Comme à chaque commémoration de la Journée internationale de la liberté de la presse, les gens de la profession doivent toujours penser à faire le bilan d'une expérience «historique», avec ses aventures et mésaventures ; penser à la vie dure que mènent les journalistes et nos correspondants de l'arrière-pays qui, souvent seuls et sans défense, font face à toute sorte d'embûches pour rendre compte au quotidien de la réalité dans nos régions, avec des administrations verrouillées qui préfèrent vassaliser les journalistes, et des potentats arrogants et impunis qui les harcèlent. L'occasion donc de penser à améliorer leurs conditions de travail et leur assurer une protection pour qu'ils puissent accomplir leur tâche sans perdre de leur dignité. La récente promulgation du nouveau statut du journaliste répond partiellement à ces préoccupations, en contribuant à la réorganisation de la corporation vouée jusque-là à l'anarchie, mais beaucoup de choses restent à faire. L'occasion aussi de rappeler les responsabilités de l'Etat dans ce domaine : que ce soit en matière d'aides à la promotion de la presse écrite, que le gouvernement a promis d'accorder aux titres de la presse indépendante qui en ont tant besoin pour faire face à une concurrence déloyale, faussée par un sponsoring démesuré – certains gros tirages exerçant un monopole qui ne dit pas son nom –, où plus de 80 titres luttent chaque jour pour assurer l'impression et la distribution dans des conditions assez défavorables. Les pouvoirs publics se doivent aussi de dépénaliser les délits de presse et cesser de stigmatiser la presse dans les discours officiels… Car, après tout, les pouvoirs publics ont toujours intérêt à ce que ce formidable relais social que constitue la presse dans notre pays soit sauvegardé, en tenant compte du fait que c'est le média le plus crédible auprès du public, quoiqu'on en dise et même si son audience tend à fléchir – pour diverses raisons… Sur ce plan, on peut bien constater une nette avancée, et les relations presse-pouvoir se sont considérablement améliorées : les cas de harcèlement judiciaire ont diminué, la censure est de plus en plus rare… Il faut dire aussi que la disparition des clivages idéologiques, jadis entretenus par les discours politiques, a beaucoup aidé à asseoir ce climat apaisé, où les journaux et les journalistes ne se sentent plus menacés, même si une certaine autocensure empêche toujours une véritable liberté d'expression. Il y a quelques années, une partie de l'opinion et de la classe politique parlait d'un projet de «normalisation totalitaire», où la censure sur la presse se conjuguerait avec la répression tous azimuts. Dans ce sens, comme la situation de la liberté d'expression dans notre pays est généralement tributaire de la situation politique générale, il faudra, selon les plus sceptiques, attendre qu'il y ait des changements politiques «salutaires» pour que l'on se mette de nouveau à tolérer plus de liberté d'expression, aux citoyens et aux journalistes. Reste à penser à la véritable raison d'être de la presse, à son véritable devoir, celui d'assurer le droit du lecteur à une information crédible. Le défi mérite d'être relevé, d'autant plus que le lecteur algérien d'aujourd'hui est submergé par une profusion de canaux d'information à sa portée : chaînes d'information en continu, sites Internet (de plus en plus spécialisés et offrant l'avantage d'une mise à jour toutes les heures)…, avec lesquels il faudrait compter. Pour ce, les éditeurs sont appelés à redoubler d'effort pour améliorer la qualité de notre presse, par une véritable professionnalisation. Laquelle professionnalisation passerait par une meilleure formation des journalistes. Là aussi, l'engagement de l'Etat est plus que nécessaire.