C'est la fin du statu quo. Tel était le titre de l'une de nos précédentes éditions concernant la loi sur le foncier agricole. Aujourd'hui, on titrera «le premier pas vers la modernité». L'APN, avant le départ en congé des députés, a adopté, avant-hier, une loi fondamentale ayant trait au foncier agricole. Sont rares les plénières qui rassemblent autant de députés. Les membres de la dissidence MSP étaient pratiquement tous présents pour contrer le loyaliste Mohamed Mahmoudi, président de la commission parlementaire de l'agriculture, et même en étant fondamentalement pour cette nouvelle loi, ils ont roulé pour les rentiers. Tout comme ceux qui ont créé l'étonnement chez les journalistes, généralement pour la souveraineté nationale, en votant contre tous les amendements renforçant la loi et pour tous ceux la défonçant. Un historique de terres concernées par la loi est nécessaire Ce ne sont pas toutes les terres qui sont concernées, mais celles de l'Etat uniquement, celles du domaine privé de l'Etat, c'est-à-dire les ex-domaines autogérés ou domaines agricoles socialistes issus de l'organisation des exploitations agricoles spoliées par le colonialisme et distribuées aux colons. C'est par l'application de la loi dite Warnier que les terres les plus fertiles ont été confisquées aux Algériens et mises à la disposition des colons. Les colons ont bénéficié des terres les plus fertiles et les plus arables et d'une main d'œuvre soumise. C'est ainsi que les terres ont juste après l'indépendance continué de nourrir les populations. Plusieurs tentatives pour réorganiser le fonctionnement de ces exploitations n'ont pas abouti et il y a eu bien sûr celles qui ont été sabordées (cas de la Révolution agraire). Durant la décennie noire, ce sont aussi les exploitants de l'agriculture vivrière, extensive et industrielle, dont ceux des terres du domaine privé de l'Etat, qui ont le plus subi les attaques des hordes terroristes. Les dernières formes d'organisation sont les exploitations agricoles individuelles (EAI) et les exploitations agricoles collectives (EAC). Les exploitants actuels ne seront plus dans l'incertitude ; ils ne joueront plus à cache-cache avec les autorités et ne chercheront plus à céder leurs terres aux collectivités locales dans le meilleur des cas pour bénéficier de lots à bâtir pour vendre une partie et habiter dans l'autre. Les terres ne seront plus sous l'influence des trafiquants de tous bords. Les règles seront claires et permettront aux concessionnaires de vivre dans la tranquillité. La durée de la concession est de 40 ans contre des redevances annuelles à payer au Trésor public. Les titres de concession seront cessibles et héritables, mais indivises pour certaines terres. Les copropriétaires actuels des EAC (exploitations agricoles collectives) auront chacun un titre, mais la propriété reste collective. Les concessionnaires pourront hypothéquer les terres qui leurs sont dévolues, donc banquables. Une loi adoptée par l'écrasante majorité qui veut d'une Algérie économique et non rentière La loi a été adoptée par la majorité écrasante des députés. Les 21 amendements ont été étudiés, débattus et adoptés ou rejetés un à un par la plénière. Trois députés sortent du lot, le président de la commission, M. Mahmoudi Mohamed, le rapporteur Belarbi Bayazid, placide et serein dans ses réponses, et lors des statistiques, le nom de Mustapha Benderrah a été lié à tous les amendements. Il est signalé qu'il intervient au nom du FLN. Les partis de la coalition doivent être fiers de leurs députés. Les consignes de vote ont été données aux militants du FLN (majorité parlementaire) par Belkhadem lui-même. Ce qui démontre que l'actuel ministre d'Etat et secrétaire général du FLN n'est pas du bord de certains rentiers qui existent au sein du FLN (ndlr, les ex de la nomenklatura et qui lui sont proches) et qu'essayent de lui coller certains mal intentionnés. Il est du monde rural et il maîtrise parfaitement les questions du foncier agricole. Donc, s'il y a quelqu'un qui doit défendre cette loi, en faisant abstraction des «vœux des frères», c'est bien lui. Lors des votes partiels, et surtout pour l'amendement concernant les moudjahidine, des députés autour d'Allioui, le chef d'orchestre, ont créé un brouhaha, poussant même vers une situation de blocage si ce n'était le tact du président de l'APN. L'adoption de cette loi a certainement provoqué une fête au PT. Comme bien entendu chez les Ouyahia et consorts. S'il y a aussi des députés qui seront tout comme les artisans de cette loi heureux et fiers, ce sont les membres de la commission parlementaire de l'agriculture et de l'environnement avec à leur tête le député Mahmoudi Mohamed et son secrétaire rapporteur Bayazid Belarbi. Pour le suivi de l'application de cette loi, il a été créé l'Office national des terres agricoles avec des prolongements régionaux. Les terres arables et fertiles ne seront plus jamais détournées de leur fonction de production agricole. Après l'adoption de la loi, l'un des principaux opposants avait lancé au président de la commission : «Vous nous ramenés à la période coloniale.» Le président de la commission lui répondra avec un sourire narquois, sachant pertinemment que ce dernier n'a jamais travaillé la terre et qu'il ne pourra continuer de bénéficier de la rente, sauf celle des 30 millions offerts par l'Algérie souveraine.