Lors de l'enquête, seuls 11% des femmes rencontrées ont des filles excisées. Et le chiffre tombe à 3% lorsque ces dernières sont nées en France. «Cela s'explique notamment par une forte mobilisation autour de la question depuis près de vingt ans et la recrudescence des condamnations pénales en France», explique la chercheuse. La pratique n'existe donc plus sur le territoire mais les petites filles en sont toujours victimes lors de séjours à l'étranger. Pourtant, même en Afrique, l'étude montre que l'excision est en net recul. «Au Sénégal, par exemple, des régions entières ont abandonné la pratique et ça commence aussi à changer au Mali où la pratique est courante», ajoute Armelle Andro, chercheuse à l'Ined. Des femmes gênées au quotidien L'enquête a été faite en milieu médical, moment plus propice à aborder des questions d'ordre affectif, intime ou sexuel. Pour une femme sur dix, il en ressort une gêne quotidienne suite à l'excision. Uriner, marcher ou porter un pantalon relève alors du parcours du combattant. «Certaines ne peuvent même pas porter de jeans parce qu'elles ressentent alors comme des «décharges électriques» selon plusieurs témoignages», confirme Armelle Andro. Plus systématiquement, la plupart d'entre elles évoquent des difficultés sexuelles très handicapantes : absence total de désir ou difficulté à en éprouver, brûlures vaginales, douleurs lors des rapports sexuels. Pour celles qui le désirent, la chirurgie peut aussi être une solution. En France, l'opération est remboursée par la Sécurité sociale depuis 2003. Mais selon l'étude, seules 5% des femmes excisées désirent y avoir recours, et 20% se déclarent intéressées. L'intérêt pour l'opération est plus important chez les femmes jeunes (moins de 35 ans) et qui ont grandi en France. Cela, alors qu'elles sont plus de la moitié à connaître l'existance d'une telle intervention. «C'est une démarche de soins complexe. Il se passe souvent du temps entre le moment où la femme apprend que cela existe et le moment où elle prend la décision de se faire opérer», éclaire Armelle Andro. De plus, pour la chercheuse, la démarche ne fait pas sens pour toutes les femmes. «Selon les cas, il y a des femmes pour qui l'excision ne change rien à leur vie, pour d'autres une crème suffit à les soulager. Pour d'autres encore, elle est vécue comme un calvaire que seule l'opération peut aider.»