Les politiques, le RCD de Saïd Sadi et le FFS de Hocine Aït Ahmed notamment, se réclamant du combat démocratique pour l'émancipation identitaire qui ont tenté, chacun de son côté, des années durant, de s'approprier la paternité de la revendication amazighe, ont, pour ainsi dire, déserté le terrain. Les grandioses marches pacifiques suivies de grèves générales élargies jusqu'aux villages les plus reculés de la wilaya, pour la consécration et la promotion de la langue et la culture amazighes, relèvent désormais du passé. Après les luttes intestines pour l'appropriation du sigle MCB (Mouvement culturel berbère), sensés, pourtant, porter la revendication amazighe depuis notamment l'ouverture démocratique de février 1989 consacrant le pluralisme politique, jusqu'à l'éclatement des tragiques et douloureux événements du printemps noir en avril 2001, les politiques de la région, agissent dans la division. Durant toute la décennie 1990, le MCB a fonctionné sous deux chapelles politiques, le MCB-coordination nationale, proche du parti de Saïd Sadi et le MCB-commissions nationales, proche du FFS de Hocine Ait Ahmed, et, au lendemain de la grève du cartable de 1994, le MCB unifié piloté par Ferhat Mhenni ex-coordinateur du MCB aile RCD. Durant toute cette période, l'événement a été célébré comme il se doit, les populations adhéraient aux mots d'ordre de ces politiques : grève générale, marches et meetings. A l'éclatement des tragiques événements de Kabylie, en 2001, deux autres courants se réclamant loin de toute chapelle politique, les arouch et le MAK (Mouvement pour l'autonomie de Kabylie) de Ferhat Mhenni, tenteront, chacun de son côté, de s'accaparer la revendication amazighe. Pas pour longtemps, puisque deux années plus tard, en 2003, les arouch, avec la scission intervenue au sein même de cette structure au fonctionnement horizontal, agiront en rangs dispersés, l'aile dite dialoguiste et l'aile hostile à tout contact avec le pouvoir central. Les démonstrations de forces ne sont plus alors ce qu'elles étaient jusque-là. Auréolée du statut de langue nationale décrété par le président de la République en 2005, la problématique de l'identité berbère semble de plus en plus échapper aux politiques de la région qui, jusque-là, faisaient de cette revendication leur cheval de bataille. Se contentant de marquer l'événement de manière symbolique, tout comme d'ailleurs les arouch, toutes tendances confondues, qui se contentent de brefs et timides hommages aux 126 martyrs tombés sous les balles assassines. Cette année, le 30e anniversaire du Printemps berbère sera marqué par l'organisation d'une marche au chef-lieu de la wilaya de Tizi Ouzou. Le RCD, initiateur de cette action, revendiquera l'officialisation de la langue berbère et plaidera pour les libertés démocratiques. «L'union se construit», lit-on à travers les affiches du RCD placardées aux quatre coins de la région. Cette marche prévue à 10h s'ébranlera du carrefour du 20-Avril, à la nouvelle ville, pour arriver au stade Oukil-Ramdhane au centre-ville de Tizi Ouzou. De son côté, le porte-parole du MAK (Mouvement pour l'autonomie de la Kabylie ), activant dans l'illégalité, a appelé à une manifestation similaire, à la même heure, sur presque le même itinéraire, sauf qu'elle aura comme point de chute l'ancienne APC de Tizi Ouzou. Le leader de ce mouvement, contre lequel un mandat d'amener aurait été lancé dans la wilaya de Bouira, compte réitérer sa principale revendication, l'autonomie de «sa» Kabylie. Par ailleurs, le directeur de la culture de la wilaya de Tizi Ouzou a concocté un riche programme d'activités pour cet événement en organisant une semaine culturelle dédiée et consacrée exclusivement à la langue et à laculture amazighes.