, La poésie populaire, celle-là même qui puise son inspiration des choses de la vie, de ses joies et de ses peines, faite d'envolées emphatiques, quelquefois affectées mais toujours sincères, a toujours été indissociable de la culture dans le Hodna, mais beaucoup d'écueils à la fois la menace dans son expression et dans ses fondements. Ce patrimoine est exceptionnellement riche dans cette région semi-désertique où les chefs de file en la matière restent les incontournables Benaïssa et Benzaouali, à M'sila, et Benoumhani, à Bou-Saâda, même si, il faut en convenir, la poésie du Hodna ne se réduit nullement à ces grands noms. Beaucoup d'autres poètes, moins célèbres, se distinguent par une production poétique particulièrement prolifique, touchant à des thèmes lyriques et patriotiques, ou encore à la sagesse et à la satire mais sans avoir réussi à se frayer un chemin vers la chanson bédouine qui constitue, ici, une sorte de consécration pour les textes populaires. C'est cette absence de la sphère musicale qui a fini par «appauvrir aussi bien la créativité que la production musicale», affirment certains chanteurs locaux, alors que pour l'association «Achaâr El-Hodna», ce phénomène s'explique par le fait que ces poètes locaux, dont beaucoup ont aujourd'hui disparu, «s'expriment spontanément en poèmes et n'ont jamais cherché, ni même pensé, à faire de leur art une véritable profession ou à lui trouver des débouchés». Certains poètes refusent souvent de confier leurs poèmes à des chanteurs de peur de voir leurs œuvres dénaturées au fil des reprises successives, à chaque fois arrangées ou accommodées au goût du moment, soutiennent encore les animateurs de cette association. Cette «réserve» s'expliquerait, ajoute-t-on, par l'absence d'une structure de protection des droits d'auteurs et par la fréquence, de fait, des utilisations illégales des paroles sans la moindre référence à leurs auteurs initiaux. Les chanteurs, pendant ce temps, ajoutent des membres de l'association, «ne recherchent point des poèmes de haute facture sur les plans de la forme et du contenu, mais se contentent de reprendre à leur compte les chansons les plus répandues». La faible production musicale, «résultat de la conjugaison de nombreux facteurs», a aussi réduit le besoin de puiser dans ce patrimoine insondable de la poésie populaire. A quoi s'ajoute parfois le refus des ayants-droit de poètes disparus de céder ce qu'ils considèrent comme «patrimoine familial immatériel» de leurs aïeuls. Les poètes vivants ne trouvent, en outre, «aucune tribune pour diffuser leurs textes, quasi exclusivement oraux, et ont ainsi peu de chances de rencontrer un artiste qui s'intéresserait à adapter musicalement leurs vers», précisent encore les membres de la même association. A ce problème, vient se greffer celui du «manque de compositeurs musicaux engagés, disposant de suffisamment de talent pour habiller de notes des textes souvent sublimes», selon cette association qui s'est spécialisée dans la promotion du chant bédouin. Les rares «pioches» dans la poésie populaire du Hodna se limiteraient à quelques poésies lyriques ne représentant qu'une infime partie de ce fonds populaire oral d'une richesse exceptionnelle. La sauvegarde et la préservation de ce patrimoine, remontant à des temps immémoriaux, se heurtent à son caractère éminement oral, d'où ‘l'impérieuse nécessité» de transcrire les textes, de penser à en faire des recueils ou de les graver dans des supports modernes comme les CD-rom ou autres, recommandent en choeur les membres de «Achaâr El-Hodna».